Paul Vetrone :
Au bout du compte, une approche fondée sur les données mènera à des gains d’efficacité pour nos clients et ceux des autres cabinets d’audit, et nous permettra d’améliorer la qualité de nos travaux.
Narrateur :
Bienvenue à La comptabilité de l’avenir, un balado de BDO Canada à l’intention des dirigeants financiers qui doivent composer avec le changement tout en assurant la croissance de leur entreprise. Nous aborderons des questions que les directeurs financiers n’avaient pas eu à traiter par le passé, mais qu’ils devront inévitablement gérer à l’avenir.
Anne-Marie Henson :
Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l’avenir. Je suis votre animatrice, Anne-Marie Henson. L’épisode d’aujourd’hui porte sur les technologies et l’évolution des solutions d’audit fondées sur les données. Pour en parler, je reçois deux experts incontestés qui répondront à nos questions concernant les changements à venir en audit. Tout d’abord, Paul Vetrone, qui est à la tête du catalyseur stratégique Innovation et changement chez BDO Canada. Il s’emploie à accroître l’innovation et la transformation numérique au sein du cabinet, en plus de travailler en étroite collaboration avec des spécialistes ainsi que des technologues pour explorer et mettre en œuvre les possibilités d’innovation. Paul dirige aussi les initiatives du cabinet visant à concevoir des outils d’analyse de données à partir de divers modèles d’IA et d’apprentissage automatique afin de mieux servir les clients de BDO.
Puis, Youssef Hounat, le vice-président responsable des produits chez DataSnipper. Au cours de son impressionnante carrière, Youssef a passé près de 10 ans au sein d’entreprises de premier plan dans le secteur, dont EY. Comptable agréé, il a fait des études en comptabilité et en finance, en plus de travailler à la conception de produits numériques. En se consacrant à ses deux passions, il a jeté un pont entre le monde de l’audit et celui de l’innovation. Paul et Youssef, je suis très heureuse de m’entretenir avec vous aujourd’hui.
Paul Vetrone :
Merci de l’invitation, Anne-Marie.
Anne-Marie Henson :
Tout d’abord, comme les gens ne connaissent peut-être pas DataSnipper, Youssef, ma première question s’adresse à vous. Pourriez-vous nous dire quelques mots à propos de l’entreprise? Qu’est-ce qu’on y fait, et depuis combien de temps y travaillez-vous?
Youssef Hounat :
Je fais partie de l’équipe de DataSnipper depuis trois ans. Essentiellement, nous offrons une plateforme intelligente destinée aux audits qui permet aux utilisateurs de créer leurs propres tests de détail et de saisir des données provenant de leurs pièces justificatives. Pour simplifier ce processus, nous nous fondons dans une large mesure sur le traitement intelligent des documents et l’IA. Notre outil prend la forme d’un plugiciel pour Excel, ce qui permet une fluidité dans le travail. Prenons par exemple un test de détail sur des charges administratives. Plutôt que de devoir passer l’une après l’autre les nombreuses factures en format PDF, il est possible de les importer directement dans un dossier de travail. Ensuite, l’utilisateur a accès à un outil d’extraction facile à utiliser ou à d’autres fonctions d’automatisation avancées pour exécuter le travail. Cet outil facilite non seulement la préparation, mais également les tâches de révision.
Anne-Marie Henson :
Très intéressant. J’ai fait mes débuts chez BDO il y a une vingtaine d’années, et je peux vous dire que nous n’utilisions pas DataSnipper à ce moment. En fait, nous utilisions peu la technologie à cette époque. J’ai cependant pu faire l’essai de ce type d’outils depuis, comme responsable de la révision plus récemment, et je peux confirmer qu’ils simplifient notre travail et facilitent la compréhension des tests et de la conclusion. Je suis donc impatiente de parler des progrès réalisés jusqu’ici et de l’avenir que nous réservent les outils comme celui de DataSnipper.
Youssef Hounat :
Merci, je suis heureux de l’entendre.
Anne-Marie Henson :
Alors, Youssef, je suppose que vos clients actuels sont en grande partie des cabinets d’audit. Quel genre d’outils technologiques recherchent-ils selon vous? Et quel portrait pouvons-nous dresser du secteur de la certification en ce qui concerne la technologie dans son ensemble à l’heure actuelle?
