Dans cet entretien exclusif, Josie Parisi, associée et vice-présidente principale des Services-conseils en finance de BDO Canada, discute avec la directrice adjointe du service des transports de la Ville de Toronto, Barbara Gray, de son parcours professionnel en tant que femme dans l’univers du transport.
Mme Gray a placé le service public au cœur de sa carrière, de ses débuts à la Ville de Seattle en 1998, jusqu’à son poste actuel de directrice adjointe à Toronto. Titulaire d’une maîtrise en urbanisme de l’Université de Washington, elle a pu mettre à profit ses connaissances lors de la création du réseau de train léger de Seattle en 2009 et d’autres projets d’envergure ayant élargi l’infrastructure de transport dans plusieurs villes.
Mme Gray vit maintenant à Toronto, où elle contribue à la poursuite des objectifs liés au transport en faisant profiter la Ville de sa vaste expérience et de ses connaissances approfondies touchant l’urbanisme, la mobilité, les infrastructures et l’administration.
Josie Parisi (JP) : Vous dirigez l’une des principales unités administratives de la plus grande ville du Canada. Dans un contexte où l’inflation et la hausse du coût de la vie continuent de sévir dans toutes les municipalités du pays, comment la Ville de Toronto aide-t-elle ses résidents?
Barbara Gray (BG) : Je tiens à souligner que la Ville de Toronto met tout en œuvre pour bâtir un milieu où il fait bon vivre. Nous menons différents projets pour y parvenir, par exemple dans les domaines suivants :
a. Offre de logements abordables
BG : Le logement est un enjeu important, et la Ville déploie énormément d’efforts pour accélérer la mise en chantier d’habitations à prix abordable. À Seattle, l’administration municipale et le secteur privé n’ont pas pu assurer la construction rapide de logements dans toutes les gammes de prix, ce qui a poussé beaucoup de gens à la rue. J’ai donc appris tôt dans ma carrière au sein des pouvoirs publics que l’offre de logements abordables est l’un des facteurs essentiels au dynamisme urbain. Les gens doivent pouvoir vivre en ville sans consacrer pratiquement tout leur budget mensuel au logement. Habiter dans les couronnes et faire la navette au quotidien ne doit pas être la seule solution à leurs yeux.
b. Création d’un réseau de transport fiable, accessible et sécuritaire
BG : La Ville de Toronto travaille de concert avec les gouvernements pour que les citoyens profitent d’un réseau de transport en commun fiable, accessible, sécuritaire et bien entretenu. Les gens veulent avoir différentes possibilités pour leurs trajets quotidiens. À l’heure actuelle, beaucoup jugent qu’il leur faut une voiture, faute de pouvoir se rendre dans de nombreux secteurs de la ville en transport en commun, à pied ou à vélo. Nous mettons tout en œuvre pour offrir aux citoyens différents modes de déplacement sûrs et fiables, et nous avons lancé divers programmes à cette fin. Par exemple, le plan de sécurité routière Vision Zéro, mis en branle en 2016, vise à renforcer la sécurité de tous les usagers du réseau routier, surtout les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les jeunes et les personnes handicapées. Nous devons aussi penser aux citoyens qui habitent le centre-ville, dont plus de la moitié ne possèdent pas de voiture et se déplacent principalement en transport en commun, à pied ou à vélo. De plus, nous entendons mettre en place d’ici 2030 un réseau de pistes cyclables couvrant tous les quartiers.
Tout bon réseau de transport doit également permettre la circulation fluide des marchandises. Autrement, les consommateurs en paieront le prix en magasin. Le transport des marchandises en région urbaine est un défi colossal, et nous travaillons à des solutions créatives. En élaborant notre stratégie pour le transport des marchandises lancée en 2019, nous avons mis l’accent tant sur les résultats rapides que sur les solutions à long terme. La congestion va en augmentant dans notre ville, et nous voulons que les transporteurs de marchandises puissent y circuler facilement.
Josie Parisi (JP) : Le gouvernement fédéral investit plus de 33 milliards de dollars dans des projets d’infrastructures publiques à l’échelle du pays dans le cadre du Programme d’infrastructure Investir dans le Canada. Il contribue ainsi au dynamisme des villes et de l’économie, en plus d’améliorer la qualité de vie des Canadiens. Quels changements la Ville de Toronto prévoit-elle apporter en transport?
