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Composer avec une période d'incertitude politique : prévisions de trésorerie et planification de scénarios pour les entreprises canadiennes

Daniel Ma :

J'ai conçu suffisamment de modèles pour savoir que la seule certitude concernant l'avenir est qu'il sera incertain.

Narrateur :

Bienvenue à La comptabilité de l'avenir, un balado de BDO Canada destiné aux dirigeants financiers pour composer avec les changements et faire croître leur entreprise. Nous explorerons les défis auxquels les dirigeants financiers n'ont peut-être pas été confrontés jusqu'à présent, mais qu'ils devront assurément relever à l'avenir.

Anne-Marie Henson :

Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l'avenir. Je suis votre animatrice, Anne-Marie Henson, et j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui notre invité, Daniel Ma, associé au sein des Services-conseils en finance de BDO, qui se spécialise dans l'évaluation d'entreprises et la modélisation financière. Son expérience comprend l'évaluation d'intérêts commerciaux, d'actifs incorporels et d'instruments financiers complexes à des fins de conseil en transactions, conformité et soutien en contentieux. Il dirige également le service de modélisation financière de BDO, où il aide les clients à développer des modèles pour la budgétisation, la planification stratégique et la prise de décisions éclairées. Daniel et moi avons d'ailleurs de nombreux clients aux besoins complexes en commun. Daniel, bienvenue à notre balado. Je suis ravie de vous avoir parmi nous.

Daniel Ma :

Merci beaucoup, Anne-Marie. Je suis ravi d'être ici.

Anne-Marie Henson :

Je pense qu'il est important pour nous de faire le point sur la situation actuelle. Je sais que cette émission s'intitule La comptabilité de l'avenir, mais pour ce qui est de composer avec une période d'incertitude politique, plusieurs événements qui se produisent actuellement touchent les entreprises canadiennes, américaines et mondiales, notamment en matière de changements réglementaires potentiels. Nous sommes le 4 février 2025 aujourd'hui, et Donald Trump, qui a été récemment investi il y a quelques semaines comme président des États-Unis, vient d'annoncer qu'il imposait des droits de douane de 25 % sur la plupart des biens exportés du Canada, l'énergie et certains autres produits devant faire l'objet de droits de douane dans quelques semaines. Le Canada a répondu par des droits de douane de représailles, et depuis lors, il semble y avoir eu des discussions qui ont conduit Donald Trump à suspendre ces droits de douane pendant au moins 30 jours.

Donc, nous ne savons pas vraiment où nous en serons avec ces droits de douane lorsque cet épisode sera diffusé. Tout le monde croise les doigts pour que cela ait suffi à dissuader Donald Trump d'imposer des droits de douane, mais nous n'en savons vraiment rien. C'est pourquoi nous vous avons invité, Daniel, pour nous aider à comprendre cette incertitude et bien d'autres, et la façon dont les directeurs financiers et les dirigeants d'entreprise peuvent mieux composer avec ces incertitudes, prévoir différents scénarios, mieux planifier, avoir de meilleures discussions avec leurs parties prenantes et, essentiellement, traverser la tempête, voire prospérer dans ce genre de situation. Je commencerai donc par la première question, en restant sur le sujet des droits de douane, concernant l'intention initiale qui était d'imposer un droit de 25 % sur la plupart des biens exportés du Canada vers les États-Unis. Comment les entreprises peuvent-elles se préparer de manière proactive à ce type de changement en matière de législation douanière, et quelles sont certaines des conséquences de ces droits de douane sur les entreprises canadiennes?

Daniel Ma :

Certainement, et je pense que c'est une question aux ramifications très vastes sur le plan des conséquences potentielles. Comme nous l'avons mentionné, ce balado est enregistré le 4 février. Il est presque important de préciser qu'il est 15 heures le 4 février, car les choses semblent vraiment changer d'heure en heure. Ce que nous avons vu hier soir, c'était une course contre la montre jusqu'à minuit, et finalement, fort heureusement, une suspension des droits de douane. Il devrait y avoir de supposées concessions du côté canadien, notamment un plan frontalier de 1,3 milliard de dollars, qui avait en fait été annoncé avant hier soir. Assez curieusement, cela a été présenté comme une victoire supplémentaire par l'administration Trump, mais il y avait aussi d'autres éléments, comme la classification des cartels comme terroristes, la création d'une force d'intervention conjointe canado-américaine pour lutter contre le crime organisé et la nomination d'un « tsar du fentanyl ».

