Quand le gouvernement fédéral a rendu public, l'an dernier, son programme de financement provisoire pour les grandes entreprises en lien avec la pandémie, il l'a assorti d'une foule de conditions bien connues. L'une d'entre elles était toutefois inhabituelle : la présentation d'information financière relative aux changements climatiques.
Ce programme de financement, le Crédit d'urgence pour les grands employeurs (CUGE), oblige les entreprises à publier une fois par année un rapport sur la divulgation financière relative aux changements climatiques. Ce rapport doit montrer comment l'organisation gère ses risques et ses occasions à l'égard du climat.
Le CUGE n'est qu'un programme parmi d'autres et s'adresse aux plus grandes entreprises. Par contre, tout indique que la présentation d'information financière relative aux changements climatiques ne disparaîtra pas et deviendra même monnaie courante.
L'Accord de Paris, la carboneutralité et l'environnement
La divulgation financière relative aux changements climatiques a mis du temps à devenir réalité. Sous-produit du mouvement écologique, elle a progressé par à-coups au fil des trente dernières années.
Le tournant le plus récent est survenu en 2015 quand 197 pays ont adopté l'Accord de Paris. En signant cet accord, qui fait partie de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, les leaders mondiaux s'engagent à limiter le réchauffement climatique. Le principal indicateur de performance est le maintien du réchauffement des températures moyennes mondiales inférieur à 2 degrés Celsius – et de préférence à 1,5 degré – par rapport aux niveaux préindustriels. À l'heure actuelle, le réchauffement atteint environ 1 degré.
S'il est vrai que l'Accord de Paris a constitué une véritable percée, il s'agissait davantage d'un point de départ que d'un aboutissement. Afin de limiter encore plus leurs émissions, bien des pays se sont depuis engagés à atteindre la carboneutralité en 2050, ou avant. Lorsqu'il est carboneutre, un pays produit la même quantité de gaz à effet de serre qu'il en retire de l'atmosphère, au moyen de plantations d'arbres, par exemple.
Les pays ont choisi diverses approches en matière d'environnement, même ceux qui, comme le Canada, ont signé l'Accord de Paris, et certains ont modifié leur démarche en cours de route. Les États-Unis avaient signé l'Accord de Paris sous Obama, puis s'en étaient retirés sous Trump. Avec l'arrivée du président Biden, ils ont réintégré l'Accord et travaillent de concert avec le Canada pour devenir carboneutres d'ici 2050.
Le risque climatique, c'est un risque d'investissement!
Les gouvernements qui ont signé l'Accord de Paris pourraient contraindre les entreprises à participer aux efforts visant à freiner les changements climatiques. Au Canada, par exemple, des régimes de tarification du carbone dans tout le pays encadrent les particuliers et les entreprises.
Il reste que certaines entreprises ont décidé de soutenir la durabilité environnementale de leur propre initiative. Ainsi, Microsoft a promis d'afficher un bilan carbone négatif au plus tard en 2030. Plus de 50 sociétés ont également signé la promesse pour le climat proposée par Amazon et se sont engagées à atteindre la carboneutralité d'ici 2040. D'ailleurs, le chef de la direction de BlackRock, Larry Fink, a fait les manchettes en 2020 lorsqu'il a annoncé que la plus grosse société d'investissement au monde fera de la durabilité une priorité dans le cadre de ses stratégies d'investissement.
« Le risque climatique, c'est un risque d'investissement! », a-t-il écrit dans sa lettre annuelle aux dirigeants d'entreprises, ajoutant que BlackRock se départira d'investissements qui présentent un risque élevé pour la durabilité, notamment les producteurs de charbon thermique. BlackRock lancera aussi de nouveaux produits de placement qui écartent le secteur des énergies fossiles, a précisé Larry Fink, et intégrera la durabilité comme facteur d'évaluation pour la constitution des portefeuilles.
