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Questions à envisager avant et après l'acquisition d'une entreprise

Jamie Windle :

Lorsqu'une opération de fusion-acquisition se produit, elle passe généralement inaperçue. La consolidation, que nous associons aux occasions, est à l'honneur actuellement. Un investisseur choisit un certain secteur d'activité et décide d'y faire son entrée. C'est une situation que nous voyons d'ailleurs fréquemment dans le secteur élargi des fournisseurs de soins de santé.

Narrateur :

Bienvenue à La comptabilité de l'avenir, un balado de BDO Canada à l'intention des dirigeants financiers qui doivent composer avec le changement et faire croître les affaires. Nous y dévoilerons les défis que les dirigeants financiers pourraient ne pas avoir relevés, mais qu'ils devront absolument gérer à l'avenir.

Armand Capisciolto :

Bonjour et bienvenue à La comptabilité de l'avenir. Je m'appelle Armand Capisciolto et je suis associé au sein du Service national des normes comptables et chef des Services-conseils en comptabilité de BDO Canada.

Dans l'épisode d'aujourd'hui, je reçois deux associés de BDO. Jamie Wendell, associé au sein du groupe des Services-conseils transactionnels, est spécialisé dans le domaine du contrôle diligent sur le plan des finances. Ziad Akkaoui, est associé au sein des Services-conseils en risque. Aujourd'hui, nous allons discuter des éléments dont les entreprises devraient tenir compte avant et après l'acquisition d'une entreprise. Jaimie et Ziad, bienvenue à La comptabilité de l'avenir.

Jamie Windle :

Merci, Armand. Je suis heureux d'être ici. Je me réjouis d'aborder le sujet de l'acquisition avec vous.

Ziad Akkaoui :

Moi aussi.

Armand Capisciolto :

Jaimie, selon The Globe and Mail, dont j'ai lu récemment un article, les sociétés canadiennes ont pris part à des activités de fusion-acquisition dont la valeur a atteint l'an dernier un sommet sans précédent, soit 350 milliards de dollars américains. C'est un chiffre important. L'avez-vous constaté dans vos travaux l'an dernier?

Jamie Windle :

Oui, Armand, absolument. Le marché a été très actif. En fait, je dirais que nous avons assisté à une véritable explosion mondiale des activités de fusion-acquisition. Je pense que cette situation découle de deux principaux éléments dont il faut tenir compte.

Le premier est la demande. Si on pense aux capitaux privés disponibles et qu'on s'arrête au marché des fusions-acquisitions en Amérique du Nord, ce chiffre de 350 milliards semble important. Le dernier chiffre dont j'ai eu connaissance, c'était 2,9 billions; 2,9 billions de dollars américains en capital-réserve disponible.

Mais qu'est-ce que le capital-réserve? C'est l'argent que les investisseurs cherchent à placer dans l'espace commercial nord-américain. Il y a donc une très, très forte demande d'entreprises d'accueil, soit en vue d'une privatisation, soit en vue de l'achat d'entreprises déjà privées pour en faire autre chose. Voici ce qu'il en est de la demande.

Le second élément, l'offre, renvoie davantage aux entreprises qui sont sur le marché pour être vendues. La pandémie a été un élément déclencheur pour bien des baby-boomers propriétaires d'entreprise du marché intermédiaire. En effet, j'ai entendu dire, et aussi constaté, que ces baby-boomers entrepreneurs qui font partie du marché aujourd'hui ne veulent pas vivre une autre épreuve aussi dure que celle que nous avons traversée ces deux dernières années.

Ils ont décidé que le moment était venu... Qu'ils en avaient vu assez. Ils n'ont plus la force d'affronter une autre crise qui nous obligerait à trouver des moyens de nous en sortir. Je crois que cette situation a renforcé ce qu'on observait déjà sur le marché avec les propriétaires de la génération du baby-boom qui commençaient à songer à quitter leur entreprise. La pandémie a donc accéléré légèrement ce qui se serait produit autrement, si l'on en croit les données démographiques du marché. Il s'agit donc d'une combinaison de la demande et de l'offre sur le marché.