Donc, quelques changements au niveau politique contribuent à suspendre ces droits de douane, et la question qui se pose est de savoir si ces droits de douane sont vraiment utilisés comme une menace réelle, ou s'ils sont utilisés presque comme un moyen de pression pour obtenir des concessions d'autres pays en faveur des politiques « America First » de Trump. En regardant les entreprises avec lesquelles nous travaillons et celles qui sont touchées, il y a vraiment deux catégories : les exportateurs et les importateurs. Évidemment, si les États-Unis imposent des droits de douane sur les produits canadiens, les entreprises canadiennes qui exportent des biens vers les États-Unis vont faire face à une demande réduite, car leurs biens et services seront tout simplement plus chers qu'un produit américain fabriqué localement, ce qui présente des défis pour les entreprises canadiennes qui vendent aux États-Unis.

Alors, que peuvent-elles faire pour se préparer? Ce n'est en aucun cas une liste exhaustive, mais il existe diverses stratégies qui pourraient être employées à court terme, comme l'examen de votre concentration d'acheteurs américains. Vous pourriez également envisager d'augmenter la concentration des ventes, tant vers le marché intérieur canadien que vers des pays qui n'ont pas ces droits de douane et qui sont plus favorables au Canada, du moins à court terme. Il pourrait également être judicieux de mettre des fonds de côté. Vous envisagez probablement une réduction des ventes. Comment va-t-elle affecter votre capacité à couvrir les coûts que vous devriez autrement engager? La production pourrait aussi être réduite et il s'agit d'une considération très sérieuse à laquelle les entreprises pourraient être confrontées à court terme, car si vous envisagez une demande réduite, vous n'aurez pas vraiment besoin de produire autant de biens. Cela signifie-t-il des licenciements? Cela signifie-t-il, encore une fois, une production réduite, ce qui, évidemment, de manière générale, n'est pas bon du point de vue de l'économie canadienne?

Et ce n'est qu'un côté de l'équation. De l'autre côté, il faut se demander ce que fera le gouvernement canadien. Il a été très ferme dans sa réponse. Il envisage essentiellement des droits de douane de représailles dollar pour dollar, et cela affecte les entreprises au Canada qui importent des biens. Cela touche donc les deux côtés de la chaîne, car maintenant, lorsque nous avons des importateurs qui paient des droits de douane de 25 % sur les biens importés des États-Unis, cela peut créer beaucoup de maux de tête dans les chaînes d'approvisionnement. Alors, qu'est-ce que cela signifie? Cela se traduit probablement par une augmentation des prix pour ces biens vendus au Canada, ce qui conduirait probablement à une réduction de la demande. Encore une fois, il s'agit d'une situation délicate à considérer pour les importateurs.

Que pouvons-nous faire, au moins à court terme? Certaines des stratégies incluent de mettre des fonds de côté, car encore une fois, vous devez tenir compte du fait que beaucoup de vos biens d'entrée sont peut-être 25 % plus chers, sinon plus, en raison des droits de douane que vous payez maintenant, que vous n'auriez pas eu à payer autrement. L'autre chose que vous pourriez également envisager est ce qu'on appelle le chargement anticipé ou le stockage, et nous voyons en fait beaucoup de grandes entreprises le faire.

Au moins aux États-Unis, des entreprises comme Walmart et Columbia Sportswear achètent tous leurs stocks à l'avance et le stockent avant d'avoir à payer ces droits de douane. Donc, elles prennent les devants sur les droits de douane, mais est-ce quelque chose qui est réalistement réalisable pour des petites et moyennes entreprises? Cela pourrait être difficile. Il y a des défis très réels d'entreposage si vous achetez tous ces biens à l'avance. Où allez-vous les garder si vous n'avez pas un grand centre de distribution?

Des défis sont donc présents des deux côtés. Ensuite, lorsque vous regardez la situation macroéconomique plus large qui la sous-tend, cela devient encore plus délicat. Quand nous pensons à l'incidence, par exemple, sur les taux d'intérêt, il n'y a pas de réel consensus sur la façon dont ces droits de douane les affecteraient. Il semble que l'introduction de ces droits de douane va créer d'importantes pressions récessionnistes. Ce qui se passe habituellement en période de récession, c'est que la Banque du Canada veut baisser les taux d'intérêt pour stimuler la croissance économique et lutter contre ces pressions.

