Dans son budget de 2023, le gouvernement fédéral a proposé de changements aux règles fiscales afin d’accorder un allègement fiscal aux familles qui désirent transférer à leurs enfants des actions d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale.
Les changements proposés entraînent des conditions qui doivent être respectées afin que les propriétaires de ce type de sociétés puissent vendre leurs actions à une société ayant un lien de dépendance, comme une société détenue par leurs enfants, ainsi que réaliser un gain en capital lors de la disposition de ces actions. Ils pourront par la suite utiliser leur exonération cumulative des gains en capital afin de réduire l’impôt exigible sur le gain en capital.
Problèmes liés aux règles fiscales précédentes
Pendant de nombreuses années, il a été difficile pour les enfants d’utiliser une société pour acheter les actions d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale de leurs parents en raison des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).
Les propriétaires qui vendaient leurs actions à une société sans aucun lien de dépendance (non liée) pouvaient utiliser leur exonération cumulative des gains en capital pour réduire l’impôt à payer découlant du gain en capital de l’opération. Toutefois, si les actions étaient plutôt vendues moyennant de la trésorerie ou un billet à ordre à une société ayant un lien de dépendance, cette opération ne donnait pas lieu à un gain en capital et les parents ne pouvaient donc pas se prévaloir de leur exonération cumulative des gains en capital, ce qui entraînait d’importantes conséquences sur l’impôt sur le revenu.
Dépôt du projet de loi C-208
En 2021, le projet de loi C-208, qui émanait d’un député, a été adopté. Il a permis d’apporter des modifications à la LIR afin de régler en partie les problèmes présents et de favoriser les transferts intergénérationnels efficaces de petites sociétés à actionnariat restreint, comme les sociétés agricoles ou de pêche, aux enfants ou aux petits-enfants des propriétaires.
L’avantage principal de ces changements réside dans la capacité d’un particulier à vendre des actions à une société ayant un lien de dépendance (liée), comme une société détenue par les enfants du contribuable, moyennant de la trésorerie ou un billet à ordre. Ils permettent également aux particuliers de réaliser un gain en capital sur le transfert et de réduire ce gain en se prévalant de l’exonération cumulative pour gains en capital, s’il y a lieu. En d’autres termes, ces changements uniformiseront les règles du jeu en faisant en sorte que les règles fiscales visant les ventes à des acheteurs avec ou sans lien de dépendance s’appliqueront également aux actions si elles sont admissibles en vertu de ces nouvelles règles.
Principales conditions visées par les nouvelles règles
Les nouvelles règles ont mal été rédigées et ont soulevé de nombreuses questions et incertitudes quant à leur application. En juillet 2021, peu de temps après l’adoption du projet de loi C-208, le ministère des Finances a déclaré qu’il instaurerait des règles révisées pour gérer les conditions suivantes devant être respectées afin de profiter des changements présentés dans le projet de loi C-208 :
- L’obligation de transférer le contrôle juridique et le contrôle de fait de la société exploitant l’entreprise du parent à son enfant ou à son petit-enfant;
- Le niveau de propriété de la société exploitant l’entreprise que le parent peut conserver pendant une période raisonnable suivant le transfert;
- Les obligations et le calendrier à respecter pour que le parent transfère sa participation dans l’entreprise à la génération suivante;
- Le niveau de participation de l’enfant ou du petit‑enfant à l’entreprise suivant le transfert.
Selon la proposition, ces nouvelles règles relatives à la disposition des actions n’entreront pas en vigueur avant le 1er janvier 2024. Pour le reste de l’année 2023, les opérations peuvent donc être effectuées conformément aux règles existantes.
Propositions du budget de 2023
Comme c’est le cas dans la loi actuelle, les propositions s’appliquent uniquement aux dispositions d’actions admissibles de petite entreprise (« AAPE ») ou d’actions d’une société agricole ou de pêche familiale admissible effectuées par un particulier.
Toutefois, les propositions de 2023 comprennent des restrictions supplémentaires afin d’assurer un transfert de bonne foi de l’entreprise, notamment un transfert du contrôle de droit et du contrôle économique à l’entreprise faisant l’objet de la vente (Opco). De plus, l’acheteur doit être une société contrôlée par un membre de la famille qui conservera le contrôle de droit et le contrôle économique de la société en question pendant une période déterminée.
Pour ce faire, il est nécessaire de respecter l’un des deux critères, soit le transfert d’entreprise intergénérationnel immédiat ou le transfert d’entreprise intergénérationnel progressif. Les tableaux ci-dessous résument les principaux éléments de la nouvelle loi ainsi que ces deux critères.
Voici quelques points importants à retenir lorsque vous consultez ces tableaux :
- Les règles proposées élargissent le bassin de bénéficiaires admissibles des entreprises pour inclure les petits-enfants, les enfants du conjoint, les conjoints des enfants, les nièces et neveux, les conjoints des nièces et neveux et les petites-nièces et petits-neveux. Les tableaux ci-dessous y font référence sous le terme « enfants ». Ils doivent tous être âgés d’au moins 18 ans.
- Dans le présent article, la mention de conjoint désigne aussi un conjoint de fait.
- En général, le terme « actions déterminées » renvoie aux actions privilégiées non convertibles sans droit de vote.
- Par souci de simplicité, ces tableaux supposent l’existence d’Opco et d'une société acheteuse (Purchaseco) seulement. Toute autre participation dans une entreprise, notamment dans une filiale ou une société de personnes, pourrait avoir une incidence sur la classification des actions d’Opco, comme des actions admissibles de petite entreprise ou des actions de société de personnes agricole familiale ou de pêche familiale, et est assujettie aux mêmes restrictions de contrôle qu’Opco.