BG : La Ville de Toronto entend faire bon usage de ces subventions. Elle cherche aussi à obtenir des gouvernements fédéral et provincial des fonds qui iront au logement, au transport en commun et à d’autres infrastructures essentielles. Au cours des 10 prochaines années, le secteur du transport recevra quelque 63 millions de dollars en subventions fédérales destinées à des projets complexes et de très grande envergure. Une partie de ces subventions servira par exemple à apporter des améliorations structurelles à des canaux et à rebâtir des ponts pour mieux protéger des quartiers contre les crues.
La Ville investira également dans le réseau de transport en commun et l’infrastructure cyclable et piétonnière. Chaque fois que nous finançons ce type de projets, nous contribuons à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada. De plus, la division des services de transport voit à ce que la Ville poursuive ses objectifs de durabilité, qu’elle réussisse plus globalement à créer un milieu de vie sain et qu’elle tire le maximum de chaque dollar consacré aux projets d’infrastructure.

Josie Parisi (JP) : Vous avez travaillé au Canada et aux États-Unis. Sur quoi votre réussite en gestion des infrastructures repose-t-elle des deux côtés de la frontière?
BG : Les systèmes de gouvernance en place sont très différents dans les deux pays. La plupart des villes des États-Unis fonctionnent selon la formule de gouvernance strong mayor, où le pouvoir est concentré entre les mains du maire, et donc aussi des chefs de division. C’est différent à la Ville de Toronto, puisque toutes les décisions sont soumises au conseil municipal et au maire. Il s’agit simplement de deux modes de fonctionnement différents, qui comportent chacun des avantages.
Toronto et Seattle ont en commun une grande volonté de collaborer avec leurs citoyens pour que leur travail réponde véritablement aux besoins de la population. On me demande souvent comment accélérer le déroulement des projets. Je comprends ce besoin de rapidité, mais j’estime aussi qu’il est important de bien faire les choses et de mettre à contribution les habitants des différents quartiers pour les amener à comprendre et à accepter notre travail.

Solutions relatives à l'essor des femmes dans le monde des affaires
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Josie Parisi (JP) : À votre avis, les choses ont-elles évolué au même rythme dans les deux pays en ce qui concerne la place des femmes parmi les dirigeants?
BG : Le milieu du transport a toujours été un monde d’hommes, mais les choses changent. Dans les dernières années, par exemple, nous avons vu arriver une première cohorte d’étudiants en génie de l’Université McMaster comptant plus de femmes que d’hommes.
De mon point de vue féminin dans un milieu d’hommes, je trouve essentiel de laisser plus de place aux femmes et d’écouter ce qu’elles ont à dire. Nous devons nous demander si elles sont bien représentées dans les postes de direction, de sorte qu’elles puissent s’imaginer occuper de telles fonctions. Il nous faut aussi évaluer si nous offrons un bon milieu de vie à toutes les personnes, peu importe leur genre, leur origine ethnique, etc.
En plus d’accroître la représentation des femmes et leur place parmi les dirigeants, les villes se soucient de plus en plus de ce que vivent leurs citoyennes sur les plans de la sécurité, des loisirs et de l’accès aux infrastructures, au logement et autres. Ainsi, des politiques et des pratiques ont vu le jour pour améliorer l’expérience des femmes et des familles.
Vienne, en Autriche, est un bon exemple. Elle veut être un endroit où les femmes se sentent à l’aise et revoit donc toutes ses politiques. Les dirigeantes jouent d’ailleurs un rôle de premier plan dans cette démarche de collaboration. Ainsi, pour que les femmes se sentent en sécurité, la Ville a par exemple intensifié l’éclairage nocturne dans les rues. De plus, le réseau de transport en commun est organisé de façon que les gens n’aient pas à attendre trop longtemps aux arrêts. Voilà un modèle à suivre. À Toronto et ailleurs, nous emboîtons le pas.
