Des modifications récentes apportées à l’impôt minimum de remplacement (« IMR ») pourraient avoir une incidence sur vos obligations fiscales et votre stratégie financière.
En 2023, le gouvernement fédéral a annoncé d’importantes modifications à l’IMR. Dans son budget de 2024, adopté le 20 juin, il a prévu d’autres nouvelles mesures. La date d’entrée en vigueur des modifications législatives s’appliquant au calcul du revenu imposable minimum et de l’IMR a été établie au 1er janvier 2024.
Qu’est-ce que l’impôt minimum de remplacement?
Cet impôt fédéral est un calcul fiscal parallèle qui accorde aux particuliers et aux fiducies moins de déductions, d’exonérations et de crédits d’impôt que les règles ordinaires de l’impôt sur le revenu. Il a été introduit en 1986 pour que les particuliers profitant d’un traitement fiscal préférentiel à l’égard de leur revenu ou de leurs déductions fiscales paient systématiquement un montant minimum d’impôt.
Les nouvelles mesures représentent la première modification en profondeur des règles relatives à l’IMR depuis qu’elles ont été instaurées.
Cet article présente les modifications récentes et leur incidence potentielle sur de nombreux particuliers à revenu élevé dont les gains en capital, les déductions fiscales ou les dons de bienfaisance sont importants. Même si cet article porte sur l’IMR et son incidence sur les particuliers, sachez que ces renseignements peuvent également être utiles aux fiducies.
La plupart des particuliers n’ont pas à se préoccuper de l’IMR, étant donné que l’impôt auquel ils sont assujettis est plus élevé que l’IMR. Toutefois, ce dernier peut entraîner des répercussions sur les contribuables qui bénéficient d’un traitement fiscal préférentiel pour certaines catégories de revenus, notamment les gains en capital, ou sur ceux qui demandent des déductions ou des crédits d’impôt importants.
Les logiciels conçus pour la préparation des déclarations de revenu des particuliers calculent automatiquement l’impôt sur le revenu régulier et l’IMR. Les particuliers doivent payer le montant le plus élevé de l’IMR et de l’impôt fédéral sur le revenu régulier d’une année donnée.
Lorsque l’IMR est supérieur à l’impôt sur le revenu régulier calculé, l’impôt supplémentaire payé peut être reporté prospectivement pendant sept ans pour réduire l’impôt régulier, à condition que l’impôt régulier soit plus élevé que l’IMR au cours de la période du report. Essentiellement, si le particulier peut récupérer l’IMR payé au cours de la période de sept ans, celui-ci constitue un paiement anticipé d’impôt.
Les modifications apportées visent à réduire le nombre de particuliers payant l’impôt minimum par une majoration du montant de l’exonération. Elles répondent également aux préoccupations du gouvernement concernant le grand nombre de particuliers à revenu élevé qui ne paient que peu ou pas d’impôt sur le revenu au cours d’une année donnée en raison de certains incitatifs fiscaux. Ces nouvelles dispositions feront augmenter considérablement l’IMR de certains particuliers.
La refonte de l’IMR comporte trois volets principaux : l’élargissement de l’assiette de l’IMR, l’augmentation du montant de l’exonération et la majoration du taux de l’IMR. Ces éléments sont traités en détail ci-dessous.
1. Élargissement de l’assiette de l’IMR
L’assiette de l’IMR s’est vue élargie afin de limiter davantage certains avantages fiscaux. Ainsi, de nouveaux éléments sont pris en compte dans le calcul de l’assiette de l’IMR et les taux d’inclusion d’autres éléments ont été ajustés à la hausse. Par exemple :
- Augmentation du taux d’inclusion des gains en capital aux fins de l’IMR, qui est passé de 80 % à 100 %, et diminution du taux d’inclusion pour le report des pertes en capital et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise, qui est passé de 80 % à 50 %;
- Inclusion de la totalité de l’avantage associé aux options d’achat d’actions accordées aux employés qui, selon les règles habituelles, sont imposées à 50 %;
- Inclusion de 30 % des gains en capital réalisés sur les dons de titres cotés en bourse qui, selon les règles habituelles, ne sont pas assujettis à l’impôt;
- Refus de 50 % des différentes déductions, notamment celles relatives aux dépenses d’intérêts et de financement engagées pour gagner un revenu de biens, aux déductions pour les pertes comme commanditaire d’autres années, aux pertes autres que des pertes en capital d’autres années, aux frais liés à l’emploi (autres que ceux engagés afin de gagner un revenu de commissions), aux frais de déménagement et aux frais de garde d’enfants;
- Limitation à 50 % des crédits d’impôt non remboursables en vue de réduire l’IMR (sous réserve de certaines exceptions, dont l’application d’un crédit d’impôt non remboursable pour dons de 80 % du montant alloué aux fins de l’impôt régulier).
