À titre de propriétaire d’entreprise, vous avez peut-être envisagé la vente de votre entreprise comme élément de votre stratégie financière à long terme. Plusieurs motifs peuvent sous-tendre votre démarche, notamment de nouveaux débouchés ou des défis liés à l’incertitude du marché. Malgré le maintien de l’incertitude économique et les variations des taux d'intérêt, les investisseurs continuent d'acheter et de vendre des entreprises. Peu importe votre motivation, si vous déterminez que la vente est votre stratégie de sortie, vous devez tenir compte de l’incidence fiscale de votre choix.
Il existe deux méthodes courantes pour vendre une entreprise constituée en société au Canada : la première consiste à vendre les actions de la société, la seconde, à vendre les actifs détenus par celle-ci. La vente d'actions et la vente d'actifs ont toutes deux différentes conséquences fiscales à court et à long terme. Il existe toutefois une troisième possibilité, souvent méconnue des propriétaires d’entreprise : la vente hybride. Cette méthode consiste à vendre à la fois des actions et des actifs, ce qui permet d’équilibrer les risques et les coûts associés à la transaction.
Étant donné que les risques, les avantages et l’incidence fiscale pour un acheteur comme pour un vendeur diffèrent selon la méthode utilisée (vente d’actions, vente d’actifs ou vente hybride), il convient de bien examiner ces méthodes avant d’entreprendre une démarche de vente ou d’achat.
Vente d’actions
Dans le cas d’une vente d’actions, un propriétaire vend les actions de l’entreprise à un acheteur. Les vendeurs préfèrent souvent cette option en raison de ses incidences fiscales avantageuses.
Si un particulier vend ses actions d’une entreprise, la part du produit de disposition excédentaire du prix de base rajusté des actions et de certaines dépenses encourues pour vendre les actions constitue un gain en capital imposable à hauteur de 50 %. De plus, s’il s’agit d’actions admissibles de petites entreprises (« AAPE »), le vendeur peut généralement se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital afin d’éviter de payer de l’impôt sur une partie ou sur la totalité du gain en capital. L’exonération actuellement accordée en réduction du gain en capital réalisé sur des AAPE est fixée à 971 190 $ pour 2023. Seuls les particuliers qui sont des résidents canadiens peuvent se prévaloir de cette exonération. Il existe également une exonération cumulative des gains en capital de 1 000 000 $ pour les biens agricoles ou de pêche admissibles.
Pour que les actions de votre société privée sous contrôle canadien soient considérées comme des AAPE, votre entreprise doit, entre autres, satisfaire aux trois conditions suivantes :
- Au moment de la vente, au moins 90 % de la juste valeur marchande des actifs de la société doit provenir d’éléments d’actifs utilisés dans le cadre d’une entreprise exploitée activement, principalement au Canada (soit par la société, soit par une société liée), d’actions ou de titres de créance d’une petite entreprise rattachée, ou d’une combinaison de ces deux catégories;
- Dans les 24 mois précédant la vente, plus de 50 % de la juste valeur marchande des actifs de la société provenait d’éléments d’actifs utilisés principalement dans le cadre d’une entreprise exploitée activement principalement au Canada, investie dans des actions ou des titres de créance d’une société rattachée admissible ou constituée d’une combinaison de ces deux catégories.
- Nul autre que le vendeur, ou encore une personne ou une société de personnes qui lui est liée, ne doit avoir été propriétaire des actions pendant la période de 24 mois qui précède immédiatement la vente.
Si les actions qui seront vendues sont détenues par une société de portefeuille plutôt que par un particulier, l’exonération cumulative des gains en capital ne pourra pas être accordée, car elle s’applique uniquement aux particuliers (et non aux sociétés vendeuses).
Bien que plusieurs acheteurs préfèrent acquérir les actifs d'une entreprise plutôt que ses actions, certaines raisons fiscales pourraient les inciter à changer d’idée, en particulier l'acquisition d'attributs fiscaux de la société, tels que les pertes autres qu'en capital et les crédits d'impôt à l'investissement reportés. Cependant, de tels avantages sont généralement conditionnels, entre autres, au maintien d'activités identiques ou semblables et à l’attente raisonnable de profit après l'acquisition.
En se portant acquéreur des actions d'une entreprise, un acheteur devient responsable des passifs de l'entreprise, y compris les obligations fiscales et juridiques, ce qui l'expose à un risque important. Nous invitons les acheteurs à procéder à une vérification diligente rigoureuse pour s’assurer de se prémunir contre les risques imprévus. Par ailleurs, dans le cadre du processus de négociation, il est possible d'intégrer dans la convention d'achat et de vente définitive des clauses de protection quant aux obligations fiscales et juridiques.
D’un point de vue économique, n’oubliez pas que la vente d’actions se traduit habituellement par un prix d’acquisition inférieur à celui qui prévaut dans le cas d'une vente d’actifs, notamment en raison du niveau de risque supérieur auquel s’expose l’acheteur.