Youssef Hounat :
En effet, au départ, notre clientèle comptait principalement des cabinets d’audit. Toutefois, des bureaux de directeurs financiers, des équipes de contrôle financier, des spécialistes en préparation de déclarations de revenus et des auditeurs internes se servent de plus en plus de notre produit. Il existe donc un groupe adjacent de professionnels qui représente en quelque sorte un marché naturel pour nous. En général, nous constatons que les gens cherchent des moyens de gagner en efficacité et d’élargir la portée de leurs travaux.
Comme vous l’avez indiqué, à nos débuts dans le milieu, et je suis malgré moi forcé d’affirmer que nous faisons partie de la même génération, nous travaillions beaucoup avec des documents papier, crayons rouges et verts en main. Bien entendu, c’était très utile pour apprendre les dessous du travail en entreprise. Toutefois, après avoir répété le même exercice une, deux, trois fois, l’utilité était-elle toujours d’actualité?
Actuellement, on s’arrache les employés dans le secteur. Les gens veulent s’assurer que leurs équipes se concentrent sur des activités offrant une valeur ajoutée. Pour cette raison, ils se tournent vers DataSnipper, qui les aide à éliminer les tâches manuelles et répétitives et leur permet donc de se consacrer aux questions vraiment importantes. Les équipes peuvent ainsi parler avec les clients et apprendre à bien connaître et comprendre leur entreprise. Elles peuvent repérer les problèmes potentiels et disposent du temps nécessaire pour en discuter avec les personnes concernées et régler la situation. Parfois, les échéances et l’organisation des projets compliquent les choses et rendent le travail difficile. C’est là que notre outil entre en jeu et vient en aide aux utilisateurs.
Anne-Marie Henson :
C’est très bien, et vous soulevez un point très important. On entend parfois dire que la technologie rendra la participation des humains inutile et qu’elle pourrait même nous remplacer un jour, mais tout porte à croire que ce n’est pas à prévoir, du moins pas à court terme. En fait, la technologie nous aidera à accomplir plus efficacement les tâches répétitives, ce qui nous permettra de nous concentrer sur ce qui apporte de la valeur et qui est central dans les missions d’audit. Nous pourrons ainsi consacrer plus de temps à échanger avec les clients pour comprendre leurs plans. Il est formidable de savoir que c’est ce que recherchent beaucoup de vos clients. Vous ne travaillez donc pas seulement avec des cabinets, mais aussi avec la fonction financière d’entreprises de divers secteurs. Voilà qui est fantastique.
Youssef Hounat :
Ces réflexions sont très intéressantes, en effet. Nous nous demandons tous comment rester pertinents, et comment faire évoluer la profession au rythme de la technologie. En fin de compte, les gens veulent gagner en efficacité, mais demeurer irremplaçables. Dans certains cas, la situation est évidente. Prenons par exemple la tenue de livres, dont les règles sont clairement définies; on doit inscrire certaines opérations dans les débits, d’autres dans les crédits. Exactement le genre de tâches qui peuvent être automatisées.
En comptabilité, par contre, quelqu’un pourrait se demander comment traiter le montant d’un remboursement obtenu sur un bail ou effectuer une swaption bermudienne pour tirer le maximum de cette opération. Ce sont des questions complexes comportant bien des nuances qu’un algorithme à lui seul aurait bien du mal à résoudre. Par ailleurs, je ne crois pas qu’il sera un jour possible d’utiliser un algorithme pour expliquer aux actionnaires ou aux participants à une assemblée générale annuelle la justification d’une opinion d’audit sans réserve. Voilà, entre autres, des situations où la participation des humains demeure essentielle.
Anne-Marie Henson :
C’est un très bon point. Je me tourne maintenant vers vous, Paul. Vous possédez une grande expérience chez BDO et au Canada. Pouvez-vous donc nous expliquer à quoi ressemble un audit fondé sur les données? Youssef en a parlé un peu, mais dites-nous quels en sont les avantages pour les clients.
