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Quand une société est-elle réellement une société? Classement des entités étrangères aux fins de l’impôt

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Une société de personnes peut-elle être une société? Une société existe-t-elle sans actions? Une entité peut-elle être une société de personnes pour un investisseur et une société pour un autre investisseur? Il s'agit du type de questions que les contribuables doivent étudier lorsqu'ils investissent à l'extérieur du pays, car le classement aux fins de l'impôt sur le revenu du Canada d'une entité étrangère peut changer substantiellement le taux d'imposition transfrontalier et le rendement du capital investi.

Le classement d'une entité étrangère est difficile en soi, mais les changements constants au Canada et à l'étranger rendent l'analyse encore plus ardue. La récente élection américaine constitue un excellent exemple de ce phénomène; les prédictions aux États-Unis indiquaient que les taux d'imposition des sociétés pourraient passer de 35 % à 15 % et les taux d'imposition des particuliers, de 39 % à 33 %. Des réductions des taux d'imposition de cette ampleur, combinées aux nouvelles positions de l'Agence du revenu du Canada (ARC) sur le classement des entités américaines, pourraient changer substantiellement le taux d'imposition en vigueur d'un investissement aux États-Unis.

Le classement de l'entité étrangère peut être si complexe principalement parce que la législation étrangère qui régit les sociétés, les sociétés de personnes, les coentreprises étrangères ainsi que les entités étrangères dont la forme de constitution est inhabituelle est souvent très différente de la législation canadienne comparable. Une entité étrangère peut être considérée comme étant une « société de personnes » dans son pays d'origine, sans nécessairement être considérée comme une « société de personnes » aux fins de l'impôt au Canada. Pour ajouter à la confusion, une entité peut être traitée différemment par les autorités fiscales dans les deux pays, ce qui lui donne un statut d'entité hybride. Au fil des ans, les tribunaux canadiens et l'ARC ont fourni un certain nombre de lignes directrices pour aider à classer les entités. L'ARC revoit périodiquement ces lignes directrices et a annoncé, au cours des derniers mois, des changements qui auront une incidence sur de nombreuses structures d'investissement populaires. Cet article traite de certaines de ces décisions et fournit des directives sur la façon dont elles pourraient toucher les investissements étrangers.

L'une des décisions de l'ARC les plus controversées en 2016 a été l'annonce qu'elle avait changé sa position sur le statut des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée et des sociétés en commandite à responsabilité limitée des États-Unis.

Avant 2015, l'ARC considérait généralement les sociétés en nom collectif à responsabilité limitée et les sociétés en commandite à responsabilité limitée des États-Unis comme des sociétés de personnes. En 2015, l'ARC a indiqué qu'elle procédait à la révision de son classement de ces entités et elle a annoncé en mai 2016 à la conférence de l'Association fiscale internationale (AFI) qu'elle considérait dorénavant ces entités comme des sociétés aux fins de l'impôt sur le revenu au Canada. L'ARC a indiqué que son analyse se fondait principalement sur les attributs suivants :

  • la portée de la protection contre la responsabilité offerte par l'entité;
  • l'existence d'éléments de la personnalité juridique;
  • le fait que la loi de l'État permet à l'entité de se convertir en société sans changer la propriété des biens.

Cette décision entraîne un certain nombre d'incidences fiscales pour les investisseurs canadiens, notamment la possibilité de double imposition et de problèmes liés à l'utilisation de crédits pour impôt étranger, d'écarts temporaires dans la déclaration des revenus, d'erreurs de calcul des surplus, de préoccupations à l'égard de l'admissibilité des traités et de pertes potentielles de capital versé. Ces questions sont aggravées par les résultats de l'élection américaine et les changements potentiels aux taux d'imposition des particuliers et des sociétés aux États-Unis, qui pourraient être réduits significativement et devenir inférieurs aux taux canadiens comparables pour la première fois depuis de nombreuses années.

Pour répondre à certaines de ces préoccupations, l'ARC a indiqué qu'elle fournirait un allègement administratif partiel aux sociétés en nom collectif à responsabilité limitée et aux sociétés en commandite à responsabilité limitée constituées avant juillet 2016. L'ARC a laissé savoir qu'elle continuerait à considérer ces sociétés en nom collectif à responsabilité limitée et sociétés en commandite à responsabilité limitée comme des sociétés de personnes sous réserve de certaines conditions, notamment la conversion en un type d'entité que l'ARC considère comme une société de personnes au plus tard en 2018.