Vente d’actifs
Dans le cadre d'une vente d'actifs, l'acheteur se porte acquéreur des actifs de l'entreprise, notamment des comptes clients, des stocks, de l'équipement et de l’l’achalandage de l’entreprise. Les acheteurs privilégient cette méthode, car elle leur permet de choisir les actifs à acquérir. De plus, étant donné que les passifs de l’entreprise ne sont généralement pas pris en charge dans le cadre d'une telle vente, cette méthode permet aux acheteurs de limiter leur exposition au risque.
Un autre avantage pour les acheteurs résulte de l’augmentation à la valeur marchande du coût fiscal des actifs acquis. Cette augmentation permet de minimiser l’impôt que devra payer l'acheteur, car elle se traduit généralement par un amortissement fiscal plus important qui peut être utilisé pour réduire les revenus imposables futurs. Toutefois, des considérations autres que l’impôt sur le revenu, comme la taxe de vente ou les droits sur les mutations immobilières, doivent aussi être examinées avec soin pour déterminer si elles s’appliquent à l’achat des actifs d’une entreprise.
Du point de vue du vendeur, la vente des actifs d’une entreprise est généralement moins attrayante, car ce dernier est alors assujetti à deux niveaux d'impôt au moment de la vente : d'une part, l'impôt payé par la société lors de la vente des actifs (y compris l’amortissement récupéré et les gains en capital potentiels sur les actifs vendus) et, d'autre part, l'impôt payé par le propriétaire lorsque les produits nets sont distribués aux actionnaires de la société.
Les produits nets sont généralement distribués aux actionnaires individuels sous forme de dividendes ordinaires, lesquels sont assujettis à l'impôt au taux marginal applicable. Toutefois, la société distributrice peut être en mesure de verser un dividende en capital sur la partie non imposable du gain en capital réalisé par la société lors de la vente des actifs. Ce dividende en capital n’est pas imposable pour le particulier qui le reçoit.
Lors de la négociation, la répartition du prix d’acquisition intégrée dans la convention d'achat des actifs revêt une importance particulière pour les acheteurs et les vendeurs. Cette répartition permet d’attribuer la part des produits touchés par le vendeur aux actifs vendus de l'entreprise et de déterminer ainsi les impôts à payer par la société ainsi que les produits après impôt. Il en va de même pour le prix d’acquisition de l'acheteur, qui doit être réparti selon les actifs acquis, ce qui permet de déterminer le coût fiscal et la déduction pour amortissement futur accordé à l'acheteur.
En règle générale, les acheteurs chercheront à attribuer une plus grande partie du prix d’acquisition aux stocks ou aux biens amortissables afin de réduire leurs revenus imposables futurs. En revanche, les vendeurs cherchent souvent à réduire au minimum le revenu imposable de la société découlant de la vente des actifs en attribuant le prix d’acquisition aux actifs générés à l’interne (comme l’écart d’acquisition) dont le coût fiscal est minime ou faible. Par conséquent, la répartition du prix d’acquisition constitue habituellement un élément clé de la vente des actifs d’une entreprise et doit être clairement documentée pour assurer l’uniformité des négociations entre l’acheteur et le vendeur. L’acheteur et le vendeur doivent s’assurer que la documentation sur la répartition du prix d’acquisition est raisonnable en toutes circonstances, car l’ARC pourrait vouloir s’en assurer.
Concrètement, compte tenu des avantages fiscaux et des risques que présente la vente d’actifs pour un acheteur et du fait qu’un vendeur doive renoncer à l’exonération cumulative des gains en capital qui serait autrement accordée dans le cas d'une vente d’actions, il en résulte généralement un achat plus important, puisque les parties s’efforcent de compenser l'inconvénient du vendeur d’un point de vue fiscal.
Vente hybride
La vente hybride, moins courante que la vente d’actifs ou la vente d’actions (en raison de sa complexité), combine la vente d’actions et de certains actifs de l’entreprise dans l’objectif d’atteindre un équilibre acceptable entre les avantages et les coûts fiscaux pour l’acheteur et le vendeur.
Il existe différentes façons de structurer une vente hybride; celle à privilégier dépendra des faits et des circonstances précis de même que des besoins de l’acheteur et du vendeur. Cette méthode est encore plus compliquée depuis que de récents changements ont été apportés à la législation fiscale en ce qui concerne les actifs sous-jacents liés aux actions vendues dans le cadre d’une telle vente. Il faut donc porter une attention particulière aux considérations fiscales au moment de la structurer.
Vente d'une entreprise à la génération suivante (transferts intergénérationnels)
En 2021, le projet de loi C-208 a été adopté afin de faciliter la vente par les propriétaires d'entreprise d’actions de celles-ci à la prochaine génération. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, il était généralement plus avantageux sur le plan fiscal de vendre des actions à un tiers sans lien de dépendance que de les vendre à un enfant en raison de l’application des règles sur les transferts d’actions entre parties liées dans la Loi de l’impôt sur le revenu.