Paul Vetrone :
Avec plaisir. La plupart des gens connaissent très bien la façon classique de mener un audit, soit vérifier les factures et effectuer un test sur un échantillon de la population. Or, même si ces processus s’appuient sur des méthodes statistiques, il y a néanmoins une part de hasard. Parfois, on repère quelque chose, on trouve une erreur dans les échantillons, parfois non. Quand un membre du personnel détecte une erreur ou une anomalie, il vérifie bien souvent les éléments suivants, juste au cas. Ce genre de processus n’est donc pas de la plus grande fiabilité et présente certaines lacunes.
Lorsque nous parlons de méthode d’audit fondée sur les données, nous tenons compte de l’ensemble de la population, du jeu complet de données. Ainsi, nous sommes en mesure de constater les tendances et les anomalies que présentent ces données et de relever dans cette information les valeurs aberrantes. Cette toute nouvelle façon de faire viendra rehausser la qualité des audits et profitera aux clients. Pour mettre en place de tels processus, les membres de la profession doivent faire appel à la technologie, utiliser des outils comme celui de DataSnipper et s’adapter aux tendances en matière d’IA et d’IA générative. Au bout du compte, une approche fondée sur les données mènera à des gains d’efficacité pour nos clients et ceux des autres cabinets d’audit, et nous permettra d’améliorer la qualité de nos travaux.
Anne-Marie Henson :
Je suis heureuse de vous l’entendre dire, vous qui vous occupez depuis des années d’aspects techniques de la comptabilité et de la certification. Une hausse de la qualité des audits sera la bienvenue, et souhaitons qu’elle se traduise par un meilleur service client. Des audits de plus grande qualité ne peuvent que profiter aux parties prenantes et aux clients. Nous en tirerons aussi avantage dans la formation des futurs CPA. Comme je l’ai dit, au cours de mes nombreuses années au sein du cabinet, les choses ont grandement évolué, et les outils sont beaucoup plus efficaces. Aujourd’hui, bien des cabinets créent leurs propres plateformes internes. BDO Harmony en est un exemple chez nous. Comme vous avez participé activement à la conception de cette plateforme, pouvez-vous nous indiquer en quoi elle consiste et en quoi elle nous a permis d’accroître la qualité de nos audits?
Paul Vetrone :
Nous utilisons BDO Harmony dans tout notre réseau depuis quelques années déjà. Cet outil est un exemple de ce dont je parlais plus tôt, puisqu’il nous permet d’analyser des populations entières de données et de réaliser différentes procédures d’audit. Vous avez soulevé un excellent point, Anne-Marie, lorsque vous avez en quelque sorte comparé l’utilisation de la technologie et nos anciennes méthodes. Auparavant, nous pouvions travailler avec des documents papier pour réaliser des audits. Aujourd’hui, cependant, même nos plus petits clients génèrent une telle quantité de données et d’informations qu’il est pratiquement impossible d’y arriver sans la technologie. Sans outils, la qualité des audits ne serait pas aussi élevée. Grâce à BDO Harmony, par exemple, nous pouvons normaliser les données et les nettoyer avant de mettre en œuvre différentes procédures d’analyse. Les outils de visualisation des données, dont Power BI, et d’autres outils comme celui de DataSnipper, nous aident aussi à analyser l’information.
Nous pouvons également automatiser certaines procédures d’audit et nous fonder davantage sur les statistiques en examinant les tendances dans les données. Nous sommes donc en mesure de repérer les anomalies dans les populations de données provenant des clients, ce qui a pour effet de rehausser la qualité des audits, comme je le disais. BDO Harmony offre de nombreux avantages. Beaucoup de nos clients ont d’ailleurs commencé à l’utiliser et constatent à quel point cela facilite leurs audits. Des équipes de mission nous ont même dit qu’elles ont pu relever des erreurs qu’elles n’auraient pas pu remarquer avec les méthodes habituelles. En seulement quelques années d’utilisation, nous constatons de grands avantages, et les résultats parlent d’eux-mêmes.
Anne-Marie Henson :
J’imagine également que plus nous l’utiliserons, plus la technologie contribuera à nos résultats. Déjà, selon la taille des entreprises des clients, leurs ratios ou même leurs secteurs d’activité, les outils peuvent indiquer quels sont les éléments à surveiller, et même où se trouvent les anomalies. Et l’évolution est constante, ce qui est très prometteur.