D'un côté, nous pourrions penser que les taux d'intérêt vont effectivement baisser. Mais d'un autre côté, les droits de douane créent des pressions inflationnistes, car les biens sont plus chers. Nous venons de vivre une période où la Banque du Canada, en réponse à l'inflation, a augmenté les taux à des niveaux historiques au cours des dernières années. Y a-t-il des pressions pour augmenter le taux d'intérêt en fonction de la pression inflationniste? Au-delà du microcosme des entreprises et du point de vue macroéconomique, plusieurs enjeux et décisions politiques auront un impact assez durable, ce qui entraînera beaucoup d'incertitude. Je pense que c'est ce dont nous parlons aujourd'hui. Nous vivons vraiment à une époque d'incertitude. En conséquence, comment pouvons-nous mieux composer avec elle? Quelles stratégies pouvons-nous employer pour mieux orienter nos activités?

Anne-Marie Henson :

Oui, exactement. Je suis heureuse que vous ayez mentionné toutes ces choses, et encore une fois, ce sont toutes des solutions potentielles. Certaines peuvent fonctionner pour certaines entreprises et d'autres non. Cela dépend vraiment de la situation particulière dans laquelle on se trouve. Il est difficile de voir les propriétaires d'entreprise débattre actuellement de ce qu'il faut faire et de la manière d'aller de l'avant en raison de la volatilité des dernières années en général. Vous avez parlé de ces grandes entreprises qui ont fait du stockage. Je me souviens d'une époque pas si lointaine, il y a trois ans, pendant la COVID, où les expéditions outre-mer posaient de très gros problèmes. Certaines marchandises étaient carrément bloquées sur les eaux internationales pendant des mois, et les entreprises ont rapidement décidé de changer de cap et de ne plus commander des stocks juste à temps comme elles l'avaient fait pendant de nombreuses années, mais de stocker. La demande a ensuite baissé et plusieurs d'entre elles ont dû payer des coûts d'entreposage et ont été incapables de vendre une grande partie des produits qu'elles avaient stockés à cause des problèmes de réception des stocks en temps voulu pendant ces périodes de pointe de la COVID.

Encore une fois, toutes les stratégies sont vraiment intéressantes à examiner, mais il est important de comprendre lesquelles sont les plus bénéfiques ou peuvent potentiellement aider une entreprise dans ce type de situation. Dans ce balado, nous avons beaucoup parlé par le passé du rôle d'un directeur financier d'une entreprise, qui semble avoir beaucoup changé au cours des dernières années. Le directeur financier n'est plus considéré comme la personne responsable des gains et des pertes historiques et de leur déclaration à la banque. On s'attend à ce que les directeurs financiers créent de la valeur et contribuent à la stratégie au-delà de son exécution. Ils doivent élaborer une stratégie de croissance pour les entreprises, donc ils y participent activement. Par conséquent, je pense que les directeurs financiers peuvent jouer un rôle vraiment très important dans la planification de scénarios. C'est en quelque sorte ce dont nous parlons ici avec ces solutions potentielles que les entreprises peuvent envisager. Comment pensez-vous que les directeurs financiers d'aujourd'hui peuvent efficacement tenir compte des prévisions ou planifier des scénarios dans leurs activités, presque au quotidien ou d'heure en heure à ce stade-ci?

Daniel Ma :

Je vais vous donner un aperçu de notre service de modélisation financière. Très souvent, lorsque nous travaillons sur la modélisation financière avec des clients, nous les aidons en fait à créer des modèles qui sont axés vers un type de décision à prendre, que ce soit l'ouverture d'une nouvelle usine, l'expansion, la vente d'une division, le financement, etc. Ainsi, différents scénarios sont souvent créés et évalués pour aboutir à ce que nous croyons être des décisions éclairées qui sont ensuite prises par le directeur financier et l'équipe de direction élargie. Ce n'est pas très différent de ce qui se passe présentement avec les droits de douane entre le Canada, les États-Unis, et certains autres pays comme le Mexique et la Chine.

