Le troisième article de cette série de quatre est consacré aux répercussions que les activités d’une société étrangère affiliée contrôlée peuvent avoir sur la position d’un contribuable en matière de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (« RDEIF »). Il s’appuie sur plusieurs des concepts relatifs à la RDEIF présentés dans les articles précédents.
Évolution des règles de RDEIF : Partie I
Le ministère des Finances a déposé la version définitive des règles de RDEIF.
En savoir plusSuivre l'évolution des règles de RDEIF : deuxième partie
Découvrez les questions liées à la modélisation en fonction des règles de RDEIF touchant aux pertes en capital et autres qu’en capital.
En savoir plusPartie III – Sociétés affiliées étrangères contrôlées
a) Perte étrangère accumulée relative à des biens (« PEARB ») et RDEIF
Les règles de RDEIF compliquent la tâche des contribuables canadiens qui possèdent des sociétés étrangères affiliées contrôlées. En effet, les contribuables doivent calculer les dépenses d’intérêts et de financement pertinentes de ces sociétés. Les dépenses d’intérêts et de financement sont calculées de manière théorique et correspondent généralement au montant des dépenses d’intérêts et de financement de la société étrangère contrôlée si elle était considérée comme résidente du Canada. En outre, elles ne sont calculées que dans la mesure où la société a un revenu étranger accumulé tiré de biens (« REATB »). Le REATB renvoie au revenu tiré de biens (intérêts, loyers, redevances, etc.), au revenu d’une entreprise exploitée activement requalifié en revenu passif et aux gains en capital imposables provenant d’éléments d’actif non productifs. La PEARB est le contraire du REATB.
Pourquoi est-ce important? Les contribuables possédant des sociétés étrangères affiliées contrôlées doivent inclure les dépenses d’intérêts et de financement de ces dernières dans leur propre calcul des dépenses d’intérêts et de financement. Cette situation pose problème lorsque l’une de ces sociétés réalise des PEARB et qu’il faut tenir compte de ses dépenses d'intérêts et de financement dans le calcul des PEARB. Comme les pertes autres qu’en capital, les PEARB peuvent être reportées à des années ultérieures ou antérieures pour réduire le REATB, ce qui peut constituer un attribut fiscal important. Toutefois, si la société étrangère affiliée contrôlée n’est pas censée générer un REATB à l’avenir, mais seulement des PEARB, le contribuable canadien doit quand même calculer le montant des dépenses d’intérêts et de financement de la société à prendre en compte dans son propre calcul des dépenses d’intérêts et de financement. Il peut en résulter des conséquences fiscales néfastes.
Un choix peut toutefois être exercé pour atténuer ce problème. Celui-ci permet de réduire à la fois les dépenses d'intérêts et de financement de la société affiliée et la PEARB du montant le moins élevé des deux. Toutefois, il est essentiel de déterminer si la société affiliée générera un REATB à l’avenir pour évaluer l’avantage fiscal global de ce choix.
Avant la version de novembre 2023 des règles de RDEIF, le choix entraînait une disparité dans le traitement des dépenses d'intérêts et de financement de la société affiliée et celui des PEARB qui a été corrigée par la loi de novembre 2023.
Les règles s’appliquent désormais de manière cohérente à la détermination des dépenses d'intérêts et de financement et des PEARB.
Les structures de capital-investissement ont intérêt à faire ce choix. Par exemple, il est courant qu’une société de portefeuille canadienne (« SoPo ») possède une filiale étrangère en propriété exclusive qui détient des biens locatifs générant des pertes. La filiale étrangère en propriété exclusive a des dépenses d’intérêts et de financement, ce qui donne lieu à des PEARB, de sorte que la SoPo devrait envisager de faire ce choix. Toutefois, cette dernière ne sait pas si la vente future de sa filiale étrangère en propriété exclusive pourrait donner lieu à un REATB.
C’est pourquoi nous recommandons de procéder à un exercice de modélisation complet afin de déterminer la valeur optimale de ce choix.