Youssef, je reviens à vous. Quelques-uns des épisodes cette année ont porté sur l’IA et sur les changements qui en découlent dans la fonction financière et dans notre profession globalement. Pouvez-vous nous parler de l’évolution de l’IA et de ses incidences sur certains secteurs, celui de la technologie financière, par exemple? Quelles transformations êtes-vous à même de constater?
Youssef Hounat :
Bien sûr. Je parlerai d’abord de l’évolution au sein de DataSnipper, puis de mes observations concernant le marché. À nos débuts, en 2017, notre produit reposait déjà en grande partie sur l’IA, plus particulièrement sur la reconnaissance optique de caractères. Nous avons entraîné un algorithme à reconnaître, par exemple, la lettre E dans des captures d’écran ou des documents PDF n’ayant pas de données sous forme de texte comme tel. Ce genre de technologie m’aurait été bien utile à mes débuts en audit, étant donné tout le temps que j’ai passé à retaper du texte provenant de captures d’écran. Aujourd’hui, ce sont plus de 500 000 clients satisfaits qui l’utilisent à l’échelle mondiale.
Au départ, nous étions très discrets au sujet de notre recours à l’IA. Nous ne voulions pas trop en parler pour ne pas susciter de craintes, étant donné toutes les exigences applicables à la profession comptable et financière. Pensons par exemple à la norme ISA 210, qui traite de la documentation et selon laquelle quelqu’un d’autre doit pouvoir réviser les travaux réalisés, les reprendre et arriver aux mêmes résultats. Bien des gens craignaient donc que les outils d’IA formulent des jugements à la place des auditeurs ou se fondent sur un modèle de type « boîte noire ». Ils redoutaient de ne pas pouvoir fournir les explications nécessaires aux autorités.
Au cours des dernières années, nous avons constaté une mutation extraordinaire au sein de la profession. L’adoption de ces techniques pour la prestation de services permet aux nouvelles technologies de résoudre des contraintes propres à la profession. Par exemple, des entreprises comme MindBridge offrent des outils fondés sur l’analyse avancée dont les fonctions ressemblent sans doute à celles de BDO Harmony. À l’avenir, des produits comme celui de DataSnipper pourraient intégrer encore plus de fonctions d’IA générative. Nous venons d’ailleurs de lancer un progiciel d’extraction évolué qui repose sur un grand nombre de modèles d’apprentissage profond et qui améliore considérablement l’extraction d’informations provenant de certains types de documents.
Nous accusons sans doute un peu de retard par rapport au reste du monde dans notre utilisation de cette technologie, mais nous commençons à en parler davantage et en sommes fiers. Sa popularité ne fait que croître. Sur le marché, plus particulièrement dans le secteur de la technologie financière, la plupart des néo-banques, comme Monzo, Revolut ou N26, utilisent des technologies intégrant des fonctions de surveillance du blanchiment d’argent tout en tenant compte de la règle de la connaissance du client. Pour prendre un exemple personnel, mon téléphone m’a glissé des mains et j’ai dû en acheter un nouveau. J’avais oublié tous mes mots de passe, et j’ai eu beaucoup de difficulté à accéder à mes comptes bancaires. J’y suis parvenu en fournissant mon numéro de téléphone pour m’identifier, puis des photos de mon visage et de mes pièces d’identité pour établir un rapprochement.
C’est le genre de processus maintenant utilisé dans la profession; il sera intéressant de voir l’évolution de tout ça dans les prochaines années. Depuis le lancement de ChatGPT en septembre 2022, un grand nombre de nouveaux produits sont apparus, des outils d’assistance à la tenue de livres qui peuvent s’occuper du rapprochement sans aucune intervention humaine, jusqu’à ceux qui évaluent le risque des opérations. Voilà des exemples de ce que nous voyons sur le marché. Paul, vous en savez sûrement plus que je n’en saurai jamais sur le sujet.
