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La relocalisation en guise de stratégie

Charlie Reid :

Il y a beaucoup d’inconvénients au fait d’immobiliser son fonds de roulement et la valeur de sa marque dans une source non contrôlée à l’autre bout du monde.

Narrateur :

Bienvenue à La comptabilité de l’avenir, un balado de BDO Canada à l’intention des dirigeants financiers qui doivent composer avec le changement tout en assurant la croissance de leur entreprise. Nous aborderons des questions que les directeurs financiers n’avaient pas eu à traiter par le passé, mais qu’ils devront inévitablement gérer à l’avenir.

Anne-Marie Henson :

Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l’avenir, un balado de BDO. Je m’appelle Anne-Marie Henson et je suis aujourd’hui en compagnie de Charlie Reid, directeur de l’amélioration opérationnelle au sein du cabinet. Il possède plus de 40 ans d’expérience en services-conseils dans le secteur de la fabrication et a occupé différents postes de cadre et d’administrateur. Charlie, bienvenue à La comptabilité de l’avenir.

Charlie Reid :

C’est un plaisir pour moi d’être ici.

Anne-Marie Henson :

Génial! Notre sujet d’aujourd’hui, les risques et les avantages de la relocalisation, m’intéresse beaucoup. La pandémie a transformé les activités des entreprises canadiennes. Notre discussion portera ainsi sur un aspect très important pour toute entreprise qui vend des biens, qu’il s’agisse d’un fabricant ou d’un grossiste faisant affaire directement avec les consommateurs, soit la chaîne d’approvisionnement. Avant 2020, nous avions tous noté des changements importants dans la façon dont les entreprises canadiennes s’approvisionnaient en produits et en matières premières, dont une bonne partie provenait d’outre-mer, plus précisément de l’Asie. En guise de préambule, Charlie, expliquez-nous comment cette prépondérance de l’importation internationale a débuté.

Charlie Reid :

En fait, cela dure depuis des décennies. Je crois simplement que la pandémie a eu pour effet de braquer les projecteurs sur la chaîne d’approvisionnement dans son ensemble. Beaucoup de gens ne s’étaient jamais vraiment attardés à cette question, mais à présent, si nos rénovations de salle de bains traînent en longueur, on se dit tout de suite qu’il s’agit d’un problème de chaîne d’approvisionnement.      Tout le monde est au courant de la situation. Mais déjà à la fin des années 1980 et au début des années 1990, un grand volume de production était délocalisé en Chine. Je travaillais surtout dans le secteur des pièces d’automobile à l’époque, et nous étions très conscients des pressions provenant de ce pays. Tous les fabricants d’équipement d’origine et les grands constructeurs automobiles l’étaient assurément.

Ils ont mieux compris que la plupart des gens l’importance de garder leurs fournisseurs près d’eux. À cette époque, les matières premières venaient de Chine, en plus des pièces de base, comme les vis et les pièces de fixation, qui étaient simples et peu coûteuses à produire là-bas. Les Chinois achetaient une grande partie de la capacité de production dans ce secteur en Amérique du Nord. C’est donc un phénomène qui se poursuit depuis trois décennies.

Anne-Marie Henson :

Oui. Nous en entendons sans doute davantage parler aujourd’hui que par le passé. Dans le cas des constructeurs automobiles, comme vous le disiez, les avantages d’avoir des fournisseurs plus près sont devenus évidents. C’est un sujet dont il est de plus en plus question, sans doute en raison des facteurs liés à l’environnement, à la société et à la gouvernance et des problèmes ayant touché la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie. Les entreprises se demandent si l’importation est la meilleure stratégie pour assurer leur croissance à long terme et la viabilité de leurs activités. Avant d’aborder les risques et les avantages connexes, j’aimerais avoir votre point de vue d’expert sur les nombreux termes utilisés dans ce domaine, savoir ce qu’ils signifient et s’ils sont interchangeables. Au cours des derniers mois, j’ai entendu parler de relocalisation, de délocalisation de proximité, de délocalisation intérieure… Pourriez-vous démêler tout cela pour les non-spécialistes?