Lorsque nous examinons ces scénarios, nous devons nous demander ce qui pourrait ultimement se produire. En les analysant, nous trouverons peut-être un exemple de la façon d'envisager la planification de scénarios. Dans ce cas-ci, il y a quelques scénarios ou plusieurs scénarios qui doivent se produire. Le premier scénario est que, dans 30 jours, pour une raison quelconque, l'administration Trump décide que nous n'en avons pas fait assez pour sécuriser la frontière et arrêter le trafic illégal de fentanyl ou d'autres drogues à la frontière. Les droits de douane entrent donc en vigueur. Le gouvernement canadien imposerait fort probablement des droits de douane en guise de représailles. À quoi ressemble ce scénario pour une entreprise, par rapport à l'absence de droits de douane? Ce sont en quelque sorte les deux grands scénarios possibles.

Il y a probablement un éventail de scénarios entre les deux également. Il se pourrait que les États-Unis mettent en place des droits de douane, mais que le Canada ne le fasse pas. Il faut se demander si ce scénario doit vraiment être pris au sérieux ou s'il doit être mis à l'écart. Les sondages actuels révèlent que 82 % des Canadiens sont en faveur de droits de douane en guise de représailles, donc ce serait un peu un suicide politique d'accepter simplement les droits de douane américains et de ne pas riposter nous-mêmes. Ce scénario peut donc être écarté.

Dans ces deux scénarios, que des droits de douane soient imposés des deux côtés ou qu'il n'y en ait pas du tout, nous devons évaluer nos options. Il s'agit en quelque sorte d'une autre dimension de complexité. D'une part, vous pourriez opter pour le statu quo. Nous ne changeons rien et encaissons le coup. Nous payons ce droit de douane de 25 %, et nous espérons pouvoir le récupérer auprès de nos consommateurs. Quel portrait se dessine? Allons-nous devoir prévoir notre demande? Aurons-nous assez de liquidités pour payer ces droits de douane? Devons-nous mettre des fonds de côté? Devons-nous obtenir du financement? Cela élargit alors vraiment certaines de vos autres considérations.

Ensuite, vous pourriez avoir un scénario concernant le stockage. À quoi ressemble-t-il? Ai-je les fonds maintenant pour accumuler des stocks avant de payer ces droits de douane? Combien dois-je dépenser le mois prochain ou dans les 30 prochains jours? Est-ce que j'ai la position de trésorerie pour le faire? Il y a des coûts associés au stockage, comme les coûts d'entreposage, donc, quelle sera mon absorption des biens que je vends? Est-ce que cela va se produire sur une période assez longue ou assez courte? Pendant combien de temps devrai-je assumer ces frais d'entreposage supplémentaires? Les avantages liés au non-paiement des droits de douane compensent-ils réellement les coûts de stockage et les risques qui en découlent? Sans modèle financier, il est très difficile de répondre à ces questions puisqu'elles nécessitent une analyse quantitative.

La planification par scénarios consiste essentiellement à envisager de manière qualitative toutes les possibilités. Il faut ensuite concevoir des stratégies pour gérer chacun de ces scénarios et, naturellement, retenir celle qui se révèle la plus avantageuse. En tant que comptable professionnel agréé et commis comptable professionnel, les chiffres, la comptabilité, les évaluations et la modélisation me passionnent. Toutefois, il y a aussi une dimension stratégique qui englobe la compréhension des répercussions qualitatives de la mise en œuvre de la stratégie retenue. Je n'envie pas les directeurs financiers ni les équipes de direction actuellement. Les périodes d'incertitude exigent de nombreuses décisions difficiles, mais la planification permet au moins d'avoir une vision plus claire des possibilités et des moyens de les aborder de façon stratégique.

Anne-Marie Henson :

Ces renseignements sont très intéressants et illustrent bien l'importance de la planification. Je n'ai même pas mentionné qu'au moment où le Canada a annoncé ses droits de douane en guise de représailles, Trump avait menacé, sans toutefois passer à l'action, d'imposer des droits de douane additionnels pouvant atteindre 50 %. Il était donc prêt à aller au-delà de ceux déjà punitifs de 25 %. On entend parfois dire que la planification est impossible lorsque les scénarios sont aussi extrêmes. Dans cette optique, comment les directeurs financiers ou les propriétaires d'entreprise devraient-ils aborder cet exercice pour le réussir?