Armand Capisciolto :

Cette volonté d'éviter de revivre les épreuves de la pandémie est intéressante. Bien entendu, personne ne souhaite vivre une autre pandémie. Nous voulons mettre cet épisode derrière nous. Mais quand on se penche plus en détail sur la situation, il ne faut pas oublier qu'en plus de la COVID, nous traversons une période d'incertitude actuellement.

Nous subissons les effets persistants de la pandémie de COVID et son incidence sur la chaîne d'approvisionnement. Nous héritons des problèmes d'ordre géopolitique avec la Russie et l'Ukraine, qui touchent durement les chaînes d'approvisionnement et les marchés. Et nous sommes en pleine période d'inflation. Avec des taux d'intérêt à la hausse. Il va sans dire que l'ensemble de tous ces éléments a engendré beaucoup d'incertitude.

Quelqu'un voudrait-il acheter une entreprise dans un marché aussi incertain? Voilà une question qui mérite réflexion; on se dit que cela pourrait effectivement pousser un plus grand nombre de propriétaires à quitter leur entreprise parce qu'ils ne veulent pas faire face à toute cette incertitude. Mais est-ce cela engendre de bonnes occasions d'acquisition pour les entreprises acheteuses, vu les évaluations?

Jamie Windle :

Je crois que c'est une combinaison des deux. Si nous songeons à l'économie mondiale et au monde dans lequel nous vivons en ce moment, il est vrai que nous connaissons beaucoup de bouleversements. Il suffit de penser à tous ces entrepreneurs et propriétaires d'entreprise qui songent à vendre. Ils ont probablement commencé leur carrière dans les années 1980. Si on étudie les 40 dernières années, on voit des incidents de parcours que ces entrepreneurs ont connus et surmontés au cours des périodes 1980, 1990 et 2000.

Par exemple, j'ai un client de 75 ans qui m'a confié avoir promis à son épouse qu'il allait lui consacrer 10 bonnes années de retraite... Il m'a dit : « Ça suffit. Je dois le faire maintenant. Je dois me retirer. Même si j'aimerais rester et travailler plus longtemps, il est temps de lui donner ce qu'elle désire et de demeurer auprès d'elle plus longtemps. » Avec toutes ces crises que nous traversons, il n'était plus certain de pouvoir y arriver et de respecter sa promesse.

Je pense donc que la situation actuelle génère de nombreuses occasions. En ce qui concerne les prix, qui sont très élevés, je suis d'avis qu'il faut faire preuve de prudence. Ils sont très élevés depuis les deux dernières années et demie, particulièrement si vous êtes dans le secteur de l'informatique.

Armand Capisciolto :

Tout à fait, et s'ils baissent, c'est qu'au départ les évaluations étaient vraiment très élevées. Dans les faits, si on y regarde de plus près, les prix demeurent relativement élevés lorsqu'on parle d'une entreprise qui existe depuis 30 ou 40 ans, n'est-ce pas?

Jamie Windle :

C'est en effet encore élevé. Tout à fait. Tout à fait.

Armand Capisciolto :

Qu'avez-vous constaté à ce moment-ci de l'année? La tendance se maintient-elle? Même avec toute l'incertitude, y a-t-il encore beaucoup d'activités sur le plan des fusions-acquisitions?

Jamie Windle :

Le marché des fusions-acquisitions est encore très actif. Ce qui est vraiment intéressant pour les auditeurs, c'est qu'en ce qui concerne les fusions-acquisitions, nous observons des opérations qui se concluent dans des secteurs inattendus. La consolidation, que nous associons aux occasions, est à l'honneur actuellement. Un investisseur choisit un certain secteur d'activité et décide d'y faire son entrée.