Charlie Reid :

La délocalisation intérieure et la relocalisation sont des concepts semblables. Ils impliquent tous les deux de rapatrier une production qui avait été délocalisée à l’étranger. Ainsi, la relocalisation et la délocalisation intérieure sont le contraire de la délocalisation à l’étranger : on prend une production à l’étranger pour la ramener au pays. La délocalisation de proximité est un terme moins courant et j’ignore s’il en existe une définition nette et précise. De mon point de vue, si vous vous approvisionnez aux États-Unis depuis le Canada, par exemple, il s’agit de délocalisation de proximité.   Ce serait la même chose si la production se faisait au Mexique. On pourrait alors considérer qu’on réduit les coûts de main-d’œuvre sans aller aussi loin qu’en Chine. La délocalisation intérieure et la relocalisation sont essentiellement la même chose.

Anne-Marie Henson :

D’accord, très bien. Aux fins de cette discussion, nous utiliserons donc ces termes indifféremment. J’aimerais que nous discutions des risques et des avantages de la relocalisation pour les entreprises, mais avant toute chose, croyez-vous qu’il est toujours judicieux de miser autant sur l’importation? Avec le recul, quand on examine cette stratégie à la lumière des événements des dernières années, soit les problèmes d’approvisionnement, la hausse marquée des coûts d’expédition et le regard critique, d’un point de vue environnemental, posé sur les importations provenant d’aussi loin que la Chine, de quoi les entreprises doivent-elles tenir compte dans leur décision de continuer ou non à s’approvisionner là-bas?

Charlie Reid :

Il n’y a jamais eu de règle universelle pour déterminer s’il faut ou non relocaliser ses activités. Je crois que les entreprises de toutes tailles ont souvent tenu pour acquis que c’était une bonne idée de s’approvisionner en Chine, en Inde ou dans un autre pays où les coûts de main-d’œuvre sont bas. Mais ce n’est pas toujours vrai. Dans certains cas, c’était une mauvaise idée de délocaliser la production il y a 15 ans et ça l’est toujours aujourd’hui. La taille de l’entreprise est un facteur déterminant. Disons que vous exploitez une entreprise de fabrication dans le marché intermédiaire. Vous faites 30 ou 40 millions de dollars de ventes et produisez un article en 10 000 ou 20 000 exemplaires. Ce n’est pas un volume assez élevé pour justifier de délocaliser la production en Chine pour y profiter des faibles coûts de main-d’œuvre.

Par contre, si vous produisez un article en centaines de milliers d’exemplaires, il est généralement logique de la faire. Lorsque la production s’élève à 5 000, 10 000 ou 15 000 exemplaires, il y a beaucoup d’inconvénients au fait d’immobiliser son fonds de roulement et la valeur de sa marque dans une source non contrôlée à l’autre bout du monde. Maintenant que les questions d’environnement, de société et de gouvernance font l’objet d’une attention accrue, on comprend qu’il y a d’autres raisons de s’approvisionner plus près. Ces raisons étaient déjà bonnes il y a 15 ans, même si on en était plus ou moins conscients. Aujourd’hui, on commence enfin à tenir compte de ces autres facteurs trop longtemps ignorés.

Anne-Marie Henson :

Absolument. Merci. C’est une bonne chose que nous commencions à en parler et que nous réfléchissions à de meilleures solutions. Dans un contexte de délocalisation à l’étranger, lorsque le volume de vos commandes est petit, vous êtes loin dans la liste de priorité de vos fournisseurs et n’avez pas un grand pouvoir de négociation auprès d’eux. Pour une entreprise qui fonctionne ainsi depuis 10 ou 15 ans, cependant, quelles que soient sa taille et la quantité d’articles qu’elle commande à l’étranger, c’est une décision qui peut prendre du temps, car un changement complet de stratégie ne se fait pas en claquant des doigts. Nous parlerons donc aujourd’hui des avantages et des inconvénients de la relocalisation. Compte tenu de votre expérience dans ce domaine et de toutes les entreprises que vous avez conseillées, quels sont selon vous les inconvénients de cette stratégie? Quels sont les plus grands risques et les pièges à éviter pendant et après le processus de relocalisation?