Suivi des PEARB
Dans le deuxième article de notre série, nous avons abordé le choix de traiter une perte antérieure au régime déterminée pour les pertes autres qu’en capital, qui permet au contribuable de réintégrer 25 % de ces pertes utilisées dans le calcul de son revenu imposable rajusté. Malheureusement pour les contribuables possédant des sociétés étrangères affiliées contrôlées, la législation ne prévoit pas de choix similaire pour les dépenses d'intérêts et de financement donnant lieu à une PEARB. On y indique aussi que le revenu imposable ajusté est calculé comme le revenu imposable soumis à des ajustements spécifiques, notamment la déduction pour amortissement, les dépenses et revenus d’intérêts et de financement ainsi que la portion des dépenses nettes d’intérêts et de financement déduite des pertes autres qu’en capital utilisées pendant la période d’imposition.
Nous examinerons maintenant plus en détail le calcul du revenu imposable ajusté. Dans ce calcul, un contribuable qui possède des sociétés étrangères affiliées contrôlées doit déterminer le montant de dépenses d'intérêts et de financement inclus dans les PEARB qui est utilisé pour réduire le REATB pour une période d’imposition. Par exemple, les PEARB peuvent réduire le REATB, tout comme les pertes autres qu’en capital peuvent réduire le revenu avant impôt. La détermination de l’utilisation des PEARB pour compenser le REATB nécessite un suivi sur plusieurs périodes d’imposition. Cela peut s’avérer difficile, surtout lorsque les PEARB sont réalisées au cours d’une période d’imposition ultérieure et qu’elles peuvent faire l’objet d’une demande de report rétrospectif. On ne sait pas encore si les modifications de choix résultant de demandes de report rétrospectif des PEARB seront autorisées ou non.
En outre, les vérifications fiscales et les ajustements qui en résultent compliquent encore la situation, car les montants de REATB, de PEARB, ou de dépenses d'intérêts et de financement pourraient s’en trouver modifiés. Si de tels ajustements sont apportés, il peut être nécessaire de modifier les calculs au titre de la RDEIF et les choix faits antérieurement. Il est impossible de savoir si des modifications de choix en raison des ajustements proposés par l’administration fiscale seront autorisées.
Il n’est possible de modifier les choix que lorsque l’avis de cotisation de l’ARC concernant la déclaration de revenus des sociétés d’un contribuable se traduit par une modification de la capacité excédentaire pouvant être utilisée ou transférée. Dans ce cas, une modification des choix est autorisée dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d’émission de l’avis de cotisation.
La ministre peut accepter un choix modifié si le contribuable est en mesure de démontrer que des efforts raisonnables ont été déployés pour déterminer les montants pertinents au moment de produire le choix modifié. Cela signifie que si la modification de choix est demandée dès que les circonstances le permettent et que, de l’avis de la ministre, il est juste et équitable d’autoriser un choix modifié, la modification pourra
être acceptée.
b) Déduction de l’impôt étranger accumulé
Lors du calcul des revenus d’intérêts et de financement, le contribuable doit prendre en compte les revenus d’intérêts et de financement de ses sociétés affiliées pertinents. Cette notion s’oppose à celle des dépenses d'intérêts et de financement de la société affiliée examinée précédemment. Les dépenses d'intérêts et de financement sont réduites de la proportion de l’impôt étranger accumulé déduit dans le calcul du REATB, imputable aux revenus d'intérêts et de financements. L’impôt étranger accumulé est généralement l’impôt étranger payé sur le revenu gagné par une société étrangère affiliée contrôlée. Bien que le REATB et l’impôt étranger accumulé ne soient traditionnellement pas suivis en fonction de la source de revenus, les règles de RDEIF exigent un tel suivi.
La réduction des revenus d'intérêts et de financement de la société affiliée au moyen de l’impôt étranger accumulé vaut pour toute période d’imposition au cours de laquelle l’impôt est utilisé. Il est important de noter que l’impôt étranger accumulé n’est pas comptabilisé avant d’être payé, et qu’il n’est pas nécessaire que l’impôt étranger soit payé au cours de l’année où le REATB est comptabilisé. Une telle situation se produit fréquemment, compte tenu du calendrier de comptabilisation du REATB aux fins de l’impôt canadien et de l’imposition de ce revenu par les administrations étrangères. Aux fins de l’impôt sur le revenu canadien, une déduction de l’impôt étranger accumulé est autorisée lorsque les impôts étrangers sont payés au cours d’une période de cinq ans plus l’année d’imposition. Par exemple, si l’impôt étranger accumulé est déduit au cours d’une période d’imposition ultérieure à la période au cours de laquelle les revenus d'intérêts et de financement de la société affiliée sont inclus dans les revenus d’intérêts et de financement du contribuable, la totalité de la déduction de l’impôt étranger accumulé est prélevée dans la période au cours de laquelle ils sont inclus.