2. Augmentation de l’exonération de l’IMR
L’exemption de base était auparavant fixée à 40 000 $ pour tous les particuliers, ce qui s’appliquait aux successions assujetties à l’imposition à taux progressifs, mais pas aux autres types de fiducies. Cette exemption a été haussée et correspond maintenant à la borne inférieure de la quatrième tranche d’imposition fédérale, soit 173 205 $ pour 2024. Le montant de l’exonération sera indexé à l’inflation chaque année.
Depuis 2024, les règles concernant l’impôt minimum ne s’appliquent plus aux successions assujetties à l’imposition à taux progressifs. Par contre, la plupart des fiducies personnelles demeurent assujetties à l’impôt minimum sans pouvoir profiter de l’exemption de base.
3. Augmentation du taux de l’IMR
Les règles proposées prévoient également une augmentation du taux de l’IMR, qui passe de 15 % à 20,5 %.
Exemple de calcul de l’impôt minimum de remplacement
Dans l’exemple suivant, le contribuable a procédé à un gel successoral et a cristallisé ses gains en capital pour se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital (« ECGC »). Il a demandé qu’un montant de 971 190 $ associé à des actions admissibles de petite entreprise soit appliqué au titre de l’ECGC. Au cours de la même année, il a également réalisé des gains en capital de 350 000 $ sur ses autres placements et de 100 000 $ sur des dons de titres cotés en bourse.
Section | Anciennes règles | Nouvelles règles |
---|---|---|
Impôt fédéral régulierRevenus | ||
Gain en capital imposable sur les actions admissibles de petite entreprise | 485 595 | 485 595 |
Gain en capital imposable (autres immobilisations) | 175 000 | 175 000 |
Gain en capital imposable sur les dons d'actions cotées en bourse | - | - |
Total | 660 595 | 660 595 |
Déductions | ||
Déduction pour gains en capital (moitié des gains en capital admissibles) | (485 595) | (485 595) |
Revenu imposable | ||
Revenu brut | 175 000 | 175 000 |
Partie I — Impôt fédéral (estimation sur la base des taux d’imposition fédéraux de 2024; crédits de base et crédits pour dons pris en compte) | 5 240 | 5 240 |
Calcul de l’IMR aux fins de l’impôt federal Revenu imposable rajusté | ||
Revenu brut imposable susmentionné | 175 000 | 175 000 |
Gain en capital sur les actions admissibles de petite entreprise x 30 % | 291 357 | 291 357 |
Gain en capital sur les autres immobilisations x 30 % | 105 000 | |
Gain en capital sur les autres immobilisations x 50 % | 175 000 | |
Gain en capital sur les dons d'actions cotées en bourse x 30 % | 30,000 | |
Total | 571 357 | 671 357 |
Moins : Exemption de base | (40,000) | (173,205) |
Montant net de l'IMR | 531 357 | 498 152 |
Taux de l'IMR | 15 % | 20,5 % |
Montant minimum brut | 79 704 | 102,121 |
Moins : crédits non remboursables (y compris le crédit d'impôt pour don) x 100 % | (31 096) | |
Moins : crédits non remboursables (y compris le crédit d'impôt pour don) x 50 % | (1 062) | |
Montant de l'IMR à payer | 48 608 | 78 882 |
Report de l'IMR | ||
IMR susmentionné | 48 608 | 78 882 |
Moins : partie I : impôt fédéral susmentionné | (5 240) | (5 240) |
Report de l'IMR permis | 43 368 | 72 642 |
En vertu des règles actuelles, la cristallisation d’un gain en capital admissible à l’ECGC n’entraîne aucune conséquence fiscale immédiate (c’est-à-dire que 50 % du gain en capital est à l’abri de l’impôt en raison de la déduction de la moitié de l’ECGC totalisant 485 595 $). La partie imposable des gains en capital réalisés par le particulier sur ses autres placements de 175 000 $ est ajoutée à son revenu imposable, tandis que les gains réalisés sur les dons de titres cotés en bourse sont exempts d’impôt et donnent droit à un crédit d’impôt pour don de bienfaisance.