Anne-Marie Henson :
Il est très intéressant d’obtenir votre point de vue, vous qui avez passé quelques années dans le domaine de l’audit en cabinet avant d’appliquer vos connaissances à celui des technologies. Alors, Paul, en effet, vous avez sans doute beaucoup à nous apprendre sur le sujet. Pouvez-vous nous parler de l’IA et de la place qu’elle occupe aujourd’hui dans le processus d’audit, chez BDO et dans d’autres cabinets? Et si l’IA n’y est pas utilisée, comment entrevoyez-vous son intégration aux activités à l’avenir?
Paul Vetrone :
Avec plaisir, et, Youssef, ne vous en faites pas trop, c’est un tout nouveau monde, et chaque jour amène des progrès. Le simple fait de suivre les changements est pratiquement un travail à temps plein. Anne-Marie, force est de constater qu’aujourd’hui, l’IA évolue encore en périphérie de la profession. Je pense que de nombreux cabinets cherchent comment l’exploiter au mieux, et il y a quelques raisons à cela. Premièrement, ChatGPT et les autres outils reposant sur des modèles tout aussi intéressants s’entraînent à partir de millions de fichiers de livres, d’images et de vidéos, entre autres.
Or, il n’existe pas de référentiel de données financières et comptables, du moins aucun comportant des données que les entreprises veulent rendre publiques. Il serait donc très difficile d’entraîner une IA dans le domaine vu le fonctionnement actuel des modèles. Il y a des avancées du côté des petits modèles, par exemple ceux de Microsoft. Je n’entrerai pas dans les détails techniques, mais ces modèles exigent essentiellement moins de données. Nous sommes à la fois impatients et curieux de voir comment nous pourrons en tirer profit. Ensuite, la réticence à utiliser l’IA s’explique aussi, comme l’a soulevé Youssef, par la nécessité de pouvoir expliquer aux autorités quel a été notre raisonnement. Peu de modèles offrent une transparence qui permettrait de le faire.
Cela dit, les choses changent. Bien des gens veulent pouvoir demander à un outil d’IA ou à un robot conversationnel comment il en est arrivé à la réponse qu’il a générée et quelles sont ses sources et ses références. Les modèles commencent à offrir cette possibilité, à laquelle on fait référence en utilisant le terme « IA explicable ». En guise d’exemple, si vous posiez une question concernant une norme comptable ou le traitement d’une opération à un outil pendant un audit, celui-ci vous présenterait la partie du manuel qu’il a utilisée pour élaborer sa réponse.
À mon avis, plus la technologie évoluera en ce sens, donc plus il sera possible d’entraîner des modèles sans une immense quantité de données et plus les modèles offriront de la transparence, plus nous verrons d’outils d’IA dans le secteur. Finalement, il faut tenir compte des enjeux réglementaires. Pensons aux organismes de réglementation canadiens qui, jusqu’à il y a quelques années seulement, faisaient encore référence au télécopieur dans certaines de leurs directives sur l’utilisation de la technologie.
Les autorités ont dit comprendre que ces outils sont nouveaux et évoluent plus rapidement que les lois et la réglementation. Elles savent que l’enjeu est réel et qu’elles devront se pencher sur la question. Il faudra un certain temps. Personne ne voudra prendre l’initiative et commettre une erreur, puis de se faire taper sur les doigts pour avoir mal utilisé la technologie ou s’être trompé. Il est donc essentiel que des cabinets et des entreprises technologiques comme DataSnipper travaillent de concert avec les autorités pour montrer qu’il est possible d’utiliser adéquatement la technologie. Nous devons unir nos efforts et, si nous y parvenons, nous en tirerons beaucoup d’avantages.
Youssef Hounat :
C’est un excellent point, Paul. J’allais justement dire qu’il faut aussi en demander plus aux fournisseurs d’outils. Chez DataSnipper, nous aimons dire que notre outil a été conçu par des auditeurs pour des auditeurs. Nous comprenons très bien les besoins de la profession et les questions que soulèveront les autorités. Parfois, il faut faire des choix qui semblent alourdir les choses au départ, mais qui procurent en réalité une grande valeur. Par exemple, nous venons de terminer le test alpha d’un produit que nous développons et qui repose sur un modèle GPT. Il permettra de poser n’importe quel type de question et d’extraire de l’information de tout type de document.