Cela pourrait nécessiter la modification des calculs de RDEIF, des déclarations de choix et des déclarations d’impôt sur le revenu, le cas échéant. Cette situation peut également se produire lorsqu’une société étrangère affiliée contrôlée comptabilise un revenu en vertu des principes canadiens, mais que ce revenu est reporté selon des règles fiscales étrangères. Une vente à tempérament constitue un exemple où les principes canadiens exigent que la totalité des gains soit incluse dans le revenu, alors que des règles étrangères pourraient permettre la comptabilisation des gains au fur et à mesure que les paiements sont reçus. Aux fins de la déclaration de revenus canadienne, une déduction de l’impôt étranger accumulé est raisonnablement possible au cours de la période d’imposition durant laquelle le
paiement a lieu.
Toutefois, aux fins de la RDEIF, les revenus d'intérêts et de financement de la société affiliée sont réduits de la déduction de l’impôt étranger accumulé à laquelle ils se rapportent, quelle que soit la période d’imposition au cours de laquelle le paiement de l’impôt étranger accumulé a été effectué ou duquel il a été déduit.
Il convient également de noter que lorsque le revenu passif est imposé à un taux différent de celui du revenu d’une entreprise exploitée activement dans le ressort de l’impôt étranger accumulé, il peut s’avérer nécessaire d’effectuer un suivi et une séparation plus stricts de l’impôt étranger accumulé. L’Irlande, où le revenu passif est généralement imposé à 25 % et le revenu commercial à 12,5 %, est un exemple pertinent d'une telle situation.
Une réduction du facteur fiscal approprié de 4 à 1,9 pour les sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») et les SPCC en substance a également été proposée dans le budget de 2022. Si cette proposition est adoptée et lorsqu’elle entrera en vigueur, elle pourrait conférer aux SPCC un avantage au titre des règles de RDEIF. La réduction des revenus d'intérêts et de financement de la société affiliée par l’impôt étranger accumulé pour les SPCC ou les SPCC en substance peut être plus faible que pour les sociétés qui ne sont pas des SPCC en raison d’une réduction du facteur fiscal approprié.
Principaux éléments à retenir et prochaines étapes
La complexité du suivi des revenus d’intérêts et de financement donnant lieu à des PEARB alourdit le fardeau des contribuables en matière de conformité, situation aggravée par l’absence d’un choix comparable à celui prévu pour les pertes spécifiées antérieures au régime autres qu’en capital. Les contribuables touchés par ces règles devraient envisager de suivre les étapes ci-dessous :
- Les contribuables dont les sociétés étrangères affiliées contrôlées réalisent des PEARB devraient évaluer les conséquences du choix de leur réduction au moyen d’une modélisation complète.
- Les contribuables doivent conserver des documents de travail détaillés sur les montants de dépenses et revenus d'intérêts et de financement de leurs sociétés étrangères affiliées contrôlées générant à la fois des PEARB et des REATB.
- Les contribuables doivent veiller au calcul précis et à la mise à jour de l’impôt étranger accumulé lié au REATB résultant de revenus d’intérêts et de financement de sociétés étrangères affiliées contrôlées.
- Les contribuables doivent surveiller la modification de toute déclaration de revenus à l’étranger, étant donné qu’elle peut requérir une révision des calculs relatifs à la RDEIF susmentionnés, des choix, des déclarations de revenus et
des modèles.
Communiquez avec votre conseiller de BDO pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer l’incidence de ces propositions sur
votre entreprise.
Harry Chana,
Chef, Services en fiscalité internationale et transfrontalière
Jaskirit Randhawa,
Directrice principale, Services en fiscalité internationale
L’information présentée est à jour en date du 15 juillet 2024.
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