Charlie Reid :

Vous vous retrouvez essentiellement à devoir gérer la chaîne de production en cours en même temps que vous mettez progressivement fin à la relation d’affaires avec votre fournisseur à l’étranger. Il peut arriver qu’au moment où vous décidez en toute bonne foi de cesser de faire affaire avec un fournisseur, ce dernier se rappelle soudainement qu’il a une foule de réclamations contre vous, ou encore que vous avez des frais additionnels fictifs à payer. Le problème, c’est qu’il détient votre marchandise. Il y a donc un risque que des stocks que vous pensiez libres de droits, que vous avez payés et pour lesquels vous avez même une lettre de crédit soient pris en otage par le fournisseur. C’est une situation que j’ai vue à de nombreuses reprises. C’est un peu ridicule. Le problème, c’est que vous n’avez habituellement aucun recours contre un fournisseur qui se trouve à l’autre bout du monde. Le système juridique chinois n’est pas très favorable aux entreprises étrangères.

J’ai déjà entendu un avocat spécialisé en affaires chinoises confier à un groupe de fabricants de pièces automobiles que les lois étaient considérées en Chine comme des secrets d’État. Ça explique pourquoi il n’y a pas beaucoup d’avocats là-bas. Pour vous prémunir contre les risques associés au processus de relocalisation, assurez-vous de ne pas avoir désespérément besoin de la marchandise en cours de production ou d’expédition et mettez votre plan à exécution avec beaucoup de prudence, de manière réfléchie. Je tiens toutefois à souligner qu’il y a en Chine beaucoup de fournisseurs tout à fait honnêtes et intègres. Les pommes pourries ne sont pas nombreuses, mais certaines d’entre elles sont représentées par des Canadiens complices de leurs manœuvres douteuses. Le mot « chantage » peut sembler un peu fort, mais c’est pourtant de cela qu’il s’agit.

Une société d’importation d’Ottawa que je ne nommerai pas a par exemple agressivement cherché à intimider un de mes clients qui souhaitait relocaliser ses activités. Il y a aussi toutes sortes de frais supplémentaires qu’on a facturés à mes clients pour emballer des outils qui leur appartenaient. Il faut donc être conscient qu’on pourrait avoir à payer ce genre de frais. 

Anne-Marie Henson :

C’est bon à savoir.

Charlie Reid :

Ça ne se passe pas toujours comme ça, mais ça ce produit à l’occasion. Pour ce qui est des autres inconvénients, comme dans n’importe quelle relation d’affaires, il faut éviter de brûler des ponts. Si vous manquez de respect envers un fournisseur, il se peut qu’il ne soit pas très coopératif. Il finira par honorer ses engagements, mais sans se presser. En somme, la gestion de la production en cours risque d’être difficile et vous pourriez recevoir des menaces.

Anne-Marie Henson :

Je vois. Ce qu’il faut donc retenir, c’est que cette décision ne doit pas être prise à la légère ou à la hâte. Il faut prendre le temps de bien planifier les choses, établir ses besoins et déterminer où, dans la chaîne, se trouve la marchandise afin d’atténuer les risques de perte ou de retard. Voilà des choses qui sont bonnes à savoir. Passons maintenant aux avantages, car bien qu’il y ait des risques et qu’il faille tenir compte des conséquences négatives potentielles, la relocalisation peut avoir beaucoup de bons côtés. Alors, selon votre expérience, quels sont les principaux avantages de ce genre de stratégie?

Charlie Reid :

Tout d’abord, ne vous attendez pas à réduire votre coût d’achat par unité en faisant affaire avec un fournisseur situé au pays. Ce n’est donc pas un avantage, mais quoiqu’il en soit, c’est le coût d’utilisation qui compte, et non le coût d’achat. L’un des grands désavantages d’avoir recours à un fournisseur très éloigné est la longueur de la chaîne d’approvisionnement. Vous devez donc commander des mois de stock à la fois, parfois même toute une année. En fonction des délais d’exécution, qui se sont allongés avec la pandémie, les entreprises peuvent être contraintes d’attendre très longtemps et devoir sortir leur boule de cristal pour tenter de prévoir la demande. Le fait d’avoir d’importants surplus de stocks entraîne aussi des coûts.

