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Revisiter : L'importance du « G » dans les facteurs ESG

Anne-Marie Henson :

Du point de vue de la gouvernance, les entreprises doivent demeurer au fait de ces changements tout en étant capables de s’y adapter rapidement.

Narrateur :

Bienvenue à La comptabilité de l’avenir, un balado de BDO Canada à l’intention des dirigeants financiers qui doivent composer avec le changement et faire croître leur entreprise. Nous aborderons des questions que les directeurs financiers n’avaient pas eu à traiter par le passé, mais qu’ils devront inévitablement gérer à l’avenir.

Anne-Marie Henson :

Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l’avenir. Je suis votre animatrice, Anne-Marie Henson. J’accueille aujourd’hui Mary Mathews, associée au sein des Services-conseils en comptabilité, qui fournit des services-conseils en comptabilité en plus de s’occuper des normes comptables. Mary, c’est toujours un plaisir de vous recevoir.

Mary Mathews :

Merci, Anne-Marie.

Anne-Marie Henson :

Aujourd’hui, nous revisitons un épisode spécial du balado, qui traitait de l’importance du « G » dans les facteurs ESG. Cela me rappelle de bons souvenirs, car il s’agit du premier épisode de La comptabilité de l’avenir que je coanimais avec Armand. Nous recevions le chef national des Solutions en matière de facteurs ESG de BDO, Pierre Taillefer, pour discuter du sujet. Je ne sais pas si c’est votre cas aussi, Mary, mais j’ai entendu le sigle « ESG » très souvent au cours des deux dernières années. J’aimerais que vous m’expliquiez en quoi c’est pertinent d’en parler encore aujourd’hui.

Mary Mathews :

Eh bien, à mon avis, on continuera d’en entendre parler encore longtemps. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous revisitons cet épisode et faisons le point sur la situation. Les choses bougent vite, plus vite qu’avant. Pour mettre nos auditeurs en contexte, l’annonce de la création du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, l’« ISSB », a été faite lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP26, tenue en novembre 2021. Les membres du Conseil ont dû être très occupés depuis, car, en juin 2023, ils terminaient l’élaboration de deux normes, soit les S1 et S2. Donc, dans un délai de 18 mois, ils ont publié un exposé-sondage, obtenu des commentaires et rédigé ces normes. C’est très rapide; on ne peut que constater les progrès réalisés en la matière. Voilà pourquoi nous souhaitions discuter des facteurs ESG à nouveau.

Anne-Marie Henson :

C’est vraiment impressionnant et rapide, surtout en comparaison avec les normes comptables ou d’audit, pour lesquelles des années s’écoulent normalement entre la publication d’un exposé-sondage et l’entrée en vigueur. Rapidement, le « G » des facteurs ESG renvoie à la gouvernance; le « E » et le « S », à l’environnement et à la société, dont nous entendons parler plus souvent. Ce sont d’ailleurs ces normes qui nous ont donné envie de reparler de la gouvernance. Les conseils d’administration, les comités d’audit et les entreprises ont un grand rôle à jouer à cet égard. Ils doivent s’assurer que les entreprises tiennent compte de ces éléments et qu’elles mettent en place des processus et des contrôles pour recueillir et fournir les informations requises conformément à la réglementation applicable. Comment la gouvernance pourrait-elle être appelée à changer en raison de ces nouvelles normes et de la vitesse à laquelle elles entrent en vigueur?

Mary Mathews :

En fait, ces nouvelles normes apportent un élément de réponse. Leur cadre compte quatre piliers qui soulignent l’importance de la gouvernance dans les processus, les procédures et les contrôles des entreprises. Ces dernières devront s’y reporter pour mesurer, puis gérer les risques et les occasions liés au développement durable. Le cadre permettra aux entreprises de déterminer comment déceler les risques et les occasions, les évaluer et en établir l’ordre de priorité, et même de les comparer par rapport à des cibles et des indicateurs. À la lumière de ces changements, les entreprises amorcent leur « parcours ESG », expression de plus en plus populaire. C’est l’occasion pour les entreprises, les conseils d’administration et les gestionnaires de revoir leurs processus, de recueillir les informations pertinentes, de discuter avec leurs parties prenantes et de s’assurer de la conformité de leur présentation afin de produire les informations liées au développement durable dont leurs investisseurs ont besoin.

Anne-Marie Henson :

Tout à fait. Aussi, compte tenu de la rapidité des changements, il devient de plus en plus important de faire preuve de flexibilité. Il y a eu tellement de changements en 18 mois et ce n’est pas fini. En ce sens, du point de vue de la gouvernance, les entreprises doivent demeurer au fait de ces changements et s’y adapter rapidement.