C'est une situation que nous voyons d'ailleurs fréquemment dans le secteur élargi des fournisseurs de soins de santé. Par conséquent, nous constatons qu'il y a des occasions, enfin des quasi-occasions, car on sait qu'elles sont en fait provoquées parce que certains investisseurs les perçoivent ainsi, qu'il s'agisse d'un cabinet dentaire, d'un service d'ergothérapie ou d'une clinique vétérinaire. Je suis bien conscient que la clinique vétérinaire ne correspond pas nécessairement à la définition traditionnelle de soins de santé. Et il y a également tout le créneau des médecins spécialistes. Bref! Nous constatons qu'il y a beaucoup de roulement dans le secteur élargi des soins de santé.

De façon plus générale, nous constatons également un haut niveau d'activités parmi les courtiers d'assurance, les entreprises de chauffage et de climatisation, les stations de lavage automobile et les courtiers d'immeubles de grande valeur. Nous observons des roulements un peu partout en ce moment. Le citoyen lambda ne le voit pas dans son quotidien, car ces entreprises ne changent pas nécessairement leur raison sociale ou le nom de leur marque de commerce. Par contre, les services administratifs, eux, connaissent un vent de changement évident qui n'est pas près de s'essouffler.

Armand Capisciolto :

Fait intéressant, nous travaillons actuellement avec un client du secteur vétérinaire en pleine consolidation. Il faut se poser la question : comment toutes ces cliniques vétérinaires vont-elles se regrouper?

J'ai moi-même justement vécu une situation qui s'inscrit dans cette réalité aujourd'hui en allant chez mon optométriste pour récupérer mes lunettes. Les auditeurs ne voient pas les lunettes que je porte. Et en entrant dans la clinique, on ne voit pas non plus que l'entité n'est plus la même. Le nom sur l'immeuble est le même, mais le nom sur le reçu de carte de crédit, lui, est différent. Les produits que la clinique offre sont différents. Je reconnais le nom. Je sais aussi que la clinique a été acquise récemment et qu'elle a fait l'objet d'un de ces regroupements.

Nous constatons des situations comme celle-là dans notre vie de tous les jours. Nous l'observons aussi chez les clients. L'un des secteurs que vous avez mentionnés dans votre énumération m'a laissé songeur... Les stations de lave-auto. J'avoue que je suis surpris, Jaimie. Je ne m'attendais pas à ce que les stations de lave-auto fassent aussi l'objet de regroupements.

Jamie Windle :

Oui, vraiment tous les types d'entreprises peuvent être touchés par ce phénomène. D'ailleurs, petite anecdote... J'ai pris un café avec un investisseur ce matin. Il m'expliquait que, lorsqu'on achète 5, 10 ou 15 petites entreprises et qu'on les fusionne en un seul groupe, ces entreprises ont alors plus de poids dans le marché. Ensuite, l'entité regroupée peut être vendue à un joueur plus important qui fait la même chose, mais à un rythme beaucoup, beaucoup plus soutenu.

Armand Capisciolto :

Wow. La réalité des marchés est fascinante en ce moment. Comme vous le savez tous les deux, en raison de ma profession, les problèmes de comptabilité que je croise dans mon quotidien me remplissent d'enthousiasme. Je vais donc commencer par poser une question liée à la comptabilité qui ne renvoie pas directement à un problème de comptabilité en tant que tel.

Les clauses d'indexation sur les bénéfices futurs, ou contreparties conditionnelles, selon le terme que vous préférez, engendrent souvent la même question lorsque vient le temps d'une acquisition. Une situation dans laquelle, donc, une partie du prix d'achat est évidemment conditionnelle au rendement de la société après coup. J'ai participé à titre d'auditeur et de conseiller en comptabilité à des mandats de règlement de litiges dans des situations de ce genre.

Lorsqu'une entreprise effectue un contrôle diligent dans le cadre d'une acquisition, au moment de négocier l'entente, un temps considérable doit être consacré à cet aspect, et vous devez dire au client : « D'accord, si vous souhaitez structurer l'entente de cette façon, il vous faut tenir compte de certains éléments pour établir le montant de la contrepartie. » Mais qu'implique donc ce procédé?