Les changements climatiques posent des risques pour les entreprises
Même si certaines adhèrent au principe de la durabilité environnementale au nom de leur responsabilité sociale, la déclaration de BlackRock souligne à grands traits que l'environnement est un enjeu commercial sérieux. Les investisseurs réagissent à une réalité du monde des affaires : les résultats financiers d'une entreprise ont beau être reluisants aujourd'hui, ils peuvent pâtir plus tard si l'entreprise ne se protège pas.
Néanmoins, les investisseurs et les prêteurs insistent pour que les choses bougent sans tarder. À moins que les entreprises ne s'adaptent à la nécessité d'intégrer les changements climatiques à leur stratégie et à leur planification, elles paieront plus cher pour obtenir du financement et, dans certains cas, il leur sera tout simplement impossible de mobiliser des capitaux. En même temps, les entreprises qui agissent créeront une importante valeur pour les investisseurs.
Certains de ces investisseurs adoptent une attitude différente en leur disant soit vous devenez socialement responsables, soit vous en subirez les conséquences. Les investisseurs institutionnels et les groupes de revendication ont exercé des pressions sur les grandes institutions financières pour qu'elles resserrent leurs politiques en matière de climat. Les institutions européennes assistent à ce genre de tactique plus souvent, par exemple la confrontation entre HSBC et quinze de ses investisseurs en mars, mais les groupes canadiens qui militent pour des investissements socialement responsables sont aussi en pleine croissance.
L'écoblanchiment et la solution axée sur la présentation de l'information
La présentation de l'information financière, qui est à la base du système financier, fonctionne seulement parce que les entreprises se sont entendues sur des normes. Si l'argent fait tourner le monde des investisseurs, c'est quand même la confiance qui en lubrifie les rouages.
Voilà pourquoi la présentation d'information en lien avec les changements climatiques a gagné en popularité. Dès qu'une entreprise détient un intérêt financier dans une autre, sous la forme d'actions ou de prêts, elle a besoin de connaître son profil de risque. Or, le climat représente une forme supplémentaire de risque. Les entreprises en sont de plus en plus convaincues : l'obligation de présenter de l'information sur les changements climatiques devrait être la même que pour d'autres risques.
Par contre, cette obligation se heurte à deux obstacles : les cadres normatifs sont trop nombreux et différents, et ils sont de nature volontaire. Même si certaines entreprises, surtout les plus grandes, ont effectivement adopté l'un de ces cadres, il est possible qu'elles mettent l'accent sur les chiffres qui les montrent sous leur meilleur jour. C'est ce que les critiques appellent « écoblanchiment ».
L'absence d'unanimité entourant la présentation de l'information relative aux changements climatiques atteindra bientôt son point de crise. En mars, l'une des plus importantes organisations au monde régissant la publication de données financières a déclaré qu'elle avait l'intention de créer un organe parallèle pour la communication d'informations de nature autre que financière. Dans son annonce, l'International Financial Reporting Standards Foundation a invoqué une demande indéniable pour la mise sur pied d'un conseil de normes sur la durabilité.
ESG : Trois lettres qui désignent la présentation d'informations non financières
Si la terminologie entourant les risques relatifs au climat peut sembler nébuleuse, c'est parce qu'elle l'est parfois. Les gens d'affaires emploient une série de termes connexes quand ils parlent d'environnement et d'autres formes d'informations non financières.
L'expression « risque climatique » parle d'elle-même : il s'agit du risque, pour l'entreprise, qui découle des changements climatiques.
Le mot « durabilité » est un peu trompeur, quant à lui. En soi, il déborde du domaine de l'environnement. Quand on parle d'investissement et de présentation d'information, la durabilité englobe trois catégories distinctes : l'environnement, la dimension sociale (la façon dont l'entreprise réagit aux enjeux sociaux, notamment les questions touchant ses employés, les tendances politiques externes ou les aspects humanitaires de ses chaînes d'approvisionnement) et la gouvernance. Ces trois catégories réunies constituent les enjeux ESG. L'environnement n'est qu'une source, quoique très visible, de risque.
Le Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques
Malgré qu'il n'y ait a pas de cadre universellement reconnu pour la communication d'informations relatives aux changements climatiques, plus de 1 500 entreprises du monde entier ont adopté les recommandations du Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (GIFCC).