Mary Mathews :

Exactement.

Anne-Marie Henson :

BDO a également entamé son parcours ESG. Le cabinet a récemment publié son propre rapport sur les critères ESG. Ce ne sont donc pas seulement les sociétés cotées qui sont touchées, mais aussi les cabinets de services professionnels comme le nôtre. Les nouvelles normes ont une portée considérable et ce n’est assurément pas la dernière fois que nous en parlerons. Pour l’instant, écoutons une conversation que j’ai eue avec Armand et Pierre à propos de l’importance de la gouvernance et des facteurs ESG.

Pierre Taillefer :

À mon avis, les facteurs ESG ne relèvent pas d’exigences réglementaires; il est plutôt question d’examiner les activités d’une entreprise et de mettre en œuvre les facteurs ESG qui amélioreront la situation de l’entité et assureront le développement durable. Ainsi, l’intégration de ces principes à la gestion de l’entreprise est tout simplement logique.

Narrateur :

Bienvenue à La comptabilité de l’avenir, un balado de BDO Canada à l’intention des dirigeants financiers qui doivent composer avec le changement et faire croître leur entreprise. Nous aborderons des questions que les directeurs financiers n’avaient pas eu à traiter par le passé, mais qu’ils devront inévitablement gérer à l’avenir.

Armand Capisciolto :

Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l’avenir. Je suis Armand Capisciolto, votre animateur. Au cours de cette saison, nous vous proposons un changement de cap. Nous intégrons une coanimatrice à notre liste d’illustres invités de l’émission. Comme certains de nos auditeurs le savent déjà, je serai chez BDO pendant encore quelques mois, avant de prendre mes fonctions de président du Conseil des normes comptables à temps plein. J’ai donc le plaisir d’accueillir Anne-Marie Henson, coanimatrice de notre troisième saison et bientôt animatrice de La comptabilité de l’avenir. Anne-Marie, bienvenue.

Anne-Marie Henson :

Merci beaucoup, Armand. C’est un plaisir pour moi de revenir sur ce plateau.

Armand Capisciolto :

En effet, Anne-Marie est connue de nos fidèles auditeurs puisqu’elle a souvent été invitée à l’émission. En fait, le premier épisode auquel elle a participé, « Comptabilité des jeunes entreprises en croissance », demeure notre épisode le plus écouté à ce jour.

Anne-Marie Henson :

Je suis vraiment ravie d’être ici et de coanimer avec vous cette prochaine saison. Je dois avouer que ma participation à ces balados avec vous a marqué mon année 2022. Je suis donc emballée à l’idée de coanimer l’émission et de devenir finalement l’animatrice de La comptabilité de l’avenir. Cependant, je dois dire que je suis un peu triste de vous voir partir et de perdre un collègue extraordinaire ainsi qu’un animateur formidable.

Armand Capisciolto :

Merci, Anne-Marie. Je suis enchanté de voir quelqu’un prendre la relève de l’émission. Je deviendrai moi-même un fidèle auditeur. Dans l’épisode d’aujourd’hui, nous accueillons Pierre Taillefer. Pierre est le chef des Services-conseils en développement durable chez BDO Canada. Dans le cadre de ses fonctions, il est chargé de faire progresser la stratégie interne de BDO Canada en matière de facteurs ESG et d’élargir notre offre de services axés sur le développement durable. Pierre, bienvenue à La comptabilité de l’avenir.

Pierre Taillefer :

Merci beaucoup, Armand. Je suis très heureux d’être ici pour parler des facteurs ESG. BDO Canada met en œuvre son programme de développement durable et s’engage résolument à cet égard. Nous observons une grande activité au sein des entreprises de toutes tailles et de différents secteurs qui se renseignent sur les facteurs ESG et ce qu’elles doivent faire. Je suis bien content d’être ici pour en parler aujourd’hui.

Anne-Marie Henson :

Pierre, quand les gens nous posent des questions sur le développement durable et les facteurs ESG, nous entendons souvent parler de changements climatiques ainsi que de diversité, d’équité et d’inclusion, mais ce ne sont là que quelques-uns des facteurs ESG. Le « G » des facteurs ESG, la gouvernance, ne fait pas l’objet d’autant de questions. Nous allons donc commencer par vous demander de définir ce que couvre l’élément gouvernance des facteurs ESG.