Josie Parisi (JP) : Vous travaillez beaucoup à aider les femmes à gravir les échelons. Que représente cet objectif pour vous, et que pouvons-nous faire pour accroître le nombre de femmes aux échelons supérieurs?
BG : Tout est dans la représentation. Lorsque je parle à divers événements, je suis bien souvent la seule femme sur scène. Or, voir à l’œuvre des gens qui nous ressemblent est une grande source de motivation. Il est par ailleurs crucial d’accueillir plus de jeunes femmes parmi les cadres, et nous commençons à voir des progrès en ce sens.
À mon avis, les femmes possèdent la faculté unique de traiter des situations complexes et multidimensionnelles. Elles maîtrisent l’art de mener plusieurs tâches de front et ont donc beaucoup à apporter au sein de la direction. À une certaine époque, l’équipe des cadres de la Ville de Toronto était composée majoritairement de femmes. Puis, il y a eu des départs à la retraite, et les hommes sont depuis de nouveau en majorité.
Autre élément important à souligner, les postes à responsabilités élevées ne sont pas de tout repos. C’est un travail épuisant et stressant. Certaines périodes de la vie professionnelle et personnelle s’y prêtent bien, mais d’autres non. Avoir un système de soutien qui favorise l’équilibre entre la famille et le travail n’est pas une réalité pour tous. Cela dit, de plus en plus de femmes vont chercher autrement l’aide qui leur permet d’assumer très efficacement des fonctions de direction.
Le nombre d’élues a lui aussi augmenté de façon nette. Malheureusement, les femmes à ces postes sont plus souvent la cible d’attaques personnelles que leurs homologues masculins. Depuis cinq ans, les menaces visant des conseillères municipales et des dirigeantes en politique en général sont en hausse. Les femmes se sentent sous pression et n’ont plus la force de rester en poste longtemps. Or, nous traversons une période troublée, et il est d’autant plus important que des personnes compétentes soient en fonction. Notre mairesse actuelle est une grande source d’inspiration pour moi, tout comme les autres femmes au sein du conseil municipal. Elles semblent capables de tout accomplir dans une journée, le travail, les activités familiales, le bénévolat, en plus de participer à des événements un peu partout dans la ville.

Josie Parisi (JP) : Vous avez une feuille de route impressionnante dans le milieu des affaires. Quel conseil donneriez-vous à la personne que vous étiez il y a 20 ans? Et à quoi aspirez-vous pour la suite de votre carrière?
BG : Tout repose sur les rencontres que nous faisons et les liens que nous tissons. J’ai eu la chance de nouer d’excellentes relations au cours de ma carrière. De plus, il n’est pas nécessaire de suivre une trajectoire rectiligne. En fait, les plus belles carrières sont à mon avis celles qui comportent quelques détours. J’ai commencé ma carrière dans le milieu des arts, et je suis maintenant dans un domaine technique. Il n’y a pas de mal à s’engager dans une nouvelle voie. Nous devons aussi pouvoir nous mettre dans la peau des clients et des personnes que nous servons. Comme j’ai suivi une trajectoire quelque peu sinueuse, j’ai vécu de nombreuses expériences qui me permettent de bien comprendre ce que vivent les gens et de les accueillir avec compassion.
Enfin, nos ressources les plus précieuses comme dirigeants sont les membres de notre équipe. Ces gens se tiennent à nos côtés. Nous nous devons donc de les soutenir pour qu’ils puissent exceller. Personne ne veut travailler sous la direction d’un patron détestable, alors il faut éviter d’en être un. Il est possible d’être un gestionnaire exigeant, qui possède de bonnes compétences techniques et sait prendre des décisions difficiles, tout en épaulant les autres. Ces deux facettes ne sont pas mutuellement exclusives.
Favoriser l’essor des dirigeantes
Chez BDO, nous sommes fiers de contribuer à la transformation en cours en aidant les femmes à gravir les échelons. Composée de dirigeantes chevronnées et talentueuses, l’équipe de notre programme Femmes vectrices de croissance épaule les professionnelles, en plus de contribuer à leur autonomie et de favoriser leur essor. Nous mettons à leur disposition de précieuses ressources et de solides réseaux de soutien, en plus de leur offrir une communauté dynamique leur permettant de s’épanouir et de réussir.
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