Le 22 juin 2023, le projet de loi C-47 a reçu la sanction royale et, par conséquent, les modifications apportées aux règles de divulgation obligatoire en matière d’impôt sur le revenu du Canada ont maintenant force de loi. L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a publié depuis de nouvelles lignes directrices à ce sujet.
Les règles de divulgation obligatoire élargissent les règles sur les opérations à déclarer et ajoutent de nouvelles obligations en ce qui concerne les opérations à signaler, de même que les traitements fiscaux incertains à déclarer.
Les contribuables et leurs conseillers doivent donc désormais déclarer certaines opérations de planification fiscale au moment où elles sont effectuées plutôt que dans le cadre du processus de conformité fiscale habituel.
Les nouvelles règles obligeront également certaines sociétés à déclarer les traitements fiscaux incertains dans le cadre du processus de conformité fiscale. La non-conformité à cette exigence peut entraîner des conséquences considérables, notamment d’importantes pénalités ainsi que la prolongation de la période normale de nouvelle cotisation.
Cet article présente les nouvelles règles et leur incidence sur les contribuables et leurs conseillers.
Règles sur les opérations à déclarer
Les nouvelles règles liées aux opérations à déclarer qui sont entrées en vigueur élargissent la définition d’une opération d’évitement, et il suffit qu’un seul marqueur sur trois soit présent pour que l’opération ou la série d’opérations doive être déclarée.
En vertu de la nouvelle législation, une opération d'évitement a lieu lorsque l’un des principaux objets de l’opération vise à obtenir un avantage fiscal, ce qui est normalement le cas dans le cadre d'une planification fiscale.
Les trois marqueurs sont les suivants :
Ce marqueur peut être observé, sauf quelques exceptions, lorsque les honoraires versés au conseiller en fiscalité sont :
a) fondés sur l'avantage fiscal que la planification fiscale permet de réaliser;
b) conditionnels à la réussite de la planification;
c) fondés sur le nombre de personnes qui tirent avantage de la planification fiscale.
Ce marqueur peut être observé, sauf quelques exceptions, lorsqu’un contribuable doit préserver la confidentialité de la planification fiscale.
Ce marqueur peut être observé, sauf quelques exceptions, lorsqu’un conseiller en fiscalité est protégé par un contrat qui empêche le contribuable de prendre des mesures à son égard en cas d’échec de la stratégie de planification fiscale.
Ces nouvelles règles comprennent toutefois plusieurs mesures d’assouplissement, dont les suivantes :
- Le marqueur relatif aux honoraires ne tiendra pas compte des honoraires versés en lien avec la préparation de demandes de crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, même s’ils dépendent de la demande. Cette exemption a été ajoutée, car l’ARC bénéficie déjà de renseignements suffisants dans le cadre de ce processus;
- Les honoraires perçus pour des services-conseils en fiscalité qui ne sont pas établis en fonction du temps consacré à la demande sont calculés selon une facturation fondée sur la valeur. La facturation fondée sur la valeur n’entraînera pas la réalisation du marqueur relatif aux honoraires, pourvu que la facturation ne repose pas sur :
- la valeur des avantages fiscaux découlant de l’opération ou de la série d’opérations,
- le nombre de personnes ayant participé à l’opération ou à la série d’opérations ou ayant eu accès aux services-conseils;
- Les déclarations et les garanties standard entre tiers dans le cadre d’opérations de fusion-acquisition n’entraîneront pas la réalisation du marqueur relatif à la protection contractuelle.
- Le 2 novembre 2023, l’ARC a mis à jour ses lignes directrices et a, dans la foulée, souligné qu’en règle générale, les pratiques commerciales courantes ne contreviendront pas au marqueur de protection contractuelle.
Les nouvelles règles s’appliquent aux opérations à déclarer saisies après le 22 juin 2023, soit la date à laquelle ces règles ont reçu la sanction royale. Une déclaration de renseignements doit être produite auprès de l’ARC dans les quatre-vingt-dix jours suivant la première des dates suivantes :
- le jour où le contribuable a l’obligation contractuelle de conclure l’opération;
- le jour où le contribuable conclut l’opération.
Ces règles s’appliqueront aussi aux opérations qui « chevauchent » l'octroi de la sanction royale. Par exemple, si une personne s’est engagée à effectuer une opération à déclarer le 1er juin 2023, mais n’a pas conclu l’opération en question avant le 30 juin, l’obligation de déclaration s’appliquera et la période de déclaration de quatre-vingt-dix jours commencera le 30 juin 2023. Si une personne effectue une série d’opérations qui chevauchent la date de l'octroi de la sanction royale, l’obligation de déclaration sera déclenchée par la première opération à déclarer conclue après la sanction royale.