Jamie Windle :

C'est une bonne question, qui revient d'ailleurs fréquemment. Pour adopter un point de vue plus général, disons d'abord qu'il existe deux référentiels comptables au Canada. Alors, quelles méthodes comptables devrait suivre un cabinet ou une entreprise? Il y a d'un côté les normes comptables pour les entreprises à capital fermé, soit les NCECF, qui s'appliquent aux plus petites entreprises du marché intermédiaire au Canada.

Puis, il y a les normes pour les entreprises exploitées à plus grande échelle, soit les normes internationales d'information financière, soit les IFRS, qui sont par définition de nature internationale. Les cabinets comptables, ou plutôt les clients et les cibles envisagées, appliquent donc l'un de ces référentiels. Ou encore, les entreprises appliquent une troisième méthode appelée comptabilité de caisse. L'argent est reçu, vous le comptabilisez dans les produits, et le client ne porte pas beaucoup d'attention aux normes comptables qui l'accompagnent.

Toutefois, il existe une autre variable selon le point d'origine de l'acheteur; il se peut qu'il faille appliquer les PCGR américains. En effet, nous travaillons avec de nombreux acheteurs qui suivent les PCGR américains. Les acheteurs et les vendeurs doivent absolument être conscients de cette possibilité et réfléchir à l'incidence qu'elle aura sur les chiffres.

Armand Capisciolto :

Voilà qui est très intéressant. Jamie, je sais que nous avons travaillé ensemble sur certains de ces aspects dans le cadre de procédures de contrôle diligent et d'examen de la qualité des bénéfices. Quand acheteur américain vous demande en quoi consistent les NCECF, ce sont bien entendu les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé du Canada. S'il demande en quoi le traitement des produits est différent par rapport aux PCGR américains, dans le cas des stations de lave-auto, par exemple, j'aurais tendance à croire que la plupart d'entre elles ne suivent pas les PCGR. Elles obtiennent probablement un avis au lecteur pour leurs états financiers et adoptent la méthode de la comptabilité de caisse. Puis, quelqu'un qui souhaite en faire l'acquisition se présente et dit : « Bien sûr que les bénéfices sont importants; j'ai besoin de connaître la qualité des bénéfices que je tirerai à l'avenir. » Il s'agit bel et bien d'un changement. Lorsque vous achetez une entreprise et que vous lisez ses documents financiers, il est important de connaître les PCGR qui sont appliqués.

Jamie Windle :

Exact. Et voilà pourquoi il est important d'exercer un contrôle diligent.

Armand Capisciolto :

Oui. Tout ça est fort intéressant; même si ce n'est pas le sujet de notre discussion d'aujourd'hui, nous pouvons mentionner que notre exemple concerne le côté du vendeur. Nous avons récemment publié un article qui traite de la façon de choisir le bon référentiel. Essentiellement, il est destiné à aider les entreprises à répondre à la question : quel est l'objectif final? Quel est l'objet de la démarche? Si votre but est de vendre, pensez-vous au référentiel que l'acheteur compte utiliser?

En fait, nous produirons un épisode de balado où nous aborderons cette question. Donc, pour ceux qui nous écoutent et qui souhaitent en savoir davantage sur le choix du bon référentiel, nous les invitons à rester à l'affût pour ne pas manquer cet épisode.

Merci encore, Jamie, de me divertir avec des questions liées à la comptabilité. Je sais. Je m'emballe facilement quand on traite de ces sujets. Cependant, avant de donner la parole à Ziad, j'aimerais vous poser une question qui fait appel à votre expertise. Quels sont les deux principaux éléments que les sociétés négligent avant d'acheter une entreprise?

Jamie Windle :

C'est une excellente question. En règle générale, tout le monde se demande : quels bénéfices vais-je en tirer? C'est le premier élément qui retient l'attention de tout le monde.