Pierre Taillefer :

Je vais non seulement parler de gouvernance, mais également des facteurs ESG, que nous n’avons pas encore définis. La gouvernance couvre tous les aspects qui sont gérés en interne par une entité, à savoir les questions d’éthique, le respect des lois et règlements, les procédures en matière de lutte contre la corruption, la gestion de la chaîne d’approvisionnement et le lobbyisme. Le contrôle touchant la gouvernance existe depuis le début des années 2000. Il s’agit de la mise en place d’une politique de dénonciation et d’une ligne téléphonique de dénonciation grâce à laquelle les individus peuvent signaler les problèmes qu’ils constatent au sein de l’entreprise. À l’élément de gouvernance, j’ajouterais la communication de l’ensemble de l’information, y compris les informations financières ainsi que celles liées aux facteurs ESG et aux changements climatiques.

Les lettres du sigle ESG désignent l’environnement, la société et la gouvernance. Comme vous l’avez si bien dit, Anne-Marie, le marché est foisonnant. Les médias nous parlent beaucoup de changements climatiques, d’émissions de gaz à effet de serre, de diversité, d’équité et d’inclusion. À cela, j’ajouterais aussi la chaîne d’approvisionnement. Par contre, la gouvernance est une grande oubliée. En effet, nous entendons beaucoup moins parler d’éthique, de lutte contre la corruption ou de dénonciation, principalement parce qu’elles nous semblent presque banales dans le contexte où bon nombre d’entreprises ont déjà mis en place des programmes de gouvernance et diverses mesures à cet égard depuis de nombreuses années. En revanche, l’adoption de mesures liées à la responsabilité sociale demande de déployer des efforts considérables, et plus encore au chapitre des enjeux environnementaux.

Anne-Marie Henson :

Voilà qui est intéressant! Si je comprends bien, même si le concept d’ESG est relativement nouveau et que l’on en parle beaucoup plus aujourd’hui qu’il y a plusieurs années, bon nombre d’entreprises avaient déjà mis en place plusieurs politiques liées à la gouvernance par le passé. Par conséquent, comme vous l’avez dit, même si la tâche peut sembler immense et lourde, il est possible que les entreprises aient déjà mis en place un bon nombre de ces mesures de gouvernance.

Pierre Taillefer :

Absolument. C’est aussi le cas sur les plans de l’environnement et de la responsabilité sociale. Lorsque nous examinons les facteurs ESG avec nos clients, nous essayons d’abord de comprendre ce qu’ils font déjà en matière d’environnement. Selon le secteur, sachant que certains sont plus touchés par la réglementation environnementale, et aussi selon la façon dont l’entité est détenue, par exemple s’il s’agit d’une société fermée, d’une société ouverte, d’une société d’État ou d’un organisme sans but lucratif, on constate qu’un grand nombre d’entités ont déjà mis en œuvre des programmes environnementaux, de responsabilité sociale et de gouvernance. Personne ne part de zéro. La plupart des entités ont déjà établi les bases. Certaines très petites entreprises commencent tout juste à mettre en œuvre des processus de gouvernance, mais, pour la plupart, ces processus sont déjà en place. En fait, la terminologie des facteurs ESG est nouvelle. Nous avons vu la terminologie évoluer au cours des cinq dernières années, mais les concepts ne sont pas nouveaux.

Je réalise des mandats visant les questions ESG depuis déjà 15 ans. Ce type de mandat visait surtout le développement durable au départ, mais, depuis 15 ans, la responsabilité sociale de l’entreprise et la présentation d’informations à cet égard ont pris de l’importance. Ces mandats étaient principalement de nature qualitative. Les facteurs ESG renforcent la responsabilité sociale de l’entreprise au moyen de programmes comportant des objectifs et des indices de rendement exigeant une réelle volonté de surveiller cet aspect et de faire rapport sur les résultats. Donc, rien de tout cela n’est nouveau. Seule la façon d’en parler a changé. Comme je l’ai dit, la plupart des entreprises ne partent pas de zéro dans la mise en œuvre de leur programme complet lié aux facteurs ESG. Il existe déjà un certain nombre de processus, de contrôles, de politiques et de procédures en place.

Armand Capisciolto :

Toutes mes excuses, Pierre : Anne-Marie et moi-même en sommes à notre première coanimation, alors notre enthousiasme est à son comble. Nous nous coupons la parole pour vous poser des questions. Votre intervention sur ce que la gouvernance englobe est intéressante, ainsi que vos explications sur le fait que les entreprises s’en préoccupaient depuis longtemps, parfois sans le savoir. Cela dit, votre expérience ne touche pas seulement le développement durable; vous avez aussi un bagage en services-conseils en risque. À ce sujet, lorsqu’il est question de dénonciation, la première chose qui me vient à l’esprit est que nous touchons aux questions liées à l’environnement de contrôle et au cadre COSO. Ceux qui côtoient le milieu des sociétés ouvertes n’oublieront pas la mise en œuvre de la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis et du Règlement 52-109 au Canada au début des années 2000 à la suite du scandale Enron. Vivrons-nous une situation semblable? S’agit-il d’une étape transitoire vers un rapport obligatoire sur le développement durable, tout comme l’introduction de l’obligation de présenter de l’information sur les contrôles internes il y a vingt ans?