La position administrative de l'ARC n'est pas juridiquement contraignante et les tribunaux canadiens pourraient ne pas être d'accord avec l'ARC. Toutefois, les investisseurs canadiens qui détiennent des placements directs ou indirects dans une société en nom collectif à responsabilité limitée ou une société en commandite à responsabilité limitée des États-Unis devraient discuter avec un conseiller en fiscalité qualifié des conséquences fiscales de la nouvelle politique de l'ARC, ainsi que de l'incidence des changements potentiels aux taux d'imposition américains. En particulier, les investisseurs canadiens doivent déterminer s'ils peuvent convertir la société en nom collectif à responsabilité limitée ou la société en commandite à responsabilité limitée en une entité que l'ARC considère comme une société de personnes.

Société de personnes et société

Les sociétés à responsabilité limitée des États-Unis constituent un autre véhicule de placement américain courant qui peut causer des maux de tête aux investisseurs canadiens. Les sociétés à responsabilité limitée peuvent généralement être imposées comme des sociétés ou des sociétés de personnes/entités transparentes aux fins de l'impôt aux États-Unis. Le traitement fiscal américain des sociétés à responsabilité limitée, combiné à la position de l'ARC sur les sociétés à responsabilité limitée (comme expliqué ci-dessous), peut parfois entraîner des taux d'imposition effectifs transfrontaliers de 60 % à 70 % si la mauvaise structure est mise en place.

Depuis longtemps, l'ARC considère la plupart des sociétés à responsabilité limitée des États-Unis comme des sociétés plutôt que des sociétés de personnes, peu importe le traitement fiscal aux États-Unis de la société à responsabilité limitée. Cependant, il y a eu des spéculations sur le fait que l'ARC pourrait changer sa position à la suite d'une décision récente d'un tribunal du Royaume-Uni. Le 1er juillet 2015, la Supreme Court of England and Wales a annoncé son jugement tant attendu dans l'affaire Anson c. HMRC. Le contribuable, M. Anson, était résident du Royaume-Uni aux fins de l'impôt (sans y être domicilié) et était assujetti à l'impôt sur le revenu dans ce pays sur le revenu étranger remis au Royaume-Uni. M. Anson avait investi dans une société à responsabilité limitée du Delaware qui était classée comme une société de personnes aux fins de l'impôt américain et, par conséquent, il était redevable de l'impôt américain sur sa part des profits de la société à responsabilité limitée.

La Cour suprême a donné raison à M. Anson, concluant qu'il avait droit à la part des profits qui lui était attribuée par la société à responsabilité limitée, plutôt que de recevoir un transfert des profits « déjà acquis dans la société à responsabilité limitée ». En effet, le tribunal a implicitement conclu que la société à responsabilité limitée s'apparentait davantage à une société de personnes qu'à une société aux fins de l'impôt au Royaume-Uni.

Les contribuables canadiens qui espéraient peut-être que l'ARC change le classement des sociétés à responsabilité limitée en fonction de la décision dans l'affaire Anson ont été déçus. À une table ronde de l'ARC en novembre 2015, l'ARC a indiqué que la décision dans l'affaire Anson n'avait pas changé sa position à l'égard des sociétés à responsabilité limitée et qu'elle continuerait à traiter la plupart des sociétés à responsabilité limitée comme des sociétés aux fins de l'impôt du Canada.

Les Canadiens qui ont investi dans une société à responsabilité limitée américaine devraient examiner attentivement leur structure d'investissement avec un conseiller en fiscalité pour déterminer l'incidence des changements potentiels des taux d'imposition américains et s'assurer qu'ils disposent de la structure transfrontalière optimale. Dans certains cas, il peut être prudent d'utiliser une société de portefeuille canadienne, une société de portefeuille américaine ou une combinaison des deux pour investir dans une société à responsabilité limitée.

Calcul des surplus

L'ARC a semé encore plus de confusion pour ceux qui investissaient dans une société à responsabilité limitée l'an dernier en changeant les règles de calcul des surplus pour les sociétés à responsabilité limitée transparentes1. En vertu de la nouvelle position de l'ARC, la plupart des sociétés à responsabilité limitée transparentes doivent appliquer les règles fiscales canadiennes pour calculer les surplus, plutôt que les règles fiscales américaines, pour les années d'imposition terminées après le 19 août 2011. Par ailleurs, l'ARC a indiqué qu'elle traiterait maintenant les déductions déjà demandées en utilisant les règles fiscales américaines comme si elles avaient été demandées au moyen des règles fiscales canadiennes.

Parmi les autres sujets de préoccupation, le changement administratif pourrait entraîner des différences de surplus si les principes fiscaux canadiens entraînent des déductions plus importantes que les principes fiscaux américains. Dans ce scénario, il est possible que les dividendes déjà versés puissent avoir dépassé les comptes de surplus recalculés. Par ailleurs, les lois fiscales canadiennes peuvent entraîner la comptabilisation hâtive des revenus d'une société à responsabilité limitée, ce qui ferait en sorte qu'on ne tiendrait pas compte des versements d'impôts américains futurs aux fins des surplus.