Depuis l’adoption du projet de loi C-208 et des modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu, il est désormais plus facile de vendre les actions d’une entreprise à un enfant ou à un petit-enfant et de se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital sur une partie du gain en capital réalisé, à condition que les critères pertinents aient été respectés. Des modifications récentes ont été apportées aux dispositions législatives initiales figurant dans le projet de loi C-208 et entreront en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2024.
De façon générale, les dispositions législatives stipulent les critères suivants :
- Les actions vendues doivent être des AAPE ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale;
- Les parents doivent transférer et modifier la propriété de l’entreprise de même que leur participation dans la gestion de la société au cours d’une certaine période;
- Les enfants ou les petits-enfants qui achètent des actions de la société doivent être âgés de plus de 18 ans et doivent obtenir le contrôle juridique et de fait de la société;
- Les enfants ou les petits-enfants qui prennent la relève de la société doivent participer activement à la gestion de la société après le transfert de propriété pour une période déterminée;
- Toutes les parties prenant part au transfert de l’entreprise doivent signer un formulaire de choix conjoint qui sera transmis à l’ARC.
Comme c’est le cas pour tous les transferts entre parties liées, une évaluation adéquate justifiant le montant du transfert est recommandée.
Outre les exigences du projet de loi C-208, les propriétaires d’entreprise doivent s’assurer que la vente de leur entreprise à la génération suivante correspond aux objectifs généraux de la planification successorale. Avant de procéder à une opération aussi importante, comme la vente d’une entreprise à des enfants, il faut tenir compte de la planification financière générale de chaque personne.
Vente d'une entreprise au moyen d'une fiducie collective des employés
De nouvelles modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2024, permettront aux propriétaires d'entreprise de vendre les actions de leur société aux employés actuels de l'entreprise au fil du temps, au moyen d’une fiducie collective des employés.
En vertu de la législation révisée, une fiducie collective des employés devra se conformer à un ensemble complexe de règles, y compris la création d'une fiducie soumise à divers critères de contrôle, de gouvernance et autres. En outre, seules les actions d'une entreprise admissible (définie dans la législation) pourront se prévaloir de ce type de plan de transition.
Une réflexion approfondie est de mise pour déterminer si les modifications vous permettront de créer un plan de relève d'entreprise conforme à vos objectifs d'un point de vue fiscal.
Considérations supplémentaires
Le choix de la bonne méthode pour vendre votre entreprise repose sur plusieurs facteurs, en particulier sur le prix de vente. Avant de procéder à la vente, il vous faut envisager de calculer et de comparer le résultat après impôt de la vente des actions de la société à celui de la vente de ses actifs. En plus de vous aider à comprendre les ramifications découlant de chaque méthode, cette analyse vous fournira des informations complémentaires qui pourraient vous être utiles lors de la négociation du prix.
Si vous envisagez de vendre votre entreprise au cours des prochaines années, vous devriez également procéder à un examen détaillé de celle-ci pour connaître les obstacles qui risquent d’influer sur la vente ou l’impôt à payer qui découlera de cette transaction. Si des problèmes sont décelés, vous pourrez prendre les mesures nécessaires, notamment procéder à une réorganisation ou à une restructuration de l’actionnariat pour optimiser l’incidence fiscale future.
Nous précisons que les considérations fiscales abordées dans cet article s’appliquent aux propriétaires exploitants. En présence d’autres actionnaires, notamment des membres de la famille, il convient de tenir compte des règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné. Lorsque ces règles s'appliquent, les montants reçus par les membres de la famille peuvent être considérés comme des revenus fractionnés, soumis à l'impôt au taux marginal le plus élevé et à des restrictions sur les crédits d'impôt personnels.
Les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné sont complexes et leur incidence dépasse la portée de cet article. Les propriétaires de sociétés privées comptant plus d’un actionnaire, ceux qui envisagent de réaliser une vente hybride ou ceux qui planifient la vente de leur entreprise à leurs enfants devraient faire appel à un conseiller externe pour réduire les risques et s’assurer de structurer leur entreprise ainsi que la vente de façon à réduire au minimum l’impôt à payer et à optimiser le produit net après impôt.
Vous devez vendre ou transférer votre entreprise? Nous sommes là pour vous aider
En ce qui a trait à la vente de votre entreprise, la planification et la prévoyance vous aideront à atteindre vos objectifs et à réduire votre fardeau fiscal. Nos équipes des Services en fiscalité et des Services de fusions-acquisitions soutiennent les propriétaires pendant la vente de leur entreprise. Nous leur offrons des conseils stratégiques avant, pendant et après le processus de transaction.
L'information présentée dans cette publication est à jour en date du 1er septembre 2023.
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