Pierre Taillefer :

D’abord, je connais bien la loi Sarbanes-Oxley et le Règlement 52-109, car j’ai exécuté un certain nombre de missions pour des sociétés ouvertes qui présentent leurs informations en vertu du Règlement 52-109 et de la loi Sarbanes-Oxley, ou de la seule loi Sarbanes-Oxley. Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre un cadre de contrôle interne pour les sociétés cotées en bourse, il existe une différence entre les États-Unis et le Canada. Aux États-Unis, ce cadre est intégré à l’audit des états financiers et à la structure de contrôle interne. En revanche, au Canada, une mission distincte est spécialement consacrée à la mise en œuvre et à l’évaluation du cadre de contrôle interne pour ces sociétés. Nous devions donc toujours effectuer l’audit des états financiers au Canada et la direction préparait le rapport sur son contrôle interne en vertu du Règlement 52-109. Il y avait encore une intégration entre les états financiers et la structure de contrôle interne qui sert à produire ces états financiers. Je dirais que nous nous attendons à ce que l’intégration commence par les sociétés cotées en bourse, mais cela suppose de faire un audit intégré plus poussé couvrant à la fois les informations financières et les informations non financières. Autrement dit, les états financiers.

Aux États-Unis, ils vont enrichir l’audit intégré des états financiers et des rapports sur les contrôles internes, ou encore ajouter un audit intégré des informations non financières qui sont liées aux changements climatiques et à d’autres aspects. Il y aura donc des exigences particulières. En effet, l’International Sustainability Standards Board, donc l’IFRS Foundation, dans le cadre de son examen des normes d’audit intégrées, a publié deux exposés-sondages sur les audits, l’un sur les changements climatiques et l’autre sur les informations d’un autre ordre, qui devraient être conclus en 2023 pour une mise en œuvre en 2024. L’audit sera intégré. Les entreprises américaines appliqueront la loi Sarbanes-Oxley et, au Canada, les informations non financières seront intégrées aux procédures d’audit. Il y aura donc des états financiers audités, des informations non financières connexes et, comme je l’ai mentionné, des informations relatives aux changements climatiques ainsi que des informations d’un autre ordre. Les aspects visés sont par exemple la diversité, l’équité et l’inclusion, les programmes de dénonciation, les codes d’éthique et de déontologie, etc.

Armand Capisciolto :

C’est intéressant, Pierre, quand vous parlez de l’intégration, même dans le contexte canadien où nous ne savons pas encore s’il y aura une exigence d’audit en ce qui concerne la présentation d’informations sur le développement durable.

Pierre Taillefer :

Bien sûr.

Armand Capisciolto :

À mon avis, cela n’a pas vraiment d’importance, car les décisions prises en matière de développement durable ainsi que les risques et les occasions que rencontrent les entreprises en raison du développement durable ont une incidence sur les états financiers. On ne peut donc pas considérer ces éléments de manière isolée. Il faut penser à la présentation des informations financières et des informations liées au développement durable comme un tout.

Pierre Taillefer :

J’abonde en ce sens. Quand j’en parle à nos clients, je ne parle pas d’un audit intégré, mais bien d’un examen opérationnel. Il s’agit d’examiner la manière dont ils gèrent leur entreprise et d’intégrer les facteurs ESG à leurs décisions d’affaires. Dorénavant, lorsque les entreprises investiront dans des actifs, par exemple au moment de faire l’acquisition de machinerie, elles tiendront compte des concepts d’efficacité et d’économie énergétiques. Il faut également prendre en considération les émissions de gaz à effet de serre. Le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, ce qui signifie que tous les acteurs du monde des affaires auront un rôle à jouer pour atteindre cet objectif. Les entreprises qui travaillent dans ce sens y verront des avantages dans leurs propres activités. Il s’agit de trouver des moyens rentables de prendre des décisions qui intègrent le facteur environnement aux décisions en matière d’investissements. Les immobilisations corporelles sont un bon point de départ.