Dans ce scénario, le contribuable doit, selon les règles actuelles, payer 5 240 $ en impôt fédéral sur le revenu. Selon les anciennes règles, le montant de l’IMR s’établirait à 48 608 $ et le report d’IMR (soit la différence entre l’IMR et l’impôt sur le revenu régulier) serait de 43 368 $.
Comme on le voit, le montant d’impôt fédéral sur le revenu à payer par le contribuable s’élève à 77 882 $ selon les nouvelles règles relatives à l’IMR. Cette hausse s’explique par l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital aux fins de l’IMR, qui passe de 30 % à 50 % pour ses autres investissements et de zéro à 30 % pour ses dons de titres cotés en bourse.
En outre, alors même que l’exemption de base est passée de 40 000 $ à 173 205 $, le taux de l’IMR a lui aussi augmenté, passant de 15 % à 20,5 %. Par ailleurs, 50 % des crédits d’impôt non remboursables, à l’exception des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance, pourront être utilisés pour réduire l’IMR. En raison de ces modifications, l’IMR que le contribuable doit verser est beaucoup plus élevé selon les nouvelles règles que les anciennes, et il en va de même du montant du report de l’IMR.
Il est à noter que tout IMR provincial applicable viendrait augmenter l’impôt sur le revenu total devant être payé par le particulier pour une année donnée.
Qu’en est-il des modifications touchant les taux d’inclusion des gains en capital?
Dans son budget de 2024, le gouvernement fédéral a proposé de modifier le taux d’inclusion des gains en capital. Le 10 juin 2024, il a déposé un projet de loi visant à faire passer d’une demie aux deux tiers le taux d’inclusion des gains en capital réalisés sur les transactions conclues à partir du 25 juin 2024 et à permettre aux particuliers d’utiliser le taux de 50 % sur une valeur maximale de 250 000 $.
Pour en savoir plus, consultez l’article Le gouvernement confirme les changements proposés aux taux d’inclusion des gains en capital.
La hausse du taux d’inclusion des gains en capital pourrait se traduire par un nombre moindre de situations donnant lieu au paiement de l’IMR. Il est à noter que les modifications proposées visant le taux d’inclusion des gains en capital n’ont pas encore force de loi. L’exemple donné et les remarques connexes tiennent compte d’un taux d’inclusion des gains en capital de 50 %, et non du nouveau taux d’inclusion proposé.
Considérations supplémentaires concernant les règles à l’égard de l’IMR
Dans certains cas, le montant de l’IMR imposé par le gouvernement fédéral selon les nouvelles règles peut être sensiblement plus élevé que selon les règles actuelles, même si l’exemption de base augmente.
Étant donné les modifications apportées aux règles relatives à l’IMR et celles proposées concernant le taux d’inclusion des gains en capital, il est plus important que jamais de consulter votre conseiller en fiscalité avant de conclure des transactions produisant des gains en capital élevés, de faire des dons de bienfaisance substantiels ou de modifier considérablement vos déductions fiscales. L’incidence des nouvelles règles à l’égard de l’IMR dépend en grande partie de votre situation. Comme l’IMR s’applique également à la plupart des types de fiducies personnelles, les fiduciaires et leurs conseillers doivent aussi prendre en compte les répercussions des nouvelles mesures.
Une planification rigoureuse permettra aux personnes touchées par cette mise à jour de se prévaloir de la récupération de l’IMR payé au cours de la période de report, dans la mesure du possible. Il est particulièrement important pour les personnes retraitées dont le revenu imposable prévu est faible de tenir compte de ce qui précède pour réduire au minimum l’incidence de l’IMR.
L'information présentée dans cette publication est à jour en date du 3 juillet 2024.
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