Nous avons même ajouté des points de friction au processus pour forcer l’outil à expliquer d’où proviennent les réponses. Nous avons fait en sorte qu’il soit très facile de connaître la source de l’extraction, de voir d’où provient l’information dans un document. Nous avons en plus créé un mécanisme selon lequel l’auditeur ou le professionnel doit approuver ou rejeter chaque réponse. Bien entendu, cette approche allonge le processus. Toutefois, nous avons constaté un taux d’adoption plus élevé de l’outil lorsqu’il fonctionne ainsi et permet de présenter des explications à n’importe quel service de comptabilité technique ou bureau national. Même s’il n’est pas naturel de le faire, il faut vraiment en exiger plus des fournisseurs et les amener à collaborer avec les autorités et les professionnels. Ils pourront ainsi créer des solutions pertinentes et véritablement adaptées au contexte.
Anne-Marie Henson :
Youssef, justement, nous parlions hors ligne plus tôt de l’importance de prendre des décisions en groupe, ce que ces technologies permettent de plus en plus de faire. Auparavant, les organismes de réglementation établissaient une nouvelle norme, et il revenait aux entreprises et aux auditeurs de déterminer comment l’appliquer dans un premier temps, puis comment auditer les informations qui en découlaient. Ensuite, les personnes réalisant les activités au quotidien devaient s’y retrouver. Étant donné l’évolution rapide de la technologie, cette façon de faire qui n’est ni efficace ni pertinente n’a plus sa place. Il faut éviter que la fonction d’audit en général perde son utilité aux yeux des parties prenantes. Je suis donc bien heureuse d’entendre tout cela.
Youssef Hounat :
En effet.
Paul Vetrone :
J’ajouterais que les demandes et les exigences de nos clients vont en ce sens. Pour certains, l’audit annuel n’est maintenant plus suffisant. Ils veulent obtenir une rétroaction continuelle et des audits en temps quasi réel. Il faut donc que la réglementation suive le rythme. Même si les fournisseurs offrent des produits formidables et que notre travail est remarquable, si la réglementation ne suit pas, la perception qu’ont les gens de l’audit pourrait en souffrir.
Youssef Hounat :
Et la situation évoluera à mesure que de nouvelles générations intégreront le marché du travail. Par exemple, la plupart des personnes qui arriveront chez BDO dans la prochaine année auront passé toute leur vie dans l’univers numérique. Elles auront utilisé des tablettes et des ordinateurs pratiquement depuis leur naissance. Le cabinet doit voir cette réalité comme un atout qui doit permettre aux gens de contribuer à l’innovation s’ils en ont la chance. Le même phénomène touche tous nos clients, et les retombées sont très positives.
Chez DataSnipper, nous avons mis des modèles à la disposition des employés, par exemple pour extraire les données d’un formulaire ou comparer des documents. Dans bien des cabinets qui font de même, ce sont les employés nouvellement arrivés qui créent ces modèles dont profite ensuite toute l’équipe. Ces gens accomplissent une tâche, puis ils se demandent comment la faire plus efficacement la fois d’après pour éviter de travailler jusqu’à 22 h toute la semaine. Voilà le genre de changements qui amènent beaucoup d’espoir pour la profession et qui peuvent faire avancer les choses sur le plan de la réglementation. La réussite, ou l’échec, reposera en définitive sur les professionnels eux-mêmes.
Anne-Marie Henson :
Voilà qui m’amène à ma dernière question pour chacun de vous. Paul, à quoi ressemblera l’avenir de BDO, et que promettent ces types d’outils relatifs aux données? Et, Youssef, quel avenir entrevoyez-vous pour DataSnipper? Avant de vous laisser la parole, j’aimerais moi-même présenter une activité pour laquelle ces outils me seraient bien utiles. Toutes les personnes exerçant en cabinet seront sans doute d’accord avec moi, mais j’adorerais qu’il existe un outil pour les feuilles de temps. J’investirais dans une entreprise qui créerait un tel outil. Voilà mon souhait pour l’avenir. Youssef, je vous écoute.