Je conseille aussi aux entreprises d’intégrer les facteurs ESG à leur entreprise pour attirer et retenir des gens sur lesquels ils pourront compter. Pour plusieurs, il est important de travailler pour une entreprise raisonnable ou responsable. Ensuite, il y a les processus de gouvernance, qui permettent de gérer une entreprise ou une entité d’une manière qui accroît sa rentabilité. Qu’il s’agisse de maximiser ses bénéfices en tant que société à but lucratif ou d’élargir sa portée en tant qu’organisme sans but lucratif, de bonnes pratiques de gouvernance favorisent l’atteinte de ces objectifs. À mon avis, les facteurs ESG ne relèvent pas d’exigences réglementaires; il est plutôt question d’examiner les activités d’une entreprise et de mettre en œuvre les facteurs ESG qui amélioreront sa situation et contribueront au développement durable. Ainsi, l’intégration de ces principes à la gestion de l’entreprise est tout simplement logique.

Anne-Marie Henson :

Pierre, pour extrapoler sur le sujet et établir des similitudes avec la présentation des informations relatives au contrôle interne, je crois comprendre qu’il est important de ne pas se contenter d’établir des facteurs qualitatifs et des objectifs, mais de trouver des moyens de saisir ces informations et de les présenter, qu’elles doivent ou non être auditées. Quels sont les éléments à prendre en compte relativement au facteur gouvernance pour s’assurer qu’une entreprise juge comme satisfaisantes la qualité et la précision des informations sur les facteurs ESG qu’elle sélectionne, puis qu’elle présente en définitive?

Pierre Taillefer :

Il y a une corrélation à établir entre la présentation et la qualité des informations financières, et ici le dicton du domaine de l’informatique selon lequel des données inexactes mèneront à des résultats erronés s’applique. Comment faut-il donc gérer le processus, c’est-à-dire les procédures de présentation des informations financières et aussi la démarche derrière tout ça? Quels sont les risques? Quels sont les contrôles? Comment faut-il gérer le processus? Les services informatiques y jouent un rôle important. Les systèmes utilisés pour préparer des états financiers doivent être contrôlés adéquatement du point de vue des TI et sur le plan de l’accès pour assurer la qualité des informations qui sont communiquées. Prenons donc en exemple ces systèmes et appliquons-les aussi aux informations relatives à l’environnement, à la société et à la gouvernance. La corrélation entre la présentation et la qualité des données est un aspect important de la gouvernance. Il faut entre autres veiller à ce que les bons systèmes soient en place pour surveiller ses émissions de gaz à effet de serre, assurer le suivi de son empreinte environnementale, examiner le traitement des déchets et de l’eau ainsi que la diversité, l’équité et l’inclusion. Il ne faut pas négliger de cerner les indicateurs que l’on estime importants et de mettre en place des systèmes pour être en mesure de recueillir des données.

L’objectif est de faciliter la présentation de l’information. Sur le plan réglementaire, l’ISSB se concentrera d’abord sur les sociétés cotées en bourse, qui devront déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de la déclaration des gaz à effet de serre, il s’agit des émissions de GES des portées 1, 2 et 3. Les émissions de GES de portée 1 touchent ce que l’on consomme : ce sont les émissions de gaz à effet de serre qui résultent de la consommation. Les émissions de GES de portée 2 couvrent ce que l’on achète. Par exemple, les espaces de bureau qu’on loue et les émissions indirectes. Enfin, les émissions de GES de portée 3 concernent l’ensemble de la chaîne de valeur. Les sociétés cotées en bourse devront donc présenter de l’information liée aux émissions de GES des portées 1 et 2 et, tôt ou tard, de portée 3. Quand cela se produira, la chaîne de valeur dans son ensemble sera touchée, c’est-à-dire les petites et moyennes entreprises et les sociétés fermées aussi, car elles font partie d’une chaîne de valeur élargie.

Pour en revenir aux considérations relatives à la gouvernance et à la communication des informations financières, la mise en place des rapports ESG et des audits intégrés aura donc une incidence sur l’ensemble de la chaîne de valeur des sociétés cotées en bourse. Cela signifie qu’il faut mettre en place des systèmes au sein des entreprises pour faire le suivi des émissions de gaz à effet de serre, contrôler les dépenses qui en résultent et convertir les données en indicateurs sur les gaz à effet de serre à des fins de déclarations liées à la chaîne de valeur. Il est donc très important que toutes les entreprises aient une réflexion sur la place qu’elles occupent dans la chaîne de valeur d’une société cotée en bourse, qu’elles comprennent la rapidité à laquelle elles seront touchées par les normes liées aux facteurs ESG et qu’elles en discutent avec leurs parties prenantes pour déterminer le type d’information dont elles ont besoin.