C’est mauvais pour le fonds de roulement, mais il y a un risque plus grand encore : celui que les stocks obtenus soient défectueux ou ne conviennent pas à l’usage prévu pour une raison ou pour une autre. Si vous faites affaire avec le même fournisseur depuis longtemps, cette défectuosité est sans doute fortuite. Toutefois, lorsque vous commandez des articles en très grandes quantités, il risque de s’écouler beaucoup de temps avant que la défectuosité ne soit détectée. Vous pourriez avoir écoulé la moitié de vos six mois de stocks et vous rendre compte qu’il y a potentiellement un problème avec tout le reste. Que faites-vous alors? Vous n’êtes pas en position de force. Vous ne pouvez pas obliger le fournisseur à vous expédier immédiatement de stocks de remplacement par avion, ce qui serait la chose à faire. Il vous laissera organiser vous-même le transport par avion, ce que beaucoup de mes clients ont dû faire.

La relocalisation élimine ce genre de soucis. Vous n’avez pas besoin de commander l’équivalent de six mois de stocks, sauf si c’est la norme pour les articles que vous achetez. Le cas échéant, la réalité est la même pour vos concurrents. Vous n’avez pas à vous soucier des frais de transport par avion et autres suppléments d’expédition, sauf peut-être pour le transport par camion, qui coûte beaucoup moins cher. En règle générale, vous n’avez pas à vous inquiéter de ne pas pouvoir traiter directement avec votre fournisseur en cas de problème de qualité. Celui-ci est assujetti aux mêmes lois que vous. Vous avez donc plus de possibilités de recours. De toute façon, il y a peu de chance que vous deviez en arriver là avec ce type de fournisseurs.

Évidemment, cette affirmation pourrait revenir me hanter. Il est possible que 25 procès soient intentés en ce moment même entre des fournisseurs et des clients. Mais, en général, si vous faites bien les choses, vous allez vous concentrer sur l’établissement d’une solide relation avec votre nouveau fournisseur au pays. Ce dernier voudra faire en sorte que vous soyez satisfait de ses services. Vous ne serez pas obligé de commander l’équivalent de six mois de stocks à la fois. Vous pourrez peut-être commander assez de stocks pour un mois, voire deux semaines, selon la proximité du fournisseur. J’avais un client à Kingston dont nous avons relocalisé la production à Ottawa et à Toronto depuis la Chine. Toute la production délocalisée là-bas a ainsi été rapatriée dans un rayon de 250 km de Kingston. Dans certains cas, le coût net a diminué, ce qui a de quoi surprendre.

La qualité des produits fabriqués était par ailleurs tout à fait adéquate. Et lorsque des problèmes survenaient, ils étaient réglés très rapidement. La relation était excellente entre mon client et ses fournisseurs au pays. Certains produisant de l’électronique, d’autres des pièces en plastique et d’autres encore des pièces en acier. En fin de compte, tous étaient très motivés par la perspective de fidéliser un bon client établi au Canada. Il est aussi avantageux pour un fournisseur de servir un client local que pour un client de s’approvisionner auprès d’un fournisseur à proximité.

Anne-Marie Henson :

C’est un très bon point. Je pense que vous avez partiellement répondu à ma prochaine question, mais je vais quand même vous la poser, car j’ai entendu les commentaires de clients qui disent craindre d’avoir les mains liées et de ne plus pouvoir offrir de prix concurrentiels s’ils relocalisent leur production. Vous parlez beaucoup des coûts cachés. Dans ce contexte, est-ce vrai qu’on ne peut pas demeurer compétitif en faisant affaire avec des fournisseurs locaux? Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui se heurtent à cette barrière et hésitent à aller de l’avant?