Les deux autres points qui me semblent importants, et qui sont parfois négligés ou oubliés, sont les suivants. Le premier concerne les employés qui viennent avec cet accord, c'est-à-dire l'équipe de direction ou les propriétaires actuels de l'entreprise qui demeureront au sein de l'entreprise après la conclusion de l'opération.

À l'ère où les médias sociaux occupent une place de plus en plus grande, il est très facile d'entrer en contact avec les gens. Aussi, nous disons à nos clients : « Vous déployez des efforts considérables pour exercer un contrôle diligent qui vous permettra de comprendre les bénéfices. Faites-en autant pour vous assurer d'investir dans les bonnes personnes et pour ne pas vous trouver dans l'embarras un jour en raison d'un élément de leur passé qui est dorénavant lié à votre nom et qui se sera propagé dans les médias sociaux. » C'est, à mon avis, la première chose à faire.

Armand Capisciolto :

Il s'agit d'un excellent conseil à prendre en compte, surtout de nos jours.

Jamie Windle :

Oui. L'autre point concerne la situation fiscale. Il faut veiller à ce que les investisseurs et les vendeurs connaissent bien la situation fiscale de l'entreprise. Au Canada, il y a ce qu'on appelle les entreprises à capital fermé sous contrôle canadien. En effet, il y a des mesures fiscales incitatives qui concernent la façon de vendre une telle entreprise.

Par conséquent, bon nombre d'acheteurs veulent seulement faire l'acquisition des actifs de l'entreprise. Ils ne veulent pas votre entité juridique. Ils ne veulent pas faire l'acquisition de l'entreprise elle-même, parce qu'ils ne souhaitent pas hériter de tous les problèmes qui y sont associés, qu'il s'agisse de poursuites judiciaires ou de situations fiscales complexes. Par contre, si le vendeur cède l'entreprise elle-même, c'est-à-dire les actions, il en tire d'énormes avantages fiscaux.

La plupart du temps, les vendeurs décident à la dernière minute qu'ils ne veulent pas vendre que les actifs de l'entreprise. Parmi les nombreux conseils qu'ils ont reçus, il y en a un qui couvre leurs comptes d'impôt : « Vous devez vendre la société, ses actions, en raison des principaux avantages fiscaux que vous en tirerez. Le fait de vendre l'entreprise plutôt que les actifs signifie plus d'argent dans vos poches. »

Armand Capisciolto :

En effet, c'est intéressant, car après tout, je vois beaucoup de conventions d'achat-vente. On a constaté beaucoup d'achats d'actions, et on voit souvent des clauses d'indemnisation dans ces ententes, surtout en ce qui a trait aux questions fiscales. Néanmoins, les bonnes ententes, à mon avis, sont celles qui abordent les enjeux connus et qui offrent une indemnisation. Le seul moyen d'avoir connaissance de ces enjeux est d'exercer un contrôle diligent sur le plan de la fiscalité, n'est-ce pas?

Jamie Windle :

Tout à fait. C'est exact.

Armand Capisciolto :

D'accord, très intéressant. Merci, Jamie. Bien! Ziad vous êtes associé au sein des Services-conseils en risque. Vous intervenez après la conclusion de l'opération lorsque les entreprises doivent intégrer des processus et des contrôles et qu'elles cherchent à tout assembler.

Avant de discuter de ce qui se passe après l'opération, j'aimerais vous demander ce qui, selon vous, devrait retenir l'attention des entreprises avant l'opération et qui vous donne des maux de tête après l'opération alors que vous aidez un client à procéder à l'intégration.

Ziad Akkaoui :

C'est une très bonne question, Armand. Je vous dirais que nous avons d'ailleurs buté sur cet aspect dernièrement. En fait, l'une des grandes questions, qui est souvent négligée et que nous relevons, concerne l'intégration de deux cultures opérationnelles et les discussions entourant les changements de direction.