Il s’agit là de faire preuve d’une bonne gouvernance quant à la gestion de l’entreprise. Il est important de collaborer avec les parties prenantes et d’effectuer une évaluation appropriée des risques pour déterminer l’incidence des facteurs ESG. Il faut ensuite dresser un plan auquel on peut se conformer. Il s’agit notamment de mettre en place des systèmes permettant de suivre les données, d’établir des rapports sur ces données et de disposer de processus et de contrôles visant l’évaluation de la qualité. Je sais, ça représente beaucoup d’information à assimiler. Je vais donc m’arrêter là. J’espère que c’était clair.

Armand Capisciolto :

C’est très intéressant, Pierre, de vous entendre parler d’émissions de GES des portées 1, 2 et 3, mais cela touche uniquement le facteur environnement, non? Lorsque nous parlons avec les responsables de la gouvernance, nous voulons déterminer l’efficacité de la gouvernance en place dans une société ouverte, c’est-à-dire exercer un contrôle sur la façon dont les fournisseurs sont choisis, etc. Cependant, ce n’est qu’un seul élément parmi d’autres, non? Ils auront également besoin d’informations sur ce que fait l’entreprise en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. Ils auront besoin de beaucoup de renseignements, ce qui est un peu éprouvant. C’est pour cette raison que nous avons consacré plusieurs épisodes de ce balado au développement durable et aux facteurs ESG. Récemment, j’ai reçu Kristyn Annis, associée chez BLG.

Nous avons discuté de la responsabilité du conseil d’administration en ce qui concerne les risques liés aux changements climatiques. Tous nos épisodes sont fabuleux, mais celui-ci est vraiment le meilleur. C’est un épisode extraordinaire. Si certains de nos auditeurs ne l’ont pas écouté, nous les invitons à le faire. Dans le cadre de vos fonctions, vous passez beaucoup de temps à parler aux membres de conseils, qu’il s’agisse du conseil de direction de BDO, de notre conseil interne ou des conseils d’administration de sociétés auxquelles nous fournissons des services. Lors des discussions avec ces derniers, quels conseils donnez-vous aux administrateurs quant à leur rôle de gouvernance à l’égard des différents aspects des facteurs ESG?

Pierre Taillefer :

Je dirais qu’il y a deux façons d’aborder la question. D’abord, c’est une responsabilité qui relève du conseil d’administration. Il incombe au conseil d’administration d’une société cotée en bourse de s’assurer que la direction a mis en place un programme approprié de gestion des risques. En fonction de l’ampleur des risques climatiques et de leur incidence sur l’entité, les administrateurs sont susceptibles de les avoir déjà intégrés dans les rapports qu’ils exigent de la direction s’ils sont considérés comme étant cruciaux. Cette information peut également être communiquée dans un rapport de gestion. Il peut aussi s’agir d’évaluer l’incidence des changements climatiques sur les états financiers, de comprendre les risques qui en découlent et de présenter de manière appropriée les informations fournies par le conseil d’administration, qui doit lui-même gérer adéquatement les risques ou veiller à ce que la direction le fasse et dispose d’une procédure à cet effet.

Ensuite, j’établis le lien avec les changements climatiques en disant que « si un risque est important pour une entreprise, il doit être abordé dans l’évaluation globale des risques, et les administrateurs doivent être certains qu’il est bien géré ». Les sociétés cotées en bourse seront tenues de fournir des informations sur les changements climatiques, comme c’est actuellement le cas au Canada. Les changements climatiques feront l’objet d’exigences précises qui sont en cours d’élaboration; les conseils d’administration devront donc s’assure’ qu'ils sont évalués et communiqués correctement par la direction. Le conseil d’administration doit comprendre les responsabilités qui lui sont propres en matière de facteurs ESG. Pour l’instant, il s’agit principalement du facteur environnement ou, autrement dit, des changements climatiques. Je préciserais également ce qui suit en ce qui concerne la gouvernance et la présentation d’informations financières : la direction doit avoir mis en place des systèmes suffisants et appropriés pour préparer des états financiers de qualité.

Cela touche donc à la fois l’environnement et la gouvernance. Il est probable que le facteur social sera incorporé lorsque l’ISSB sera mis en œuvre. Ces informations devront couvrir la diversité, l’équité et l’inclusion ainsi que la chaîne d’approvisionnement. Le conseil d’administration doit donc comprendre ses responsabilités particulières en matière de risques, s’assurer que la direction a établi un processus pour les déterminer et les gérer adéquatement et, dans la mesure nécessaire, faire rapport sur ceux-ci. Le conseil d’administration doit aussi s’assurer que des systèmes d’information sont mis en place et veiller à ce que les administrateurs examinent les rapports sur la conformité environnementale fournis par l’entreprise.