Charlie Reid :

Évidemment, c’est parfois une question de contexte. Par exemple, si vous modifiez un produit fréquemment, il est très avantageux de faire affaire avec un fournisseur local, car cela réduit l’obsolescence. Éviter l’obsolescence est donc un autre avantage de s’approvisionner localement. Et si vous ne modifiez pas souvent votre produit, vous pourriez envisager de le faire. Si vous y apportez régulièrement des changements, vos concurrents doivent s’ajuster en fonction de ce que vous faites. Et lorsque vous devenez très bon pour modifier votre produit tout en réduisant au minimum vos pertes de stocks, vous forcez en quelque sorte la main de vos concurrents. Mais encore une fois, ça dépend du contexte. Disons que votre produit se prête bien aux changements d’ingénierie, ou encore qu’il s’agit d’un produit électronique auquel vous souhaitez ajouter des fonctionnalités, vous avez tout avantage à procéder très rapidement, ce qui devient impossible lorsque vos fournisseurs sont en Chine. Vous n’y arriverez pas.

Mon client de Kingston fabriquait justement un appareil électronique. Nous avons choisi de faire la conception et la fabrication à Ottawa, et l’assemblage, à Kingston. C’était avantageux sur tous les plans. Nous avons apporté plusieurs changements à la conception du produit au fil des années, ce qui a fait de ce client un chef de file dans son domaine. La relocalisation a-t-elle été déterminante dans cette évolution? Je crois que oui.

Anne-Marie Henson :

Vous soulevez un point très intéressant auquel je n’avais pas pensé. De nos jours, l’évolution rapide des technologies touche tous les aspects de tous les secteurs d’activité. Il y a 10 ou 15 ans, vous n’aviez peut-être pas besoin d’apporter autant de changements à vos produits. Dans le contexte concurrentiel actuel, compte tenu de la rapidité des changements technologiques que vous devez intégrer à vos produits, il peut toutefois s’agir d’une bonne stratégie, même si ce n’était pas le cas il y a 10 ans. Ce que j’en retiens, c’est l’importance d’envisager les avantages au-delà du coût du produit en soi. Puisqu’il est ici question de la comptabilité de l’avenir, j’aimerais prendre un peu de recul pour réfléchir aux aspects des états financiers sur lesquels cette stratégie de relocalisation est susceptible d’avoir une incidence.

Dans les états financiers d’une entreprise, le coût des ventes représente un élément important, juste après le chiffre d’affaires, et la marge brute en dépend. Mais au-delà de ça, même s’il était plus cher de s’approvisionner au Canada en raison du coût des produits ou de la main-d’œuvre, nous devons prendre en considération d’autres facteurs, comme le taux de change, n’est-ce pas? 

Charlie Reid :

Tout à fait.

Anne-Marie Henson :

Les fabricants canadiens doivent généralement payer en dollars américains les produits qu’ils achètent en Asie. Si votre clientèle est surtout canadienne, vous ne profitez pas de la couverture naturelle que vous procurerait la vente en dollars américains. Vous assumez donc un risque en utilisant cette devise pour payer vos fournisseurs.

Lorsque les entreprises envisagent cette stratégie, elles doivent donc tenir compte non seulement de son incidence sur leur marge et le coût de leurs ventes, mais aussi de ses autres répercussions sur leurs états financiers. Vous évoquiez plus tôt les coûts d’expédition. Ceux-ci sont beaucoup plus élevés et vous ne pouvez généralement pas obtenir la garantie d’un prix fixe. Vous êtes soumis aux fluctuations du marché. Ces dernières années, ces coûts ont doublé, voire triplé dans le cas de certaines entreprises qui importent leurs produits.

Enfin, il y a les charges d’intérêts. Vous avez mentionné la question du fonds de roulement. C’est aussi un point important à prendre en considération, puisque les charges d’intérêts ne tiennent pas nécessairement compte des coûts de vente. Disons que vous devez payer vos fournisseurs six mois à l’avance pour des produits que vous ne vendrez pas avant six autres mois, et que vous serez vous-même payé 60 jours après les avoir vendus. Vous hypothéquez ainsi le flux de trésorerie nécessaire au remboursement de vos dettes. Donc, en supposant que vous payez vos fournisseurs au moyen de votre marge de crédit ou d’un autre type de financement externe, vous payez des intérêts qui s’accumulent au fil du temps. Y a-t-il d’autres points que nous n’avons pas abordés et qui, selon vous, devraient être pris en compte par les entreprises?