Publiées en 2017, ces recommandations se fondent sur des consultations menées auprès de grandes banques, de sociétés d'assurances, de gestionnaires d'actifs, de caisses de retraite, d'importantes entreprises non financières, de cabinets d'experts-comptables, de consultants et d'agences d'évaluation du crédit.
Certains pays ont déjà rendu obligatoire l'application des recommandations du GIFCC. Au Royaume-Uni, de nombreuses sociétés cotées en bourse seront tenues de présenter l'information relative aux changements climatiques en conformité avec les recommandations du GIFCC à partir de 2021 et d'autres devront emboîter le pas en 2022 et 2023. En Nouvelle-Zélande, cette information devra être communiquée obligatoirement par environ 200 entités du secteur financier dès 2023.
Les quatre aspects visés par l'information financière relative aux changements climatiques
Les recommandations du GIFCC portent sur les quatre aspects suivants :
Risques et occasions relatifs au climat pour l'organisation, et rôle de la direction dans l'évaluation et la gestion de ces risques et occasions. Il ne s'agit pas de la même gouvernance que celle du « G » dans ESG, puisqu'on parle ici précisément de la gouvernance à l'égard du risque climatique.
Répercussions réelles et possibles des risques et occasions relatifs au climat sur les activités, la stratégie et la planification financière de l'organisation. S'y ajoutent la résilience de l'organisation face aux scénarios climatiques et les mesures qu'elle prendrait pour y répondre.
Ensemble des moyens utilisés par l'organisation pour évaluer et gérer les risques climatiques, puis faire rapport à ce sujet. L'organisation doit également préciser comment elle établit l'importance relative des différents risques et comment les dirigeants prennent les décisions sur la façon de les contrer.
Principaux chiffres qui servent à évaluer et à gérer les risques relatifs aux changements climatiques, puis à présenter l'information afférente. Il peut s'agir des émissions de gaz à effet de serre, de l'incidence que peuvent avoir, ou pas, les données relatives aux changements climatiques sur la rémunération et des chiffres de vente visés pour les produits et services dans une économie à faibles émissions de carbone. Les entreprises ont souvent recours à des systèmes spécialisés pour faire le suivi de ces données.
La définition du risque climatique
Les recommandations du GIFCC ne constituent pas simplement un choix populaire pour les entreprises qui ont besoin sans tarder d'un cadre régissant la présentation de l'information financière relative au climat. Elles permettent aussi à celles qui n'éprouvent aucun besoin dans l'immédiat de comprendre comment analyser la question.
Parmi les principaux thèmes qui doivent être abordés, il y a la différence à faire entre les risques physiques et les risques de transition. Les risques physiques prennent plusieurs formes, dont l'interruption des activités directement attribuables aux changements climatiques; par exemple à la suite de feux de forêt ou de la baisse des rendements agricoles. Les risques de transition proviennent du passage graduel de la planète à une économie bas carbone.
Ils sont innombrables : il y a les risques liés aux technologies, comme l'élimination graduelle des moteurs à combustion interne; les risques politiques et juridiques, dont les taxes sur le carbone; les risques touchant la réputation, notamment les demandes des activistes, des investisseurs ou même des employés qui réclament des politiques favorables au climat; les risques liés au marché, par exemple la modification des comportements des consommateurs.
Les risques climatiques se posent à court, moyen et long terme. Par conséquent, il peut être difficile pour les entreprises de savoir exactement quelle est la part des changements climatiques dans leur profil de risque. Il reste que celles qui analysent le risque climatique dans une perspective stratégique dès maintenant se retrouveront dans la position la plus enviable pour mener leurs activités, mobiliser des capitaux ou décrire les progrès accomplis à quiconque a besoin de s'informer.
Pour savoir comment les équipes des Services-conseils en comptabilité et des Services de consultation de BDO peuvent vous aider à présenter l'information sur les risques climatiques de votre entreprise, communiquez avec :