Daniel Ma :

Un élément essentiel consiste à mettre à l'épreuve ses hypothèses. Pour le moment, les droits de douane se répercutent soit par leur paiement, représentant un coût pour l'entreprise, soit par une réduction des ventes qui entraîne une baisse des revenus. Dans les deux cas, la trésorerie subit des pressions. Il est nécessaire d'examiner les principales variables de notre modèle à soumettre aux tests de résistance. Par exemple, si nous envisageons de transférer le coût des tarifs aux consommateurs, quelle proportion pouvons-nous transférer et, dans l'hypothèse d'un transfert intégral, quelles en seraient les répercussions sur la demande? Une certaine rigueur scientifique s'impose puisqu'il faut tenir compte de la souplesse propre au secteur d'activité.

Certains secteurs peuvent augmenter leurs prix sans conséquence, les consommateurs continueront d'acheter. J'en suis moi-même la preuve : pour Netflix, par exemple, je serais prêt à payer n'importe quel prix pour maintenir la qualité du service (une petite publicité gratuite pour Netflix au passage). En revanche, si un fruit devient trop coûteux, le consommateur en choisira un autre. Ces aspects doivent être mis à l'épreuve pour comprendre les répercussions réelles sur les résultats. Quelle sera notre situation de trésorerie? Maintiendrons-nous notre solvabilité? Pourrons-nous réaliser nos stratégies à long terme? Car au-delà de la simple solvabilité, de nombreuses entreprises avaient établi d'excellents plans de croissance pour 2025 qui se trouvent maintenant compromis. Disposons-nous toujours des moyens nécessaires pour investir comme prévu dans un contexte politique moins favorable?

La compréhension des variables essentielles et l'élaboration de tests de résistance raisonnables permettront de déterminer les limites des stratégies envisagées. Cette pratique est courante dans le domaine du crédit. Les analystes qui évaluent les demandes de prêt procèdent généralement de la même manière. Ils examinent les facteurs clés qui influencent l'emprunteur potentiel. Les scénarios envisagés incluent l'absence de ventes, l'augmentation des coûts ou la survenue d'un imprévu. L'emprunteur pourra-t-il honorer ses obligations dans ces circonstances? La réponse orientera la décision de prêt. Le principe reste le même : la compréhension et la mise à l'épreuve des variables essentielles revêtent une importance capitale dans cet exercice.

Anne-Marie Henson :

Les répercussions sur les revenus ont déjà été abordées, mais il me semble important de les souligner davantage. Dans de telles situations, nous parlons souvent des effets sur les revenus bruts : augmentation des prix, répercussion sur les consommateurs, baisse de la demande. Les frais d'entreposage pourraient augmenter. Le coût des marchandises importées pourrait grimper en raison des droits de douane en guise de représailles. Tous ces éléments influencent les bénéfices, mais comme vous l'avez mentionné, ils touchent également les flux de trésorerie.

Le stockage des stocks nécessite des liquidités supplémentaires. Les emprunts contractés à cette fin entraînent des frais d'intérêt. Les répercussions se font sentir jusque dans les investissements prévus. La modernisation du système de planification des ressources ou les investissements en immobilisations doivent être reconsidérés. Les flux de trésorerie subissent donc des conséquences bien réelles. La prise en compte de ces répercussions revêt manifestement une grande importance. Quels outils recommanderiez-vous aux directeurs financiers dans de telles circonstances? Les modèles très complexes existent, mais ne conviennent pas nécessairement à tous. Qu'avez-vous observé dans la pratique?

Daniel Ma :

En fin de compte, nul besoin de compliquer les choses. Dans notre domaine, les modèles financiers sont pratiquement synonymes de Microsoft Excel. En tant que comptable professionnel agréé, je ne saurais trop insister sur mon attachement aux feuilles de calcul. Bien que le logiciel ne soit pas particulièrement simple, les directeurs financiers le maîtrisent généralement bien. Les outils que nous observons reposent sur des modèles à trois états financiers : les pertes et les profits liés au bilan et, ultimement, aux flux de trésorerie. La trésorerie demeure primordiale pour assurer les investissements souhaités et le financement des activités. Le modèle de base s'accompagne habituellement de feuilles de calcul ou de calculs auxiliaires.

Par exemple, en cas de financement par emprunt, il convient naturellement de prévoir les obligations de remboursement. Cette information permet de déterminer si les flux de trésorerie suffiront au service de la dette. En période difficile, les entreprises trop endettées sont généralement les premières à éprouver des difficultés financières. Un modèle simple qui intègre tous ces éléments et permet d'effectuer des analyses de sensibilité sur différentes variables s'avère donc essentiel.