- Bien que la LIR fait référence au cédant des actions d’Opco et à son conjoint, ces contribuables sont appelés « parents » dans les tableaux ci-dessous.
Avant la vente | Immédiatement avant la vente, les parents doivent détenir le contrôle d'Opco. |
---|---|
Au moment de la vente | Au moment de la vente, Purchaseco doit être contrôlée par un ou plusieurs enfants des parents. |
Immédiatement après la vente | Après la vente, les parents ne doivent pas détenir le contrôle d'Opco ou de Purchaseco et doivent posséder moins de 50 % des actions de toute catégorie d'Opco et de Purchaseco (à l'exception de certaines actions déterminées). |
Dans les 36 mois suivant la vente | Dans les 36 mois suivant la vente et ultérieurement, les parents ne peuvent détenir aucune action d'Opco ou de Purchaseco (à l'exception de certaines actions déterminées). |
Choix conjoint | Pour bénéficier du traitement des gains en capital sur la vente des actions d'Opco, les parents et l'enfant ou le groupe d'enfants qui détiennent le contrôle de Purchaseco doivent signer un formulaire de choix conjoint pour l'année d'imposition au cours de laquelle la vente a eu lieu. Ce choix rend l'ensemble des parties responsables de tout impôt qui en découle lorsque le transfert d'actions ne satisfait pas aux conditions futures. |
Vente subséquente d'Opco ou de Purchaseco | Lorsque toutes les actions d'Opco ou de Purchaseco détenues par un ou plusieurs enfants contrôlant Opco et Purchaseco ont fait l'objet d'une disposition par ceux-ci, la période de détention de 36 mois ou de 60 mois est réputée être respectée lors de cette vente subséquente. |
Décès ou invalidité d'un ou plusieurs enfants actifs | Lorsqu'un enfant ou chacun des enfants participant activement à l'entreprise décèdent ou sont atteints d'une invalidité physique ou mentale, la période de détention est réputée être respectée au moment du décès ou de la constatation de l'invalidité. |
Provision pour gains en capital | Dans la mesure où une partie du produit de la vente est perçue au fil du temps, il est possible de demander une provision pour gains en capital. Il est possible d'échelonner les gains sur une période maximale de 10 ans, pourvu que le produit soit perçu sur une période d'au moins 10 ans. |
Transfert immédiat Transfert immédiat du contrôle des droits de vote et du contrôle économique | Transfert progressif Transfert immédiat du contrôle des droits de vote et transfert progressif du contrôle économique | |
---|---|---|
Transfert de contrôle | Après la vente, les parents ne doivent pas avoir le contrôle des droits de vote ni le contrôle économique de fait d'Opco ou de Purchaseco. | Après la vente, les parents ne doivent pas avoir le contrôle des droits de vote d'Opco ou de Purchaseco. |
Transfert de l'intérêt économique | Dans les 36 mois suivant la vente, les parents ne peuvent détenir que des actions déterminées dans Opco ou Purchaseco. | Dans les 36 mois suivant la vente, les parents ne peuvent détenir que des actions déterminées dans Opco ou Purchaseco. Dans les 10 années suivant la vente d'actions admissibles de petite entreprise, la juste valeur marchande de la participation totale des parents dans Opco ou Purchaseco doit être inférieure de 30 % à la participation au moment de la vente. Dans les 10 années suivant la vente d'actions de société agricole ou de pêche familiale, la juste valeur marchande de la participation totale des parents dans Opco ou Purchaseco doit être inférieure de 50 % à la participation au moment de la vente. |
Transfert du contrôle de gestion aux enfants actifs | Dans les 36 mois ou ultérieurement selon ce qui est jugé raisonnable dans les circonstances. Pour le moment, aucune directive n'a été donnée quant à un délai jugé raisonnable. | Dans les 60 mois ou ultérieurement selon ce qui est jugé raisonnable dans les circonstances. Pour le moment, aucune directive n'a été donnée quant à un délai jugé raisonnable. |
Maintien du contrôle par les enfants acheteurs | L'enfant ou les enfants qui contrôlent Purchaseco au moment de la vente continueront de détenir le contrôle des droits de vote de Purchaseco et d'Opco pour une période d'au moins 36 mois à la suite de la vente. | L'enfant ou les enfants qui contrôlent Purchaseco au moment de la vente continueront de détenir le contrôle des droits de vote de Purchaseco et d'Opco pour une période d'au moins 60 mois à la suite de la vente. |
Poursuite des activités en tant qu'entreprise active | Les activités d'Opco doivent se poursuivre pour une période d'au moins 36 mois. | Les activités d'Opco doivent se poursuivre pour une période d'au moins 60 mois. |
Les enfants acheteurs travaillent dans l'entreprise | Au moins un enfant doit être engagé sur une base régulière, continue et substantielle pendant au moins 36 mois. | Au moins un enfant doit être engagé sur une base régulière, continue et substantielle pendant au moins 60 mois. |
Comment BDO peut aider
Afin de faciliter la compréhension et l’illustration des règles, celles-ci ont été présentées d’une manière simplifiée dans le présent article. Si vous songez à transférer votre entreprise à vos enfants ou à vos petits-enfants, votre conseiller de BDO peut vous accompagner afin de déterminer si ces règles sont avantageuses pour vous et pourrait vous faire réaliser des économies d’impôt. Il peut également déterminer s’il est préférable d’effectuer la transaction en 2023 (si possible) afin d’être assujetti aux règles actuelles ou s’il vaut mieux attendre l’entrée en vigueur des nouvelles règles en 2024.