Youssef Hounat :
C’est dans les plans, pour le T4. En fait, quand je travaillais comme auditeur, nous avions un outil de ce genre qui prenait la forme d’un widget dans le coin de l’écran. Il suffisait de cliquer sur de petites horloges pour enregistrer le temps consacré aux activités. Puis, il a cessé de fonctionner lorsque nous avons changé de logiciel de déclaration du temps et n’a pas été remplacé. Chez DataSnipper, l’avenir repose sur plusieurs éléments, et je dirais qu’il sera assurément teinté d’incertitude et marqué par le changement. Comme Paul l’a mentionné, la technologie évolue rapidement.
Cela dit, nous nous sommes donné certains principes à respecter. Les produits que nous créons avec l’IA doivent par exemple fournir des résultats vérifiables, pratiques, pertinents et précis. Je m’attends à voir une intégration de plus en plus importante avec des outils comme APT ou BDO Harmony, ce qui rendra l’expérience de travail plus harmonieuse. Nous veillerons à rendre accessibles au secteur de nouvelles techniques fondées sur l’IA générative sous la forme d’outils sûrs et utiles. Nous aiderons essentiellement les membres de la profession à produire un travail de qualité supérieure plus facilement.
Anne-Marie Henson :
Très bien, c’est prometteur. Paul, c’est à vous.
Paul Vetrone :
À mon avis, BDO, comme tout cabinet d’audit, devra composer avec trois sources de pression. La première, Youssef en a parlé, c’est le recrutement. La concurrence est féroce, il est donc important de faire savoir aux employés potentiels que nous mettons des outils de pointe à la disposition de notre personnel. Il faut aussi créer un milieu de travail stimulant au sein duquel l’utilisation de la technologie est encouragée. La pression viendra aussi des organismes de réglementation, qui nous forceront à rehausser la qualité des audits, et des clients qui, de leur côté, nous demanderont d’être plus efficaces dans nos travaux. Finalement, les honoraires resteront toujours une source de pression. Je ne crois pas qu’il soit possible d’évoluer dans le milieu ou de faire face à tous ces défis sans prendre le virage numérique ou miser sur l’innovation.
Il ne fait aucun doute que l’IA jouera un rôle important, tout comme les différents outils que nous serons appelés à utiliser. L’IA ne remplacera certainement pas les comptables, dont la réflexion critique et les compétences sont essentielles. La technologie leur fournira simplement plus d’outils. Le rythme des progrès s’accélérera sans aucun doute, surtout en ce qui concerne l’IA, et j’espère que les autorités collaboreront avec nous pour que les cabinets puissent adopter des technologies récentes et émergentes.
Si nous pouvons démontrer qu’elles contribuent à la qualité des audits, je crois que les autorités nous accompagneront dans ce cheminement. C’est ce que je souhaite. Voilà comment je vois l’avenir. J’aimerais dire aux CPA et aux comptables professionnels à l’écoute que l’IA n’éliminera pas leur travail, sauf dans le cas de la tenue de livres. Ces tâches seront automatisées en grande partie. La technologie nous permettra simplement de nous consacrer aux activités pour lesquelles nous avons été formés comme comptables professionnels et de mettre à profit notre pensée critique pour fournir des conseils et apporter de la valeur aux clients.
Anne-Marie Henson :
Paul et Youssef, vos réflexions ont été très éclairantes, et il est intéressant de voir ce qui nous attend très bientôt. En passant, vous avez tous les deux une très belle voix. Vous feriez sensation dans le monde du balado, si jamais vous songez à un changement de carrière. Merci à vous deux d’avoir pris part à cette conversation passionnante et d’avoir accepté de nous faire part de vos observations. J’espère que nos auditeurs ont aimé notre échange. Je les remercie d’ailleurs d’être fidèlement à l’écoute. Je m’appelle Anne-Marie Henson, et c’était La comptabilité de l’avenir de BDO. N’hésitez pas à nous faire savoir si vous avez trouvé le sujet intéressant et utile, et n’oubliez pas de vous abonner si vous l’avez aimé.
Narrateur :
Merci d’avoir été des nôtres pour cet épisode de La comptabilité de l’avenir. Rendez-vous au www.bdo.ca/accountingforthefuture pour écouter les épisodes précédents et lire d’autres articles sur le sujet. Vous pouvez également vous abonner à notre balado sur Apple Podcasts, Spotify ou Google Podcasts. Pour obtenir de plus amples renseignements sur BDO Canada, visitez le bdo.ca.