Alors que les modèles d'affaires sont peut-être en phase, comment vous assurez-vous que les personnes, les processus, la technologie et tout le reste s'accorderont? Bien souvent, l'acheteur aura mis en place des processus sophistiqués. Il se sera doté de politiques et de procédures définies dans un environnement de contrôle ayant une certaine maturité. En face, il y a le propriétaire exploitant qui vient tout juste de vendre son entreprise, dont le modèle est probablement plus entrepreneurial et donc plus porté sur l'action que sur les processus.

Il pourrait donc y avoir des différences importantes sur le plan de l'exploitation auxquelles la société acquise devra s'adapter. Dans ce cas, je vous dirais qu'il est nécessaire de trouver un juste milieu dès le début de l'opération, notamment en ce qui a trait à la manière dont les deux entreprises s'intégreront sur le plan culturel ainsi qu'à d'autres éléments connexes.

Armand Capisciolto :

Oui, c'est vraiment très intéressant. Vous soulevez la question de la culture d'entreprise, et Jamie nous a justement parlé des gens; bien entendu, la culture est d'abord une question humaine. Il est donc très intéressant de constater que les deux notions convergent. Vous mentionnez aussi la relation entre une société établie et une autre de nature entrepreneuriale, car c'est l'une des combinaisons courantes dans le cadre de nos activités. Prenons l'exemple d'une société ayant une certaine maturité qui fait l'acquisition d'une entreprise moins mature, en particulier dans un cas qui implique le recours à la technologie.

Vous avez une société établie qui veut évoluer, mais plutôt que de développer elle-même des technologies, elle souhaite y avoir accès en faisant l'acquisition d'entreprises les possédant déjà. Alors, lorsque vous vous trouvez dans une telle situation, où la société établie a l'habitude de cette rigueur des contrôles internes et des processus, comment vous y prenez-vous pour les réunir? Comment faites-vous pour intégrer cette société commerciale entrepreneuriale, et donc lui imposer un ensemble de contrôles et de processus, tout en conservant son esprit d'entreprise essentiel à l'acquisition?

Ziad Akkaoui :

Alors, oui, voilà un bon exemple. Je crois qu'il est très important, dans le cadre de l'opération, que le propriétaire de l'entreprise faisant l'objet de l'acquisition ait des discussions franches avec ses équipes respectives. Il faut aborder certains problèmes liés à la gestion du changement, notamment en ce qui concerne les processus opérationnels, car il faudra procéder à des changements.

Quand on examine les différences entre la taille et l'envergure de l'acheteur et celles du propriétaire exploitant, on constate que, parfois, l'entreprise a résisté au changement dans les processus et les contrôles. Il faut déterminer le travail de base qu'il faudra accomplir sur le plan des attentes liées aux processus financiers. Dans certains cas, la technologie développée à l'interne par le propriétaire exploitant peut ne pas avoir la maturité de celle de la société qui fait l'acquisition. Il est donc nécessaire de déterminer le travail de base qui est à faire. À ce stade, il s'agit vraiment d'établir les priorités sur le plan du changement.

Lorsque nous nous penchons sur la question de la séparation des tâches dans une organisation de petite taille, il est important de comprendre qu'une telle répartition est souvent inexistante, puisqu'une ou deux personnes seulement assument la majorité des fonctions financières. Il faut donc repenser et reconfigurer les rôles et les responsabilités au préalable. Évidemment, vous avez une équipe en finance plus spécialisée que vous pourrez facilement intégrer et qui pourra régler certains des problèmes relevés. Il est également important de s'assurer que l'entreprise acquise soit au courant des nouvelles tâches liées aux contrôles qu'elle devra exécuter. Il faudra renforcer graduellement certaines de ses capacités en interne.

Armand Capisciolto :

Il est donc possible qu'une entreprise novatrice soit déjà dotée de contrôles et qu'elle cultive un milieu favorisant l'innovation.

Ziad Akkaoui :

Absolument. Et il y a toujours une période d'adaptation, une période de migration. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que tous les processus opérationnels aient atteint leur pleine maturité et qu'ils aient été adaptés à l'organisation la plus grande dès le départ. Il est donc important d'accorder la priorité à ce qui vous attend.