Armand Capisciolto :

Il s’agit simplement pour les administrateurs d’élargir leurs responsabilités, mais sans renoncer à leur rôle consistant à s’assurer que la direction fait ce qu’elle doit faire.

Pierre Taillefer :

En effet, dans le cadre de l’obligation de diligence, le devoir de chaque administrateur est de veiller à ce que la direction évalue les risques importants de l’entreprise, y compris ceux qui sont propres aux changements climatiques, et d’en faire rapport comme il se doit.

Anne-Marie Henson :

Pierre, je voudrais terminer en parlant un peu de la question de l’échelle. Je sais que nous en avons parlé plus tôt. Plusieurs de nos auditeurs viennent de petites et moyennes entreprises qui n’ont pas de conseil d’administration ou ont un conseil d’administration composé des membres de la direction, c’est-à-dire d’actionnaires. Certains se demandent comment cela s’applique à eux et par où commencer. Vous avez parlé des émissions de portée 3, qui se révèlent très intéressantes lorsqu’il est question de la chaîne de valeur. Même si votre entreprise n’est pas une société ouverte qui est chargée d’appliquer certaines de ces exigences en matière d’information, votre plus gros client pourrait être une société ouverte, ce qui vous obligerait à communiquer rapidement des informations en matière de facteurs ESG. Pour les clients qui se posent des questions comme : « Par où commencer? » ou « Que pouvons-nous faire? », avez-vous des recommandations ou des conseils à formuler à cet égard?

Pierre Taillefer :

Absolument! Pour commencer, j’aimerais ajouter quelques facteurs à cette équation. Nous observons que les fournisseurs de capitaux s’intéressent de plus en plus aux critères ESG. Ils demandent donc aux clients, sans égard au fait qu’il s’agisse d’une société fermée ou d’une société inscrite en bourse, des informations sur certains facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance. Comme je l’ai mentionné, les employés et les membres des équipes veulent travailler pour une entité responsable. Ils fonderont leur décision d’accepter un emploi ou de demeurer au sein d’une entreprise sur la responsabilisation sociale de cette dernière. Un autre élément dont j’ai parlé plus tôt doit aussi être pris en compte : le Canada vise la carboneutralité d’ici 2050 et une réduction des émissions de 50 % d’ici 2030, une échéance qui arrive à grands pas. Aucun plan de transition n’a encore été établi, mais les acteurs du monde des affaires canadien doivent viser cette carboneutralité ou devront participer activement à ce programme.

Finalement, il y a le volet réglementaire. Lors du lancement d’une initiative, il faut bien comprendre quelles sont les principales parties prenantes, tant à l’interne qu’à l’externe. Quelles sont les attentes des parties prenantes internes, y compris le conseil d’administration et les employés, en ce qui concerne les efforts en matière d’ESG? Quelles sont les attentes de l’institution financière? Demande-t-elle de l’information à cet égard? Dans le cas d’une participation dans un fonds de capital-investissement, ce type d’information est-il demandé? Nous constatons que les facteurs ESG prennent de l’ampleur sur le marché du capital-investissement. Que veulent les parties prenantes? Il est important de connaître votre position dans la chaîne de valeur d’une société cotée en bourse avant de se demander comment les facteurs ESG toucheront votre entreprise et quand ces informations devront être fournies. L’autre point que je voudrais souligner est qu’il faut parler aux parties prenantes. Il faut comprendre ce qui est important. Les facteurs ESG peuvent être très vastes. Il n’est pas nécessaire de tout couvrir.

C’est ici que la « démarche en matière de facteurs ESG » entre en jeu. Par où commencer? Que veulent vos parties prenantes? Que faites-vous déjà? Que ne faites-vous pas? Combien de temps consacrerez-vous à mettre en place des mesures pour corriger les lacunes dans la transmission des informations attendues par vos parties prenantes? Il s’agit donc vraiment de comprendre votre environnement économique. Quelle est son incidence? Comment touche-t-il votre entreprise? Il n’est pas nécessaire de tout faire en même temps. Parmi les deux ou trois éléments importants liés aux facteurs ESG que nous observons sur le marché, il y a d’abord les émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, je dirais que les questions de diversité, d’équité et d’inclusion constituent un élément très important. Enfin, il y a la chaîne d’approvisionnement qui se trouve sous les trois facteurs environnement, responsabilité sociale et gouvernance. Il faut donc comprendre sa chaîne d’approvisionnement pour en évaluer les risques.