Règles sur les opérations à signaler
Les règles sur les opérations à signaler constituent un nouveau concept. En vertu de ces règles, la ministre du Revenu national a le pouvoir de désigner, avec l’accord de la ministre des Finances, des opérations à signaler qui sont assujetties aux nouvelles exigences de déclaration. La non-conformité à ces exigences de déclaration entraînera d’importantes pénalités ainsi qu’une prolongation de la période normale de nouvelle cotisation. Les opérations à signaler comprendront à la fois les opérations que l’Agence a jugées abusives et les opérations désignées comme des opérations dignes d’attention (c’est-à-dire lorsque plus de renseignements sont nécessaires pour déterminer si une opération est abusive).
Les nouvelles règles s’appliquent aux opérations à signaler saisies après le 22 juin 2023, soit la date à laquelle ces règles ont reçu la sanction royale. Une déclaration de renseignements doit être produite auprès de l’ARC dans les quatre-vingt-dix jours suivant la première des dates suivantes :
- le jour où le contribuable a l’obligation contractuelle de conclure l’opération;
- le jour où le contribuable conclut l’opération.
Les opérations et séries d’opérations suivantes ont été désignées comme opérations à signaler à compter du 1er novembre 2023 :
- Création de pertes sur opérations de chevauchement au moyen d’une société de personnes;
- Évitement de la disposition réputée des biens en fiducie (p. ex., opérations effectuées afin de contourner les règles de disposition réputée applicables aux biens détenus au 21e anniversaire de la date de création d’une fiducie);
- Manipulation du statut de faillite afin de réduire un montant remis à l’égard d’une dette commerciale;
- Recours à certains critères d’objet de l’article 256.1 pour éviter une disposition de contrôle réputée (ces règles visent à restreindre le commerce d’attributs fiscaux des sociétés entre personnes sans lien de dépendance);
- Prêts adossés (p. ex., pour éviter les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu qui interdisent la déduction des intérêts payés dans certaines situations).
En plus de ces opérations, toute opération qui est sensiblement semblable à ces opérations sera considérée comme une opération à déclarer.
Pénalités pour défaut de déclaration des opérations à déclarer ou des opérations à signaler
Des pénalités distinctes s’appliquent au contribuable et au conseiller ou promoteur.
Pour les contribuables, les règles prévoient :
- une pénalité de 500 $ par semaine pour chaque défaut de déclarer une opération à déclarer ou une opération à signaler, jusqu’au plus élevé des montants suivants : 25 000 $ ou 25 % de l’avantage fiscal;
- pour les sociétés qui ont des actifs dont la valeur comptable totale est de 50 millions de dollars ou plus, une pénalité de 2 000 $ par semaine, jusqu’au plus élevé des montants suivants : 100 000 $ ou 25 % de l’avantage fiscal.
Déclaration de traitements fiscaux incertains
Dans le cas des traitements fiscaux incertains concernant des opérations à déclarer, les règles de divulgation constituent également un élément nouveau. L’ARC définit un traitement fiscal incertain comme étant un traitement fiscal utilisé dans les déclarations de revenus d’une entité pour lesquelles il y a une incertitude quant à savoir si le traitement fiscal sera accepté comme étant conforme à la loi fiscale. En vertu de ces règles, certaines sociétés devront déclarer à l’ARC les traitements fiscaux incertains dans le cadre du processus de production d’une déclaration de revenus des sociétés.
Une société doit déclarer de tels traitements lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- La société est tenue de produire une déclaration de revenus des sociétés (T2) pour l’année d’imposition. C’est notamment le cas des sociétés résidentes du Canada et des sociétés non résidentes qui ont une présence imposable au Canada;
- La société détient des actifs d’au moins 50 millions de dollars à la fin de l’exercice coïncidant avec l’année d’imposition. Ce seuil s’appliquera à chaque société;
- La société ou le groupe consolidé dont la société est membre dispose d’états financiers audités préparés conformément aux IFRS ou aux PCGR de l’autre pays s’appliquant aux sociétés ouvertes nationales (p. ex., PCGR américains);
- L’incertitude dont fait état la déclaration de revenus des sociétés au Canada pour l’année d’imposition est prise en compte dans les états financiers audités (p. ex., l’entité a conclu qu’il est improbable que les administrations fiscales acceptent le traitement fiscal incertain et, par conséquent, elle recevra ou paiera les montants relatifs à ce traitement).
Ces nouvelles règles s’appliqueront aux années d’imposition commençant le 1er janvier 2023 ou après cette date. Ainsi, pour la plupart des sociétés, l’année se terminant le 31 décembre 2023 constituera la première année où les nouvelles exigences de déclaration s’appliqueront.
Pour les sociétés assujetties à l’obligation de déclarer les traitements fiscaux incertains, une pénalité pour défaut de déclaration de 2 000 $ par semaine s'applique pour chaque traitement fiscal incertain particulier, jusqu’à concurrence de 100 000 $.
L’ARC donne une explication détaillée des règles de divulgation obligatoire mises à jour. Pour connaître les opérations désignées, veuillez consulter la page web sur les opérations désignées.
Communiquez avec votre conseiller en fiscalité de BDO pour obtenir du soutien concernant les nouvelles règles.
L’information présentée est à jour en date du 18 décembre 2023.
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