Je ne veux pas nécessairement relancer la discussion, mais il nous faut développer ce point vraiment intéressant. En effet, si l'acquéreur est une société ouverte, le propriétaire exploitant devra se conformer à de nouvelles exigences et fera face à de nouvelles difficultés en matière de conformité réglementaire. Bien entendu, la question est très nouvelle pour ce type d'entité.

En ce qui concerne l'intégration de l'entreprise, l'acquéreur devra respecter des exigences pour certifier les contrôles internes et les informations à fournir, et devra éventuellement intégrer la nouvelle entreprise à ce modèle. Certaines périodes de transition seront nécessaires, et c'est pourquoi il faut élaborer un plan de migration précis. Bien sûr, une entreprise novatrice peut continuer à exercer ses activités à sa façon, mais elle doit absolument accorder la priorité à ces changements.

Armand Capisciolto :

Il est intéressant de soulever la question d'un scénario impliquant une société ouverte, car dans le cadre d'une acquisition, même si nous voyons des entreprises faire un premier appel public à l'épargne, la migration du statut d'entreprise à capital fermé à celui de société ouverte est un grand pas à franchir. Et c'est sans compter la réglementation sur les valeurs mobilières. Pour moi, le plus grand défi, c'est de faire comprendre ceci au client : « Tu ne joues plus avec ton argent. Tu joues avec celui d'un autre. Lorsque tu utilises l'argent de quelqu'un d'autre, tu dois respecter des normes plus élevées. »

Il en va de même pour l'entreprise acquise par la société ouverte. Elle est maintenant dans un autre monde où tout est différent. C'est un fait. Il est alors parfois difficile pour les personnes concernées de s'y préparer.

Ziad Akkaoui :

C'est certain. En fin de compte, si vous êtes une société ouverte, vous disposez de mécanismes très efficaces à l'interne. Vous avez des politiques et des procédures assez bien établies qui peuvent facilement être intégrées et adaptées à l'entreprise acquise. Vous ne partez pas de rien. Vous avez le soutien de l'acquéreur dans vos efforts pour vous adapter à ses processus opérationnels. La migration devrait donc se faire plus facilement.

Armand Capisciolto :

D'accord. J'ai pour vous une question semblable à celle que j'ai posée à Jamie. Quand vous pensez au travail que vous faites pour les clients, quels sont les deux ou trois principaux aspects auxquels vous aimeriez qu'ils prêtent une plus grande attention après l'opération? Quelles devraient être leurs priorités?

Ziad Akkaoui :

Oui... Alors voici. J'aimerais souligner qu'au-delà de la culture et de la gestion du changement, il est aussi important d'examiner certains processus opérationnels. De nos jours, les concepts de gestion des risques liés aux tiers et de gouvernance des fournisseurs sont importants, puisque lorsque vous intégrez une entreprise et en faites l'acquisition, vous acquérez également un certain nombre de contrats.

Dans la plupart des cas, il est très important de comprendre les relations que vous établissez avec certains fournisseurs et fournisseurs de services. Compte tenu de l'émergence d'entreprises migrant vers le nuage et de leurs données dans différents environnements, vous devez vous assurer de comprendre comment vous protégez certaines informations, les renseignements personnels et la confidentialité des données.

Vous devez donc effectuer votre contrôle diligent à l'égard des risques liés aux tiers et de la gouvernance des fournisseurs dès le départ. Bien des organisations négligent cet aspect, et je crois que c'est une grave erreur. Ces contrats sont, pour la plupart, « verrouillés » pour une longue période. Dans certains cas, la propriété intellectuelle appartient à l'un des fournisseurs de services, ce qui peut complexifier l'intégration. Il est donc important de vérifier l'ensemble de vos technologies et des nombreux contrats conclus avec des fournisseurs.

