Présentation de l’étude de cas
La société américaine Theranos Inc. a déclaré qu’elle avait créé une technique révolutionnaire d’extraction et d’analyse sanguine pouvant effectuer trente tests médicaux différents à partir d’une seule goutte de sang. Tout s’est écroulé lorsque des questions ont été soulevées quant à la faisabilité de sa technologie présumée.
Tous les montants sont exprimés en dollars américains, sauf indication contraire.
Détails sur la fraude
Theranos a affirmé avoir mis au point une technologie révolutionnaire pouvant effectuer plusieurs tests sanguins (comme l’évaluation du taux de sucre et la détection de problèmes de santé tels que le cholestérol et le cancer) grâce à une seule goutte de sang, exploit dont nous n’avions encore jamais entendu parler.
L’ancienne PDG, Elizabeth Holmes, a fondé Theranos en 2003 et a amassé plus de 700 millions de dollars grâce à des investisseurs en capital de risque et à des investisseurs privés. La valeur de son entreprise a atteint un sommet de 9 milliards de dollars en 2013 et 2014.
Sa technologie n’a toutefois jamais été mise à l’épreuve, ce qui a mené à des spéculations et a soulevé des questions à propos de la société novatrice de pointe.
En octobre 2015, le Wall Street Journal (« WSJ ») a soutenu que Theranos avait exagéré les capacités de ses produits.
Il s’est avéré ultérieurement que seule une petite partie de l’ensemble des tests avait été effectuée au moyen de la technologie exclusive de la société. La plupart des tests avaient plutôt été réalisés à l’aide d’un équipement conventionnel.
Malgré les allégations du WSJ, d’anciens employés et d’experts médicaux, Theranos a continué à défendre farouchement sa réputation et son produit, cherchant à remettre en question les critiques et à éliminer les rapports négatifs provenant des médias au moyen de démarches juridiques et d'activités de relations publiques.
Comment les fraudeurs ont-ils commis leur crime?
Exploitation des relations
L’attrait intégral de Theranos reposait sur sa technologie novatrice lui permettant de réaliser une grande variété de tests à partir d’une seule goutte de sang. En collaboration avec le chef de l’exploitation, Sunny Balwani, Elizabeth Holmes a réussi à convaincre les investisseurs de la viabilité de la technologie mise au point par son entreprise grâce aux stratagèmes suivants :
- Elle a misé sur les relations établies avec d’importants politiciens et des investisseurs renommés en capital de risque, dont des amis de la famille et des voisins, pour donner une impression d’appui professionnel;
- Elle a fourni des résultats d'essais cliniques falsifiés et annoncé de faux partenariats avec de grandes sociétés de soins de santé mondiales;
- Elle a mobilisé des fonds d’investissement en posant la condition que Theranos n’ait pas à révéler le fonctionnement de sa technologie.
Mme Holmes a obtenu l’engagement d’investisseurs d’envergure et a cultivé des relations avec des personnes jouissant d’une grande notoriété, ce qui a permis à l’entreprise de créer une apparence de légitimité. Grâce à son aura de crédibilité, Theranos a pu réfuter les critiques et éviter de répondre aux demandes de détails techniques à l’égard de son produit. Par conséquent, la vérité entourant les activités de Theranos est demeurée cachée pendant des années en raison de ce que les relations de l’entreprise avec des entités et des personnes crédibles laissaient supposer aux parties prenantes.
Publicité mensongère
Theranos se vantait de sa technologie médicale de qualité supérieure, mais un ancien cadre de l’entreprise a admis que son nouveau produit n’avait fait l’objet que d’une fraction des tests exigés. La plupart des tests avaient plutôt été réalisés à l’aide de l’équipement conventionnel.
Quel en a été le résultat?
À la suite des soupçons soulevés sur le marché, les organismes de réglementation ont enquêté sur la société. Ils ont conclu que les affirmations de Theranos à propos de son appareil révolutionnaire étaient fausses et que la conception de son produit n’avait pas été validée dans des cas d’utilisation réels ou simulés.
Une lettre publiée par le Center for Medicare & Medicaid Services (« CMS ») au début de 2016 a indiqué qu’un laboratoire californien utilisé par Theranos posait « un danger immédiat pour la santé et la sécurité des patients ».1 Le centre alors donné dix jours à la société pour corriger les lacunes afin d’éviter les amendes journalières et la perte de l’approbation du CMS pour les paiements Medicare.
En juillet 2016, les organismes de réglementation américains ont interdit à Mme Holmes de détenir et d’exploiter un laboratoire médical pendant deux ans. En octobre, la société avait fermé ses laboratoires et ses centres d’essais, ce qui a par le fait même mis fin à ses activités.
En mars 2018, la Securities and Exchange Commission (« SEC ») des États-Unis a accusé Mme Holmes et M. Balwani d’avoir commis « une fraude complexe pendant plusieurs années »2 en présentant des affirmations exagérées ou fausses sur le rendement et la technologie de l’entreprise. Mme Holmes et Theranos ont alors convenu de régler les plaintes de la SEC. Par conséquent, la femme d’affaires a cédé le contrôle financier ainsi que le contrôle des droits de vote de la société, en plus de payer une amende de 500 000 $ et de procéder à la restitution de 18,9 millions d’actions de l’entreprise. Mme Holmes a également accepté les restrictions l’interdisant d’occuper un poste de direction au sein d’une société cotée en bourse pendant dix ans.
Comme plusieurs médias l’ont mentionné, M. Balwani a décidé de contester les accusations de la SEC, plaidant qu’il avait « dressé un portrait juste de Theranos aux investisseurs, au mieux de ses connaissances ».
En plus des accusations de la SEC, le bureau de la procureure du district nord de la Californie a également annoncé, en juillet 2018, que Mme Holmes et M. Balwani étaient inculpés de fraude électronique à l’échelle fédérale. Ils ont été inculpés de deux chefs d’accusation de complot de fraude électronique et de neuf chefs d’accusation de fraude électronique.
À la suite des procès tenus en 2022, Mme Holmes a été condamnée à 11 ans et 3 mois de prison, tandis que M. Balwani a été condamné à 12 ans et 11 mois de prison et à 3 ans de probation.
Comment aurait-on pu l’éviter?
La controverse autour de Theranos a ouvert les yeux aux dirigeants d'entreprise. Bien que l’intention de révolutionner un secteur soit admirable, les aspirations ne peuvent l’emporter sur le fond. La vertigineuse chute d’Elizabeth Holmes met en lumière le rôle de l’éthique, de la gouvernance et de la conformité au sein d’une entreprise, y compris les obligations suivantes :
Même si une entreprise est appuyée par des personnes d’envergure, elle doit tout de même faire l'objet d'un contrôle diligent. Avant d’investir, il convient de procéder à une évaluation approfondie de sa proposition de valeur, de sa technologie et de son objectif commercial.
Plusieurs investisseurs potentiels ont refusé d’investir dans Theranos en raison d’un manque de réponses satisfaisantes. Il peut être tentant d'investir dans une société promettant des innovations de grande envergure. Par contre, se laisser facilement embarquer peut empêcher de voir des lacunes importantes.
L’ambiguïté entourant Theranos et ses lacunes étaient évidentes aux yeux de plusieurs experts médicaux et techniques. Parallèlement, les milliardaires mal renseignés qui ont investi dans l’entreprise ne possédaient pas suffisamment d’expérience à l’égard du secteur des tests sanguins, ce qui les a poussés à prendre des décisions à la hâte.
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Footnotes:
* Tous les montants sont exprimés en dollars américains à moins d’indications contraires.