L'un des aspects les plus particuliers de la nouvelle position de l'ARC est qu'elle laisse entendre que les sociétés à responsabilité limitée américaines transparentes s'apparentent davantage à une « succursale » d'une société investisseuse canadienne qu'à une société étrangère. Cette logique semble incohérente avec le traitement des sociétés à responsabilité limitée en tant que sociétés aux fins de l'impôt du Canada par l'ARC, comme il en est fait mention ci-dessus.

Les Canadiens qui ont investi dans une société à responsabilité limitée transparente par l'entremise d'une société canadienne doivent discuter avec leur conseiller en fiscalité de l'incidence des surplus liés à la nouvelle politique de l'ARC. Dans de nombreux cas, il pourrait être nécessaire de recalculer le surplus dans la société à responsabilité limitée.

Les coopératives sont des véhicules d'investissement fréquemment utilisés aux Pays-Bas en raison de leur souplesse sur le plan juridique et fiscal. Elles peuvent fournir une protection de responsabilité limitée sans véritablement émettre de parts. Les investisseurs de la coopérative sont habituellement appelés des « membres » et la coopérative est considérée comme une extension de ses « membres ». Ces caractéristiques peuvent être complexes d'un point de vue fiscal canadien en ce qui concerne le classement d'une coopérative en tant que société, société de personnes ou autre type d'entreprise.

L'ARC a rendu un nombre limité de décisions à l'égard des coopératives néerlandaises au cours de la dernière décennie. En 2015, l'ARC a dû interpréter le statut d'une coopérative néerlandaise et cette décision a été publiée en 20162. Comme pour la plupart des décisions précédentes, l'ARC a conclu que les dispositions de la législation étrangère et les statuts constitutifs de la coopérative étayaient la conclusion que l'entité devrait être traitée comme une société aux fins de l'impôt canadien. De plus, l'ARC a confirmé que certaines conditions requises pour un transfert avec report d'impôt en vertu de l'alinéa 95(2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu étaient satisfaites, facilitant potentiellement une réorganisation de société avec report d'impôt.

Les sociétés canadiennes ayant investi dans une coopérative néerlandaise peuvent être rassurées de savoir que de nombreuses entités seront traitées comme des sociétés aux fins de l'impôt sur le revenu du Canada et que certaines dispositions de transfert avec report d'impôt peuvent être applicables.

La question « Qu'est-ce qui fait en sorte qu'un dividende est un dividende » a été au cœur d'une décision récente de l'ARC3 relative à un investissement canadien en Allemagne. La législation fiscale allemande permet à une société mère allemande de constituer une Organschaft avec une ou plusieurs de ses filiales allemandes. Le groupe de sociétés faisant partie de l'Organschaft choisit d'être traité comme une unité fiscale intégrée aux fins de l'impôt, permettant ainsi aux sociétés de compenser les profits d'une entité juridique avec les pertes d'une autre entité juridique. Le régime Organschaft peut également exiger que des paiements compensatoires soient versés entre les sociétés d'un groupe à titre de compensation pour l'utilisation des pertes.

En 2016, l'ARC a dû émettre son opinion sur le traitement d'un paiement compensatoire d'une filiale allemande à sa société mère allemande pour compenser cette dernière pour l'utilisation de ses pertes. Après examen des faits liés au dossier, l'ARC a indiqué que le paiement compensatoire de la filiale allemande à sa société mère doit en règle générale être considéré comme un dividende, dans la mesure où le paiement était une distribution au prorata à la société mère. Par ailleurs, l'ARC a mentionné que le paiement ne doit pas être perçu comme un revenu étranger accumulé, tiré de biens à une société mère canadienne directe ou indirecte de l'organisation allemande.

Les investisseurs devraient être ravis des éclaircissements de l'ARC à propos du traitement des paiements compensatoires dans un régime Organschaft, en particulier de la clarification à propos du fait que les paiements ne doivent généralement pas être considérés comme un revenu étranger accumulé, tiré de biens.

Conclusions

L'administration fiscale n'est jamais immuable. La jurisprudence, les décisions fiscales et les modifications législatives au Canada et dans d'autres pays peuvent changer rapidement les conséquences fiscales des investissements étrangers. Les investisseurs doivent donc examiner périodiquement leurs placements étrangers avec un conseiller en fiscalité qualifié. En particulier, les Canadiens qui ont investi aux États-Unis doivent évaluer l'incidence des changements potentiels des taux d'imposition américains à la suite de l'élection américaine, ainsi que les changements aux positions administratives de l'ARC à l'égard des sociétés de personnes des États-Unis.

1) Table ronde de l'ARC à la conférence fiscale annuelle de la FCF de 2016.
2) Document no 2015-0571441R3 de l'ARC.
3) Document no 2016-0642081C6 de l'ARC.


L'information présentée est à jour en date du 17 mars 2017.

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