Quels sont les risques associés au travail des enfants et au travail forcé? Quelle est l’empreinte carbone ou quelles sont les émissions de gaz à effet de serre de la chaîne d’approvisionnement? Il faut commencer par de petits éléments tout en ayant à l’esprit une vue d’ensemble de l’orientation à suivre en fonction des parties prenantes. Ma recommandation serait de commencer à intégrer les facteurs ESG au cadre opérationnel de l’entreprise. Il est également crucial de connaître les personnes avec lesquelles on fait affaire ou on entretient des relations, et de discerner leurs attentes et leurs besoins. Il s’agira, au fil du temps, de satisfaire à ces attentes et besoins. C’est une démarche.

Armand Capisciolto :

Il est intéressant, Pierre, de constater que vous axez vos efforts sur les parties prenantes pour découvrir ce qu’elles veulent. Je crois que les entreprises doivent prendre les devants par rapport à leurs parties prenantes, car si elles attendent que ces dernières formulent leurs demandes d’informations, il sera déjà trop tard.

Pierre Taillefer :

Oui, exact. Nous avons fait l’exercice. Et nous l’avons constaté. Nous avons demandé des informations à certaines de nos parties prenantes, mais elles n’étaient pas en mesure de nous les fournir. Finalement, il faut savoir qu’à l’avenir il pourrait également y avoir des normes relatives à l’audit intégré et à la présentation des informations financières et non financières pour les sociétés ouvertes. Au Canada, nous nous penchons sur cette possibilité, qui deviendra assurément un jour réalité. En ce qui concerne la réglementation, nous pensons qu’elle s’appliquera d’abord aux sociétés cotées en bourse pour toucher par la suite les sociétés fermées. Comme vous l’avez dit, Armand, et je l’ai déjà dit moi-même au cours de nombreuses conversations que nous avons eues auparavant, tout dépend des parties prenantes, car il n’y a pas de cadre unique à utiliser en ce moment. Il n’y a pas de norme unique. Le travail effectué dépendra des parties prenantes et du moment où elles voudront obtenir les informations en matière d’ESG. Il n’est pas nécessaire de tout avoir d’un coup.

Anne-Marie Henson :

J’aime le fait que vous souligniez que les entreprises effectuent souvent déjà des tâches en ce sens, mais que le processus doit être un peu plus formel; il faut qu’on rédige des politiques à cet égard et que les contrôles soient resserrés. Toutefois, de nombreuses entreprises, bien qu’elles pensent que cette tâche semble insurmontable, prennent probablement déjà des mesures en interne, ce qui leur évite de commencer à partir de rien.

Pierre Taillefer :

Absolument. Nous parlons souvent de la présentation d’informations sur les facteurs ESG. Il n’est pas nécessaire que ce soit un rapport. Enfin, il peut aussi s’agir d’informations fournies sur le site Web d’une entité. Parfois, cela fait peur aux gens quand nous parlons d’un rapport sur les facteurs ESG. Il n’est pas nécessaire que ce soit un rapport. Il peut s’agir, comme je l’ai mentionné, d’une page Web ou d’informations très limitées dans un rapport. L’objectif est d’entamer la conversation pour fournir des informations pertinentes et de les inclure dans le temps ou tout au long du parcours en matière d’ESG.

Anne-Marie Henson :

C’est super. Pierre, je vous remercie pour vos commentaires et vos recommandations. J’espère que les auditeurs ont trouvé ce sujet très utile et qu’ils en tireront des indications quant à la voie à prendre pour entreprendre leur parcours. Comme Pierre l’a dit, j’aime particulièrement l’utilisation du mot expertise dans le contexte des facteurs ESG. Donc, merci beaucoup de nous avoir consacré du temps et d’avoir bien voulu partager votre expertise. Je tiens également à remercier nos auditeurs. Je m’appelle Anne-Marie Henson, et c’était La comptabilité de l’avenir de BDO. N’hésitez pas à nous faire savoir si vous avez trouvé le sujet intéressant et utile, et n’oubliez pas de vous abonner si vous l’avez aimé.

Narrateur :

Merci d’avoir été des nôtres pour cet épisode de La comptabilité de l’avenir. Vous pouvez écouter les épisodes précédents et lire d’autres articles sur le sujet à l’adresse www.bdo.ca/accountingforthefuture. Vous pouvez également vous abonner sur Apple Podcasts, Spotify ou Google Balados. Pour obtenir de plus amples renseignements sur BDO Canada, visitez le www.bdo.ca.

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