Ma réponse concernant Excel comme outil financier reste générale. La qualité du modèle dépend ultimement de la réflexion qui sous-tend son élaboration. Une seule catégorie de revenus suffit, mais avez-vous vraiment décomposé les revenus selon les variations de prix abordées précédemment?

Quelles sont les répercussions sur la demande? Existe-t-il différents codes de produit? Offrez-vous des services ou des produits complémentaires? Par exemple, si un premier produit, dont toutes les pièces sont fabriquées au Canada, échappe aux tarifs, mais qu'un second produit complémentaire, dont les pièces proviennent des États-Unis, en subit les effets, la demande pour le premier produit diminuera probablement aussi. La réflexion qui sous-tend le modèle constitue donc l'outil essentiel. Je révise donc ma réponse : Excel représente un outil, mais le meilleur instrument reste notre cerveau, notre compréhension de l'entreprise et les facteurs pertinents à intégrer au modèle.

Anne-Marie Henson :

Excellente réponse. J'apprécie particulièrement votre changement de point de vue. Il est bon de savoir que l'outil utilisé ne résoudra pas le problème ni ne fournira la réponse. La solution découle de la connaissance de l'entreprise et de la compréhension des subtilités des différents scénarios. L'outil permet simplement de consigner ces éléments et d'en comprendre les répercussions financières. Je tiens à préciser que notre conversation ne se limite pas aux droits de douane, même si cette question préoccupe de nombreuses entreprises canadiennes actuellement. Des situations similaires se sont déjà produites. La pandémie, par exemple, a récemment forcé de nombreuses entreprises à modifier leurs pratiques. Pourriez-vous donner d'autres exemples récents où la modélisation financière s'est révélée particulièrement utile?

Daniel Ma :

La pandémie constitue l'exemple le plus récent. Trois ou quatre ans se sont écoulés depuis. Bien que la fin officielle reste difficile à établir précisément, de nombreux clients et entreprises devaient alors prendre des décisions concernant leur modèle d'exploitation pendant et après la pandémie. Pour notre entreprise, par exemple, certains coûts étaient liés aux bureaux. Le passage au télétravail a modifié cette situation. La prévision des coûts et la détermination de la meilleure voie à suivre concernaient non seulement nos clients, mais également notre propre entreprise.

Le message fondamental reste le même : en période d'incertitude, qu'il s'agisse d'événements macroéconomiques majeurs comme une pandémie, une crise financière ou l'imposition de droits de douane, la compréhension des différents scénarios, de l'entreprise et des prévisions, ainsi que la mise à l'épreuve des stratégies d'adaptation revêtent une importance capitale. Du côté des modèles plus courants, nos clients investissent dans de nouveaux projets, prennent de l'expansion ou cherchent du financement. Ces situations comportent également leur part d'incertitude. La construction d'une nouvelle usine ne garantit aucunement son exploitation au maximum de sa capacité, la vente de tous les produits, ni la réalisation d'un bénéfice intéressant. Toute décision exige une analyse approfondie, la détermination des principaux leviers et leur intégration adéquate dans les prévisions du modèle. L'expérience m'a appris que seule l'incertitude demeure certaine.

Anne-Marie Henson :

Absolument. De manière plus optimiste, car l'ampleur inhabituelle de l'incertitude actuelle suscite beaucoup d'anxiété, au-delà des réactions largement négatives des Canadiens aux droits de douane initialement annoncés et d'une certaine unité dans la réponse canadienne, y a-t-il des retombées positives potentielles pour l'économie canadienne si ces droits de douane entrent effectivement en vigueur?

Daniel Ma :

La recherche du bon côté des choses n'est pas simple, mais certains aspects positifs méritent notre attention. L'unité canadienne s'est renforcée. Les partis politiques se sont rassemblés pour soutenir les droits de douane en guise de représailles et promouvoir les achats locaux. Le gouvernement libéral s'oppose aux droits de douane tandis que Doug Ford retire les boissons alcoolisées américaines des tablettes de la LCBO. Les partis politiques semblent agir davantage à l'unisson, ce qui représente une évolution positive. La réduction de l'incertitude intérieure compense en quelque sorte l'augmentation de l'incertitude internationale.