Charlie Reid :

Il est possible que la clientèle d’une entreprise voit un avantage dans le fait que cette dernière s’approvisionne au Canada. C’était le cas pour mon client qui a rapatrié sa production à Toronto et à Ottawa. Ça lui a servi d’argument de vente. « Tous nos fournisseurs sont situés dans un rayon de 160 km de Kingston. » Leur clientèle étant surtout locale, elle a vu cela d’un très bon œil. Il ne faut pas négliger la valeur de l’image de marque. J’insiste par ailleurs sur les coûts invisibles que peuvent représenter les charges d’intérêts. Gardons cela à l’esprit. Il faut en tenir compte.

Le non-respect de la propriété intellectuelle est une autre menace bien réelle pour les entreprises canadiennes qui délocalisent leur production. Vous ne devriez jamais délocaliser la fabrication des produits qui vous sont uniques, peu importe le volume de production, car ils seront copiés. Si votre fournisseur ne vole pas votre propriété intellectuelle, le fournisseur voisin, lui, le fera assurément sans la moindre gêne. J’ai vu des publicités pour des produits de mes clients, marque comprise, qui ne pouvaient pas être authentiques, car la couleur n’était pas la bonne. Le risque de contrefaçon est omniprésent. Même quelque chose d’aussi important que les spécifications de matériel peut alors être compromis, ce qui entraîne des risques pour la sécurité. Et c’est sans compter les aspects environnementaux. En Chine, vous n’avez aucune assurance quant au respect des normes environnementales, tandis qu’avec un fournisseur canadien, tout cela est clair. C’est un gros avantage sur le plan des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

J’aimerais aussi aborder brièvement la question des mesures antidumping, qui constitue un enjeu politique. Malheureusement, le fardeau de la preuve revient aux entreprises de fabrication en cas de dumping par un concurrent chinois. À mon avis, l’État n’assume pas ses responsabilités à ce chapitre. Ce devrait être à lui d’empêcher les entreprises étrangères d’écouler ici leurs marchandises en deçà du coût de production. J’ai l’impression qu’on ignore cet enjeu. À ma connaissance, aucun cas de dumping n’a été dénoncé dans les dix dernières années, ce que je trouve désolant. Qu’est-ce qu’il est avantageux de se procurer en Chine? L’outillage. Il est généralement très bien conçu. Même les entreprises de moulage par injection plastique avec qui je fais affaire à Ottawa achètent leurs outils en Chine. Il y a quelques exceptions, mais de manière générale, vous pouvez acheter votre outillage là-bas en toute confiance. C’est le genre de chose qu’il faut commander longtemps d’avance de toute façon. Quoi d’autre? Je ne sais pas. Rien ne me vient à l’esprit en ce moment.

Anne-Marie Henson :

C’est très bien. Vous avez fourni beaucoup de renseignements utiles aux entreprises qui cherchent à peser le pour et le contre dans ce domaine et avez mentionné des choses très importantes à prendre en considération. Ce que vous avez dit à propos de la propriété intellectuelle était particulièrement intéressant. Les entrepreneurs travaillent très fort pour bâtir leur entreprise et mettre au point des produits distinctifs pour se démarquer sur le marché. Il serait malheureux qu’ils se fassent voler leurs idées. C’est une chose dont il faut tenir compte lorsqu’on évalue des stratégies d’importation. 

Je vous remercie sincèrement de votre temps et vos propos éclairants. J’espère que nos auditeurs ont trouvé notre discussion intéressante. Je les remercie d’ailleurs d’être fidèlement à l’écoute. Je m’appelle Anne-Marie Henson, et c’était La comptabilité de l’avenir de BDO. N’hésitez pas à nous faire savoir si vous avez trouvé le sujet intéressant et utile, et n’oubliez pas de vous abonner si vous l’avez aimé. En attendant, je vous dis à la prochaine fois!

Narrateur :

Merci d’avoir été des nôtres pour cet épisode de La comptabilité de l’avenir. Vous pouvez écouter les épisodes précédents et lire d’autres articles sur le sujet au www.bdo.ca/accountingforthefuture. Vous pouvez également vous abonner sur Apple Podcasts, Spotify ou Google Balados. Pour obtenir de plus amples renseignements sur BDO Canada, visitez le www.bdo.ca.

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