Armand Capisciolto :

D'accord. Je conclurai en vous posant la même question. Le développement durable et les facteurs ESG représentent un sujet qui me passionne. Les entreprises concernées par le sujet sont des sociétés ouvertes qui devront possiblement devoir faire rapport à ce sujet dans le cadre de leurs déclarations auprès des organismes de réglementation. D'autres entreprises devront présenter des rapports traitant de ces facteurs à leurs clients ou à leurs investisseurs.

Jamie, commençons par vous. Est-ce que le développement durable ou les facteurs ESG engendrent maintenant certaines complications lorsque vous effectuez des travaux de contrôle diligent auprès des entreprises?

Jamie Windle :

Oui, Armand, c'est effectivement le cas. Je dirais qu'à ce chapitre, les Canadiens occupent l'avant-scène. Je pense que nos collègues européens ont pris encore plus d'avance et qu'ils effectuent activement des contrôles diligents sur le plan des facteurs ESG. Par exemple, les investisseurs européens passent en revue certaines questions avec les entreprises qu'ils envisagent d'acquérir. Nous voyons ce phénomène au Canada, mais il en est encore à ses balbutiements.

Armand Capisciolto :

Oui, ici, nous en sommes au premier stade. À mesure que la réglementation sur les valeurs mobilières entrera en jeu et que les entreprises commenceront à exercer de la pression, il est fort probable que nous constaterons davantage de changements. Néanmoins, nous n'en sommes encore probablement qu'au début. L'Europe a une longueur d'avance sur l'Amérique du Nord à l'égard de cette question.

Ziad, du point de vue du contrôle interne, est-ce que ces nouvelles informations que les sociétés devront présenter changent quoi que ce soit pour vous?

Ziad Akkaoui :

C'est effectivement le cas. Je vous dirais que parmi les plus grands défis que les entreprises doivent et continueront de devoir surmonter, elles devront veiller à ce que leurs systèmes disposent des points de données et des mécanismes pertinents pour saisir les informations sur le développement durable qui doivent être présentées.

Il est déjà difficile de s'assurer de disposer des mécanismes appropriés pour effectuer le suivi de bon nombre de vos informations financières, et voilà que de nombreuses autres données doivent être présentées à l'égard des facteurs ESG. Lorsqu'on parle des contrôles internes en insistant pour qu'ils couvrent aussi les processus visant à mesurer et à faire le suivi des nouvelles informations requises, on comprend qu'il s'agit d'un changement important.

Je crois sincèrement que les contrôles internes jouent un rôle primordial dans la présentation des informations sur le développement durable et qu'ils doivent d'ailleurs pouvoir être vérifiés et faire l'objet d'un audit. Le meilleur moyen d'y parvenir est la mise en place de contrôles internes.

Armand Capisciolto :

Exactement. Vous avez parlé des sociétés ouvertes, mais il est aussi important d'aborder la question des certifications des PDG et des directeurs financiers. Aux États-Unis, si je comprends bien la réglementation, cela sera couvert par leur rapport actuel produit dans le cadre de la loi Sarbanes Oxley. Quand on y pense, les contrôles internes à cet égard sont devenus essentiels pour les sociétés ouvertes.

Messieurs, merci beaucoup. Je crois que nous avons bien couvert le sujet aujourd'hui. Encore une fois, notre auditoire et moi vous remercions d'avoir pris le temps de nous faire bénéficier de votre expertise. Je tiens également à remercier nos auditeurs. Je suis Armand Capisciolto, et c'était La comptabilité de l'avenir, de BDO. N'hésitez pas à nous faire savoir si vous avez trouvé le sujet intéressant et utile, et n'oubliez pas de vous abonner si vous l'avez aimé. En attendant, je vous dis à la prochaine fois!

Narrateur :

Merci d'avoir été ses nôtres pour cet épisode de La comptabilité de l'avenir. Vous pouvez écouter les épisodes précédents et lire d'autres articles sur le sujet au www.bdo.ca/accountingforthefuture. Vous pouvez également utiliser les balados Apple ou Spotify, ou encore les balados Google pour vous y abonner. Pour obtenir de plus amples renseignements sur BDO Canada, visitez le www.BDO.ca.

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