Un autre élément, peut-être plus controversé, concerne les motivations américaines relatives aux droits de douane. La sécurité frontalière en constitue une, mais l'administration Trump dénonce également des pratiques commerciales canadiennes jugées déloyales. Les télécommunications, par exemple, ont été mentionnées. Sans m'étendre sur les prix que nous payons pour internet et la téléphonie mobile, une participation ou une concurrence américaine accrue dans ces secteurs pourrait se révéler bénéfique. Des préoccupations similaires concernent les restrictions imposées aux banques américaines au Canada. Bien que les entreprises établies puissent en souffrir, les consommateurs profiteraient peut-être de prix plus avantageux grâce à une concurrence accrue. Des aspects positifs existent certainement, mais la plupart des Canadiens préféreraient manifestement éviter les droits de douane.

Anne-Marie Henson :

En effet. Une dernière question, Daniel, concernant le message essentiel à retenir sur l'importance de la planification d'entreprise en période d'incertitude. Par où doit commencer une nouvelle entreprise ou une entreprise peu habituée à ce type de planification?

Daniel Ma :

La planification rigoureuse revêt une importance cruciale, particulièrement en période de crise, car elle permet de traverser la tempête. La pandémie en a fourni de nombreux exemples parmi nos clients qui envisageaient une sortie. La pandémie a bouleversé leurs plans. Selon l'hypothèse répandue, les valorisations allaient s'effondrer. Le capital disponible était mis de côté. La demande d'acquisition d'entreprises devait chuter pendant la pandémie. Les entreprises refusaient naturellement de vendre à un prix très réduit.

Une distribution bimodale a finalement émergé. De nombreuses entreprises mal gérées tentaient simplement de survivre à la pandémie, tandis que les entreprises bien organisées, agiles et dotées d'outils décisionnels performants ont maintenu, voire augmenté leur valorisation. Le capital disponible recherchait les bonnes entreprises. La résilience face à l'incertitude politique et économique attire les acheteurs en raison de sa rareté. Pendant la pandémie, les entreprises performantes ont attiré davantage d'acquéreurs potentiels qu'auparavant, tandis que les autres restaient sur la touche. Cette situation démontre l'importance d'une planification solide et d'une stratégie adaptée au contexte économique et politique.

Quant aux premières étapes, plusieurs pistes se présentent. Dans le contexte actuel des droits de douane, il convient d'abord de se demander comment ils touchent mon entreprise. Quelles sont leurs répercussions sur les coûts des intrants et sur la demande pour mes produits? Cette compréhension oriente l'élaboration d'un plan. Ensuite, sans fausse modestie, de nombreux conseillers professionnels, dont notre cabinet, sont prêts à accompagner les entreprises dans ces périodes incertaines, de plus en plus fréquentes ces dernières années.

Anne-Marie Henson :

Merci, Daniel. Ces conseils s'avéreront précieux pour les entreprises. Cette mention des conseillers professionnels est tout à fait pertinente. Les propriétaires d'entreprise et les directeurs financiers jonglent actuellement avec de nombreuses priorités. Le recours à des fournisseurs de services spécialisés et expérimentés leur permet de mieux comprendre les répercussions tout en se concentrant sur leur stratégie, leur croissance ou leurs gammes de produits.

Par exemple, nous avons rapidement créé un outil d'analyse des droits de douane (TOVA) en réponse à l'incertitude actuelle. Il permet aux entreprises de comprendre les répercussions réelles des droits de douane de 25 % initialement prévus sur les produits visés. Les fondateurs et les directeurs financiers ont tout intérêt à solliciter l'aide de leurs fournisseurs de services pendant cette période. Merci, Daniel, pour votre temps et vos réflexions. J'espère que notre auditoire a apprécié cette discussion. Si vous avez aimé cet épisode, laissez un commentaire et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. Merci à nos auditeurs. Je suis Anne-Marie Henson et vous écoutiez La comptabilité de l'avenir de BDO. À la prochaine!

Narrateur :

Merci d'avoir été des nôtres pour cet épisode de La comptabilité de l'avenir. Vous pouvez écouter les épisodes précédents et lire d'autres articles sur le sujet à l'adresse https://www.bdo.ca/fr-ca/insights/accounting-for-the-future-a-bdo-canada-podcast. Vous pouvez également vous abonner sur Apple Podcasts, Spotify ou Google Balados. Pour obtenir de plus amples renseignements sur BDO Canada, visitez le bdo.ca/fr-ca.

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